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Alou Diarra : « J’aurais aimé commenter la finale de la Coupe du monde 2006 »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
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Ancien capitaine des Bleus et retraité depuis 2017, Alou Diarra partage désormais son temps entre sa formation d'entraîneur, le banc des U19 du RC Lens et aussi un fauteuil de commentateur sur France Télévisions pour les coupes nationales. À l'heure de la collation, l'ex-milieu de terrain décroche son téléphone pour raconter sa volonté de transmettre son expérience, que ça soit derrière un micro ou sur un terrain d'entraînement.

Comment te sens-tu à ton poste de commentateur pour France Télévisions ?Très bien. J’avais déjà été consultant auprès du groupe Canal+ pendant la Coupe du monde 2014 et l’Euro 2016, et ça avait été très enrichissant pour moi. Ça m’a donné envie de reproduire ça, mais dans un autre exercice qu’est le commentaire de matchs en direct. C’est valorisant de partager son expérience avec les téléspectateurs et je prends beaucoup de plaisir à le faire.

Tu as eu une petite formation ou tu as été lancé directement dans le grand bain ?J’ai la chance d’avoir des gens dans le groupe France Télévisions qui m’accompagnent (il est en binôme avec Kader Boudaoud, N.D.L.R.), qui m’orientent et me font progresser. Je me plais vraiment dans ce rôle. C’est un travail méticuleux, mais mon avantage, c’est que je regarde pas mal de matchs et que je connais énormément de joueurs, certains très bien pour les avoir côtoyés durant ma carrière. Disons qu’en tant que passionné, avant même de préparer le match, j’ai déjà beaucoup d’informations.

Ce mardi, tu vas commenter PSG-Dijon, un match de Coupe de France, le seul trophée national qui manque à ton palmarès et tu n’as jamais été plus loin que deux quarts de finale (éliminé par Sedan avec Bordeaux en 2008 et l’US Quevilly avec Marseille en 2012).

Paradoxalement, à chaque fois que j’ai joué des tours décisifs de Coupe de France, c’était une période où l’équipe était épuisée.

Pour moi, c’est vraiment la compétition la plus difficile : il faut avoir un peu de chance sur le tirage et tout dépend de la forme du moment… Paradoxalement, à chaque fois que j’ai joué des tours décisifs de Coupe de France, c’était une période où l’équipe était épuisée, parce qu’à côté de ça, on jouait la Coupe d’Europe et le championnat. On avait du mal à enchaîner. Cela dit, j’ai pris quand même du plaisir à la jouer, parce qu’on pouvait rencontrer de belles équipes amateurs ou semi-professionnelles. On voyait tout l’engouement et la fête autour de ces matchs.

Dans l’édition actuelle, t’imagines-tu commenter une finale sans le Paris Saint-Germain ? Ils ont laissé échapper la Coupe de la Ligue, difficile de penser qu’ils ne fassent pas de ce trophée un vrai objectif.J’ai été heureux de voir la performance de Guingamp en Coupe de la Ligue. Ça peut donner des idées à d’autres équipes et montrer que le PSG n’est pas imbattable. Malgré ça, le PSG a aussi fait de ces coupes une spécialité. C’est dur de rivaliser avec eux, parce qu’ils ont un effectif de grande qualité et ce n’est pas un souci pour eux de faire des rotations. Le PSG a de bonnes chances d’aller en finale, mais on n’est pas à l’abri de voir Dijon créer la surprise au Parc.

Lequel des matchs que tu as joués aurais-tu aimer commenter ?La finale de la Coupe du monde 2006, forcément. C’est un match à part. Le scénario était dingue, il y avait des rebondissements de partout, des faits de jeu qui nous ont fait passer par tous les états… La panenka, l’égalisation, le coup de tête, la domination, la prolongation, les tirs au but… Il y avait tout ! Je l’ai vécu en tant que joueur, ce qui est incomparable, mais le suivre avec un peu plus de distance et de hauteur, ça devait forcément être passionnant.

Comment aurais-tu réagi au micro sur le coup de boule de Zizou ?Sur le terrain, on a vraiment subi cette décision arbitrale, parce qu’on ne la comprenait pas. En revoyant les images à la fin, ben, on avait compris qu’il y avait eu quelque chose de grave. Dans ce cas, être aux commentaires te donne la possibilité d’avoir plus de clés pour analyser les choses : les caméras, les ralentis, etc. D’autant plus qu’on ne ressent pas la pression comme les joueurs.

Knysna, tout le monde veut l’oublier. C’est le point noir du football français et j’espère qu’il est aujourd’hui bien derrière nous.

Quand tu croises des gens, ils te parlent plus de cette finale ou de Knysna ?Plus de 2006. Knysna, tout le monde veut l’oublier. C’est le point noir du football français et j’espère qu’il est aujourd’hui bien derrière nous. Cette Coupe du monde en Afrique du Sud, la première sur ce continent, devait être une fête humaine et sportive incroyable. Ça ne s’est pas passé comme ça pour nous et c’est ce que je peux déplorer. En 2006, au-delà de la défaite, c’est la manière dont on a joué qui a plu. On a joué avec beaucoup d’enthousiasme, on a dominé nos adversaires, on a produit du beau jeu. On avait réuni tous les ingrédients pour la remporter : le jeu, des joueurs de qualité, un engouement…

Est-ce que tu as gardé contact avec les mecs de ta génération ? Malouda, Abidal, Gallas…Quand on se croise, on est contents de se voir, mais on est une génération de transition, après celle de 1998. On est dans un entre-deux. Mais on a passé de super moments en équipe de France et ça reste des souvenirs très positifs, malgré ce qu’on a vécu.

On parle encore aujourd’hui de France 1998, on devrait toujours parler dans 20 ans de France 2018, mais France 2006 sera forcément moins identifiée… Il faut gagner un trophée pour marquer l’esprit des gens en tant que génération ?Oui, c’est sûr. Ne pas avoir remporté de trophée avec l’équipe de France reste mon grand regret, parce qu’on en avait les moyens. Les mecs jouaient dans les plus grands clubs européens et collectivement, on était très compétitifs. Mais pour aller au bout, il faut que plusieurs paramètres soient réunis. On a manqué de chance, de réussite et d’un contexte favorable.

Tu as pris ta retraite à l’été 2017, pour entamer ensuite une année sabbatique. Ils étaient faits de quoi, ces mois de pause ?J’ai profité de ma famille, j’ai pu faire des activités que je n’avais pas l’habitude de faire. Voyager, voir des matchs dans des stades en France et à l’étranger, d’autres sports. Quand le foot s’arrête, on trouve le temps pour faire beaucoup de choses. Une carrière, ça prend énormément de place, c’est un investissement de tous les instants. Physiquement, c’est dur, il te manque aussi quelque chose au niveau de l’adrénaline et on passe d’une suractivité à pas grand-chose. J’ai profité, mais j’ai également pas mal réfléchi à mon avenir. Et la formation d’entraîneur est venue logiquement dans mes projets.

Tu avais ça en tête depuis un petit moment ?Ça s’est développé sur la fin de ma carrière. Je voulais rester dans un domaine qui me passionne comme le football. Les relations humaines me passionnent aussi. Devenir entraîneur, c’est un retour aux sources. Transmettre, c’est un sentiment incroyable. C’est pour ça que j’ai décidé de passer mes diplômes.

Tu es l’entraîneur-adjoint des U19 du RC Lens depuis l’été dernier. Tu t’en sors bien ?Oui, c’est une expérience très positive. Je bénéficie d’un super accompagnement dans ce club, avec des personnes que j’avais côtoyées lors de mon passage ici de 2004 à 2006, mais aussi le directeur de la formation Sylvain Matrisciano, qui est à l’origine de ma venue. Ça s’est décidé très rapidement. Et puis j’ai la chance de travailler avec Stéphane Beyrac, l’entraîneur principal des U19, et d’échanger avec Philippe Montanier, le coach de la Ligue 2… Ce lien entre les différentes personnes du club est très enrichissant. Ça me donne envie de me projeter dans ce que je veux mettre en place, oui.

Quand on est joueur, on s’occupe surtout de sa propre personne, de son rendement… Mais en tant qu’entraîneur, il y a cent fois plus de paramètres à prendre en compte.

Tu as connu des difficultés lors de tes premiers entraînements ?Je ne les ai pas pris directement en charge. Il faut être formé, structuré. Mais les premières séances que j’ai prises n’étaient pas évidentes et je les ai menées avec beaucoup d’humilité. Quand on est joueur, on s’occupe surtout de sa propre personne, de son rendement… Mais en tant qu’entraîneur, il y a cent fois plus de paramètres à prendre en compte. Il faut être très bien organisé et savoir se faire comprendre. On a beaucoup d’idées quand on arrive, mais il faut savoir les transmettre aux jeunes. Et c’est là que ce n’est pas évident. Les premières séances que j’ai prises, c’était du rodage, aujourd’hui ça va beaucoup mieux, et je suis en parallèle ma formation d’entraîneur, le BEF avec la Ligue de Paris. Quand je reviens au club après une semaine de stage, je sens que tout ça m’est bénéfique.

Quels sont tes objectifs en matière de management ?Mon objectif à long terme est de diriger une équipe professionnelle, mais cette position d’adjoint me plaît énormément. Ça me permet de me roder, de progresser, de m’améliorer…

La difficulté, pour quelqu’un qui a joué au très haut niveau, n’est-elle pas de griller les étapes et de vouloir aller un peu trop vite sur un banc trop exposé ? On peut prendre l’exemple de Thierry Henry…Thierry n’a eu ni la réussite ni les conditions idéales. Il est arrivé dans une équipe avec plein de cadres blessés, avec une confiance qui les fuyait… Malheureusement, il n’a pas su trouver les moyens pour relancer la machine monégasque. C’est un peu dommage, parce que c’est un passionné, qui a énormément d’expérience. Avec un peu plus de temps et de réussite, il aurait pu apporter énormément à l’AS Monaco. Après, c’est difficile de refuser Monaco. Une carrière dans le football est faite d’opportunités et il ne pouvait pas la laisser passer. Il n’a pas su retourner la tendance sportive, mais je suis sûr qu’il y a eu un effet Thierry Henry : des joueurs plus concernés, une remise en question, etc. Ça ne s’est malheureusement pas traduit dans les résultats, et un entraîneur est très souvent jugé sur ça. Après, pointer du doigt son inexpérience, ce n’est pas forcément juste. Je pense qu’il était prêt. Mais le contexte n’était pas évident.

En début de carrière, tu as été trimbalé dans plusieurs clubs avant de véritablement jouer : Louhans-Cuiseaux, Bayern, Liverpool, Le Havre… Pas forcément idéal pour se lancer. Essayes-tu d’aiguiller les jeunes dans leurs premiers choix, pour qu’ils puissent avoir leur chance plus tôt ?Bien sûr ! Ça n’a pas été un chemin facile, j’ai manqué de stabilité, mais c’est ce qui a forgé le joueur que je suis devenu. Je n’ai pas voulu faire toutes ces étapes, mais ça m’a permis de connaître diverses situations : j’ai joué le maintien, le haut de tableau, le milieu de tableau, les titres, l’Europe… C’était finalement une chance. Après, je ne suis pas revenu en France par hasard. Je sentais qu’à l’étranger, le chemin était bouché.

L’année de mon départ, Louhans-Cuiseaux descendait en National, donc accepter le Bayern Munich me semblait assez logique.

Si un de tes jeunes vient te voir et te dit qu’il a l’opportunité d’aller directement dans un grand club étranger, tu lui conseilles d’y aller ou tu lui dis de rester de préférence en France ?Je lui dirais de rester à Lens. Moi, j’étais à Louhans-Cuiseaux, autrement dit pas un club avec d’énormes moyens. L’année de mon départ, on descendait en National, donc accepter le Bayern Munich me semblait assez logique. Il y avait un club qui me permettait de passer dans une autre dimension, d’apprendre mon futur métier… Mes deux ans au Bayern m’ont énormément servi pour le reste de ma carrière.

Tu as eu tout de même du mal à te fixer quelque part ensuite. Est-ce un regret de ne pas avoir connu une expérience sur le long terme dans un club ?Non, j’aurais pu rester tranquillement à Bordeaux. J’y suis quand même resté quatre ans (de 2007 à 2011, N.D.L.R.), j’ai apprécié le club, la ville, la région. Après, mon objectif, c’était d’aller toujours chercher les challenges. J’ai toujours été un compétiteur. J’avais toujours autant d’ambition en Bleu et en club. Je voulais jouer la compétition, donc j’ai décidé de partir. Dans tous les clubs où je suis passé, j’ai toujours donné mon maximum.

Dans quel club par lequel tu es passé tu te verrais bien exercer comme entraîneur ? Il y en a beaucoup, beaucoup trop. (Rires.) Lens, forcément, mais aussi Bordeaux, Lyon, même à l’étranger. Maintenant, j’ai envie de faire les choses par étape, je suis vraiment au tout début de cette nouvelle carrière et je vais passer en toute humilité mes diplômes, prendre le temps de bien progresser dans ce rôle. Je vais garder la même détermination, la même envie que durant ma carrière, c’est-à-dire de la rigueur, du travail et on verra les opportunités qui se présenteront à moi. J’ai très rarement déçu ceux qui m’ont fait confiance et ça, les gens le savent.

Dans cet article :
Rachid Mekhloufi, le football et la révolution
Dans cet article :

Propos recueillis par Mathieu Rollinger

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