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  • France
  • 17 décembre 1993
  • Le jour où

Aimé Jacquet, un intérimaire au chevet des Bleus

Par Régis Delanoë
5 minutes
Aimé Jacquet, un intérimaire au chevet des Bleus

C’était il y a 22 ans : l’ancien adjoint de Gérard Houllier était officiellement nommé pour lui succéder après la débâcle du Parc des Princes face à la Bulgarie. Une désignation à titre provisoire dans un premier temps, avec la double mission de qualifier les Bleus pour l’Euro 96 et d’assurer la transmission progressive de témoin entre deux générations. Objectifs dont il s’acquittera dans un climat de scepticisme…

« L’homme tranquille » , c’est ainsi qu’est surnommé Aimé Jacquet au moment de sa nomination au poste de sélectionneur des Bleus le 17 décembre 1993, il y a 22 ans jour pour jour. Le Mondial en France est loin, le triomphe final face au Brésil encore plus. L’heure est alors à essayer de réparer l’irréparable : la non-qualification pour la Coupe du monde 1994 aux États-Unis à cause d’un épilogue de campagne « affreux, affreux, affreux » : 0 point pris à domicile face à Israël, puis face à la Bulgarie, alors qu’un seul petit nul aurait suffi. Reuven Atar, puis Emil Kostadinov ont fait payer l’arrogance française et son manque de professionnalisme. David Ginola, auteur d’une transversale aussi manquée qu’inutile qui conduira à la défaite in extremis dans le dernier match, est accusé de crime par son sélectionneur Gérard Houllier, poussé évidemment vers la sortie après cette débâcle. La France est « inqualifiable » , titre L’Équipe, et c’est un discret quinqua, un homme tranquille donc, qui déboule pour sauver la maison bleue : Jacquet, l’ancien entraîneur du grand Bordeaux des années Bez, connu pour sa rigueur, son pragmatisme, son accent du terroir et son look normcore.

Il avait rejoint la DTN en 1992 et était jusqu’ici l’adjoint d’Houllier. Faire table rase du douloureux passé avec un type de son profil, ce n’était pas gagné. Sa nomination, à titre provisoire dans un premier temps, s’accompagne assez logiquement d’un certain scepticisme teinté de défaitisme dans une France traumatisée durablement par Kostadinov et sa bande. Ça paraît également être plus un choix provisoire, à défaut d’une meilleure idée, prise par une Fédération en crise, qui vient de perdre son président Jean Fournet-Fayard, démissionnaire et qui sera remplacé par Claude Simonet. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que l’on vienne me chercher, commentera l’intéressé dans une interview accordée au site de la FIFA en 2013. À partir de ce moment-là, je me suis dit qu’on était, nous les entraîneurs, des hommes de défi. J’ai essayé de relever ce défi. Je suis parti avec mes connaissances, avec toutes mes ambitions. J’étais aussi en pays de connaissance. J’avais quand même la chance de bien connaître tous les joueurs de l’effectif. Je me suis mis rapidement en action. »

Un exploit à Naples pour asseoir sa légitimité

Le premier match qui s’offre à lui en tant que sélectionneur est périlleux avec un déplacement des Bleus en Italie, où ils n’ont plus gagné depuis 1912. En février 1994, la France s’impose pourtant 1-0, contre toute attente et avec un unique but signé Youri Djorkaeff, qui sera un des hommes de base de l’équipe nationale sous l’ère de ce nouveau sélectionneur. « On est allés défier la Squadra à Naples. L’équipe a été faite dans la précipitation. Avec beaucoup de difficultés. Ce fut un grand moment, une grande surprise, une joie. Quand on commence bien, vous savez, ça donne tout de suite plus de confiance, ça permet de consolider tout de suite vos convictions et votre détermination. Surtout vis-à-vis des joueurs, du public, des dirigeants. Cela m’a installé un peu plus vite. »

Jacquet assoit ainsi sa légitimité, sans révolution spectaculaire, mais en opérant un renouvellement de joueurs par petites touches. En Italie, la plupart des anciens cadres des Bleus d’Houllier sont là, et Éric Cantona est même promu capitaine. Trois des titulaires de la défaite face à la Bulgarie manquent à l’appel, ayant dans la foulée annoncé leur retraite internationale. Il s’agit de Franck Sauzée, de Jean-Pierre Papin et de Laurent Blanc. Le premier ne reviendra jamais sur sa décision, contrairement aux deux autres qui font leur retour en sélection dès le courant de l’année 1994. Pour Papin, c’est provisoire : il finira par être mis de côté dès 1995, tout comme progressivement Ginola et Cantona, Jacquet n’appréciant que modérément le style de jeu pratiqué à l’époque en Angleterre, un pays où ces deux joueurs se sont exilés.

30 matchs d’invincibilité pour commencer

Dès 1994, le nouvel homme fort des Bleus impose sa patte et expérimente en convoquant de nouveaux joueurs : Ferri, N’Gotty, Ouedec, dont l’expérience internationale fera long feu, mais aussi Thuram, Dugarry, Barthez et bien sûr Zidane, qui débutent là leur longue aventure avec le maillot bleu. Le mandat de Jacquet entamé en cette fin d’année 1993 est marqué par une exceptionnelle série d’invincibilité de 30 matchs, qui ira de ce choc inaugural à Naples jusqu’à octobre 1996, avec entre les deux quelques performances fondatrices (la victoire à Bucarest face à la Roumanie, alors l’une des meilleures nations au monde), un grand nombre de résultats nuls et une élimination frustrante aux tirs au but en demi-finale de l’Euro 96 face à la République tchèque.

Après un peu plus de deux ans d’exercice, force est de constater que Jacquet a réussi les deux objectifs confiés à la base : la qualification pour le championnat d’Europe et le renouvellement sans haine ni violence des cadres, en ayant eu le courage d’écarter des figures tels que Ginola, Papin et l’icône de Man United Eric The King. Dans le courant de l’année 1996, le contrat jusqu’alors toujours provisoire de Jacquet à la tête des Bleus est confirmé et prolongé jusqu’au Mondial 98. Cette fois, l’objectif a changé et est plus ambitieux : remporter le tournoi à domicile. On connaît la suite…

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