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Le piège de Khartoum

Par Alexis Billebault

Depuis le 15 avril, le Soudan est le théâtre d’affrontements meurtriers entre l’armée régulière et un groupe de paramilitaires. Comme les Soudanais, les étrangers se terrent chez eux. Florent Ibenge, l’entraîneur d’Al-Hilal, et son adjoint français Hamid Brimil font partie de ceux-là.

Le piège de Khartoum

Dans la nuit de vendredi 14 au samedi 15 avril, Florent Ibenge est rentré se coucher, l’esprit léger. Al-Hilal Omdurman, l’équipe qu’il entraîne depuis le mois de juillet dernier, venait de battre largement Al-Shorta (5-0) et de renforcer un peu plus son avance en Premier League soudanaise sur Al-Merreikh, son grand rival de la banlieue de Khartoum. Au Soudan, depuis le début du ramadan, les matchs se jouaient tard en soirée, et personne ne s’en plaignait. La capitale du pays est un véritable four, puisque le thermomètre grimpe jusqu’à 43°C la journée et ne redescend pas en-dessous de 30°C, même vers 22 ou 23 heures.

Samedi dernier, donc, quand l’ancien sélectionneur de la RD Congo se pieute, il s’imagine se payer une grasse mat, avant de retrouver ses joueurs pour un entraînement nocturne, afin de préparer le match suivant, face à Wad Nubawi, prévu le dimanche soir. Mais vers 4 heures du matin, Ibenge et sa compagne sont réveillés par le genre de bruit qu’on ne risque pas de confondre avec une dispute conjugale dans l’appartement d’à côté. « On a clairement entendu des tirs. Je peux vous dire que ça surprend. » L’ancien sélectionneur de la RDC de 61 ans, dont le domicile est situé à une dizaine de minutes en voiture du palais présidentiel et à moitié moins de l’aéroport international de Khartoum, a appris à s’imprégner des subtilités de la politique locale, et comprend vite ce qui se passe, aidé par les premières informations qui circulent sur les médias et les réseaux sociaux. « J’ai bien compris que ça n’était pas juste quelques coups de feu et que ça pouvait durer plusieurs jours », poursuit le technicien congolais, également détenteur d’un passeport français.

Armée régulière contre paramilitaires

Le Soudan, notamment Khartoum et son agglomération, vient de basculer une nouvelle fois dans la violence, symbolisée par les combats entre d’un côté l’armée régulière – toujours noyautée par les islamistes proches de l’ancien régime du sinistre Omar El Bechir – menée par Abdel Fattah Al-Burhan, le chef de la junte militaire au pouvoir depuis 2021, et de l’autre les Forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire dirigé par Mohamed Hamdan Daglo dit « Hemetti », numéro 2 de la junte. Les FSR sont notamment constituées par d’anciens membres des milices janjawides, largement impliquées dans les opérations de purification ethnique au Darfour en 2003, et dont le patron est notoirement mouillé dans de sombres trafics, notamment d’or, mais aussi d’envoi de mercenaires au Yémen. Bref, que du beau linge, la crème de la crème, sauf que ces deux généraux, qui se détestent ouvertement, ont décidé de régler leurs comptes dans les rues de Khartoum et des alentours, via leurs troupes, souvent incontrôlables.

Depuis le début des combats, le bilan officiel fait état de plus de 300 morts et de milliers de blessés, principalement des civils. « C’est sans doute beaucoup plus, suppose le Français Hamid Brimil, qui a accompagné à Al-Hilal Florent Ibenge, dont il est l’adjoint. Beaucoup de civils sont frappés par des balles perdues, par les tirs à l’arme lourde, dont des enfants. » Officiellement, les porte-flingue des deux bouchers qui se battent pour prendre le contrôle du pays ne visent pas intentionnellement les populations civiles. « Cela m’étonnerait. Il n’y a qu’à voir le nombre de corps dans certains quartiers de Khartoum et de sa périphérie. Moi-même, j’en ai vu plusieurs. Le bilan est sans doute bien plus élevé, car ils annoncent seulement le nombre de morts et de blessés recensés dans les hôpitaux », intervient Ali, un Soudanais travaillant pour une ambassade européenne. Des témoignages font état de civils agressés violemment à leur domicile par des soldats de l’armée régulière ou des paramilitaires.

Une ou deux fois, nous sommes descendus en bas de l’immeuble pour prendre l’air, mais le gardien nous a montré les douilles et les impacts, pour nous faire comprendre qu’il valait mieux rentrer.

Hamid Brimil

Certains quartiers sont plus ou moins épargnés par les combats, les coupures d’eau et d’électricité. « Les membres des FSR interdisent que les réparations soient effectuées », poursuit le fonctionnaire. « Avec Aziz El Kahlaoui, le préparateur physique, on partage un appartement à Khartoum. Eh bien, même si les combats n’ont pas lieu dans notre quartier, il y a des impacts de balles sur les façades du bâtiment, car les combattants utilisent des armes à longue portée. Depuis samedi, on a juste eu le temps d’aller chercher à manger dans une supérette. Une ou deux fois, nous sommes descendus en bas de l’immeuble pour prendre l’air, mais le gardien nous a montré les douilles et les impacts, pour nous faire comprendre qu’il valait mieux rentrer, reprend Hamid Brimil. Les joueurs et le reste du staff sont à l’hôtel du club, qui est situé dans une des tribunes du stade. Ils ne risquent rien, car Al-Hilal est une institution ici, personne n’osera toucher les joueurs. On a été contactés par le club, qui va se charger de nous faire livrer à boire et à manger. »

Pas d’évacuation prévue pour le moment

Les fous furieux qui se canardent allégrement par voie terrestre ou aérienne, au mépris des vies des populations civiles, ont également attaqué à son domicile le représentant de l’Union européenne, l’Irlandais Adrian O’Hara, alors qu’un convoi américain a été mitraillé. « On a eu l’ambassade de France. Ils savent où nous sommes, nous ont conseillé de ne pas sortir, de nous éloigner des fenêtres, ajoute Florent Ibenge. C’est une situation angoissante, car pour l’instant, il n’est pas question d’évacuer les ressortissants français (qui sont environ 200 au Soudan, NDLR), étant donné que l’aéroport est fermé. » Après de très brèves accalmies et des cessez-le-feu sur lesquels les deux parties se sont allègrement assis, les combats ont vite repris dans plusieurs quartiers de la capitale et de son agglomération, l’aviation soudanaise ayant même visé des hôpitaux. Jeudi soir, quand nous l’avons recontacté, Ali a abrégé la conversation. « Je ne peux pas te parler, il y a des bombardements aériens, je suis caché sous mon lit. Je pense que ce conflit ne va pas s’arrêter tout de suite », a-t-il eu le temps de dire avant de raccrocher. Le profil des deux psychopathes à la manœuvre, assoiffés de pouvoir, ne laisse en effet augurer rien de bon…

Par Alexis Billebault

Tous propos recueillis par AB

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