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Advocaat, « petit général » devenu grand

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
7 minutes
Advocaat, «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>petit général<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» devenu grand

Dick Advocaat en a bientôt fini avec le ballon rond, après trente années de bons et loyaux services. Dont quelques-uns passés aux côtés de Rinus Michels, qui prit sous son aile l'actuel entraîneur de Sunderland au milieu des années 80 alors qu'il venait tout juste de prendre son envol.

« Non non non, si je reste à Sunderland, ma femme va demander le divorce. » Sous la forme d’une boutade, Dick Advocaat, pompier appelé à la rescousse des Black Cats en Premier League, n’a laissé aucun doute sur son avenir du côté du Stadium of Light : une fois le club sauvé, Dick traverse la mer du Nord pour rentrer au bercail et prendre une retraite bien méritée à 67 ans. Surtout, cette phrase lâchée en conférence de presse est l’une des rares incartades de l’ancien entraîneur du PSV et des Glasgow Rangers concernant sa vie privée. Si l’on sait finalement peu de choses hors football concernant Dick Advocaat, c’est parce qu’un homme lui a un jour dit : « Tu ne dois jamais en dire trop aux médias, sinon tu dois justifier ou expliquer tout ce que tu dis. Les médias se rappellent tout. » Cet homme, c’est Rinus Michels. Le Général. Plus que n’importe quel entraîneur néerlandais de ces trente dernières années, au premier rang desquels s’impose le trop évident Johan Cruijff, l’inventeur du totaal voetbal aura eu une influence primordiale sur la formation de Dick Advocaat. Au point que ce dernier l’invita fréquemment, jusque dans les dernières heures de sa vie, aux réunions de la sélection nationale qu’il entraînait alors pour profiter de ses précieux conseils. Au point, aussi, que l’actuel entraîneur de Sunderland se traîne depuis bien longtemps le sobriquet aussi réducteur que flatteur de « petit général » .

« Désormais, je me considère comme l’égal de Michels »

À dire vrai, Dick Advocaat a un jour confessé n’avoir admiré que deux personnes dans sa vie : Maman Advocaat et Rinus Michels, dans la peau du père que Dick n’eut jamais vraiment. « Lorsque j’étais enfant, j’admirais tout particulièrement ma mère. La façon dont elle a élevé à elle toute seule cinq enfants après le décès de mon père, arrivé très tôt. J’avais une relation privilégiée avec elle. Une femme forte. Je la respectais énormément. Malheureusement, elle aussi est décédée il y a plusieurs années. L’autre personne que j’ai beaucoup admirée était Rinus Michels. C’était un vrai passionné, doublé d’un grand professionnel. […] Il m’a vraiment impressionné, grandement affecté. Il se reconnaissait en moi. C’est la raison pour laquelle il voulait entraîner les Pays-Bas à l’Euro 1992 à condition que je sois son assistant. Désormais, je me considère comme l’égal de Michels. Pour les entraîneurs d’aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile : tu as des centaines de livres sur la manière d’entraîner. Du temps de Michels, il n’y avait pas de livre. Il a dû tout inventer. […] Il a posé les fondamentaux pour tous les entraîneurs néerlandais » , expliquait Advocaat lors d’une interview-confession livrée en janvier 2014 au magazine de l’AZ Alkmaar, club qu’il entraînait alors. La première rencontre entre les deux hommes se fait trente ans plus tôt, à l’été 1984.

Trois montées consécutives et deux canulars téléphoniques

Michels vient d’être nommé pour la seconde fois sélectionneur national, presque dix ans jour pour jour après avoir mené les Oranje en finale du Mondial ouest-allemand. Il cherche alors un coach pour garnir les rangs de son staff, notamment pour s’occuper des équipes de jeunes. En bon théoricien, il se penche sur les copies rendues au diplôme d’entraîneur. Le major de promo ? Dick Advocaat, un milieu défensif correct qui vient de terminer sa carrière après une dernière pige à Utrecht. Surtout, ce dernier entraîne depuis plus de trois ans l’équipe amateur de DSVP, ayant obtenu à chaque fin d’exercice une montée en division supérieure. Pour le Général, ça ne fait pas un pli : Advocaat doit devenir son lieutenant. Mais pour les quatorze millions d’habitants qui peuplent alors le pays, l’histoire ressemble à une mauvaise blague. À commencer par les dirigeants du club de la banlieue de La Haye. Lorsque Michels décroche par deux fois son téléphone pour signifier son intérêt pour le jeune et prometteur entraîneur, le DSVP lui raccroche au nez, pensant à une farce de l’amuseur public Maarten Spanjer dont l’imitation de Michels semble plus vraie que nature lors de ses passages télévisés. La troisième sera la bonne et Advocaat devient finalement assistant du sélectionneur néerlandais à seulement 36 ans et sans jamais avoir coaché une équipe pro.

La fin de Ruud Gullit en Oranje dès sa prise de fonction

Entre 1984 et 1992, Advocaat va passer cinq années (1984-87, puis 1990-92) à apprendre le métier sur le tas, auprès du plus grand entraîneur que les Pays-Bas aient enfanté, lorsqu’il ne s’amuse pas à entraîner ses premiers clubs professionnels (Haarlem, Dordrecht). On a connu plus dégueulasse comme stage de fin d’études. En plus de la discrétion inhérente au métier de coach, Michels lui inculque une règle essentielle : le boss, c’est l’entraîneur, et personne d’autre. Parole d’un mec qui a dû se farcir les ingérences chroniques d’un Johan Cruijff voulant être calife à la place du calife. « Il ne s’est jamais détourné d’un problème, il disait toujours qu’il fallait faire face. C’est ce que je fais, mais euh… d’une façon plus tranquille » avait un jour dit Advocaat. À moitié vrai lorsque l’on sait que l’un des premiers coups d’éclat de l’actuel entraîneur de Sunderland après avoir pris la suite de Michels à la tête des Oranje en 1992 a été de se mettre à dos le vétéran Ruud Gullit. Vainqueur de l’Euro 88 – sous Michels ! – et de deux Coupes d’Europe avec le Milan AC au poste de milieu axial, la Tulipe noire ne supportait pas d’avoir été replacée sur l’aile droite par Advocaat à partir de 1993. En conséquence, Gullit met un terme à sa carrière internationale juste avant la Coupe du monde 1994. Quand votre patronyme signifie « avocat » en néerlandais, vous êtes en général doué pour faire craquer les autres plutôt que l’inverse.

Un entraîneur faussement défensif

Mais avant tout, Rinus Michels a inculqué à Dick Advocaat la culture du jeu. Considéré à tort comme un entraîneur « défensif » , le natif de La Haye est en réalité un technicien résolument offensif. Très souvent en 4-3-3 avec des ailiers qui repiquent au centre et un 6 en tour de contrôle – dans la plus pure tradition ajacide – l’actuel entraîneur de Sunderland a fait parler la poudre dans presque tous les clubs où il est passé. Lorsqu’il remporte le titre en Eredivisie au nez et à la barbe de l’Ajax de Van Gaal en 1997, le PSV d’Advocaat plante pas moins de 90 buts sur 34 matchs. Et la saison d’avant, le club d’Eindhoven termine second du championnat avec un goal average de +72. Quant à ses passages aux Rangers et à l’AZ Alkmaar, même si les résultats escomptés n’ont pas toujours été au rendez-vous, le spectacle sur le terrain, lui, n’a jamais déçu. Cette force de frappe, Advocaat en a fait la démonstration à toute l’Europe lors de la victoire du Zénith Saint-Pétersbourg en Ligue Europa lors de la saison 2007-08. Plus que la finale remportée 2-0 face à son ancien club des Rangers, c’est la manière employée par Advocaat au sein des Zenithchiki qui marqua les esprits et qui permit de coller deux branlées au Bayer Leverkusen, puis au Bayern Munich : un Tymoschuk infranchissable dans l’entrejeu, des ailiers de feu avec Andreï Arshavine et Viktor Fayzulin, et une pointe intraitable du nom de Pavel Pogrebnyak. S’il est clair qu’en matière d’héritage laissé au football, ils ne sont qu’une poignée à pouvoir soutenir la comparaison avec Michels, force est de constater que Dick Advocaat n’a pas à rougir de son parcours à l’heure où la quille pointe le bout de son nez. Un des palmarès les plus fournis chez les techniciens bataves avec onze titres dont deux championnats des Pays-Bas, deux d’Écosse et une Ligue Europa, donc. Ne manque peut-être qu’un seul trophée à celui qui a longtemps agacé le Général parce qu’il refusait de l’appeler par son prénom, préférant un sentencieux « Monsieur Michels » . Une récompense qui lui échappe depuis trente ans maintenant : le trophée de meilleur entraîneur des Pays-Bas. Le trophée Rinus Michels.

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