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A la fin de l’envoi, ils touchent…

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A la fin de l’envoi, ils touchent…

Pour paraphraser Jean-Pierre Escalettes, à l’approche de la Coupe du Monde 2006, il n’est pas raisonnable de dégainer les grands principes ( « A ceux qui dégainent les grands principes » in : Journal Du Dimanche du 4 juin 2006, p.12). Mais tout de même. Que l’on suive l’actualité du football par le petit bout de la lorgnette ou que l’on examine avec attention les règles communes, l’exception sportive propre au football, mais plus généralement à l’activité sportive, tend à se réduire voire à disparaître, si tant est que l’on ait encore quelques espoirs en ce domaine.

Commençons par la légèreté, les bulles de l’actualité, la futilité. Comme en politique, le petit monde du football connaît sa révolution de velours dite du : jamais sans ma femme. Après Cécilia et Nicolas, Béatrice et Jean-Louis, Anne et Dominique, il faut désormais compter avec Estelle et Raymond. Pour être précis, Estelle Denis, la fameuse journaliste de la chaîne de télévision M6, et le non moins talentueux Raymond Domenech, le sélectionneur de l’équipe de France. Entre ces deux-là, on ne peut pas ignorer qu’ils forment un couple. Enlever l’un des plateaux de télévision et c’est l’autre qui s’étiole. Le couple médiatico-footballistique par excellence de l’année 2006.
Pour ceux qui auraient passé ces six dernières années dans un temple perdu au Tibet, sortiraient d’un coma prolongé, viendraient de débarquer d’un tour du monde en solitaire, nous dirons qu’Estelle Denis est une charmante journaliste qui a choisi d’orienter avec habileté sa formation journalistique vers le football lors de son stage sur France Télévision pendant la Coupe du Monde 1998. Après son stage, Estelle rejoint la chaîne Infosport dès 1999 pour y devenir présentatrice. Son ascension est alors irrésistible. Elle intègre TPS Star, et présente à partir de 2002 un match de Ligue 1 tous les samedis soirs. Elle passe de brefs instants au sein de l’équipe de « On refait le match » à partir de 2004.
2005 marque son année, le tournant de sa carrière. Elle devient la présentatrice du magazine de troisième partie de soirée du dimanche soir sur M6 : « 100% foot », en compagnie de Pierre Ménès et Dominique Grimault, les Laurel et Hardy du commentaire. Elle décide aussi dans le privé de faire équipe avec Raymond Domenech et de devenir sa compagne. Pour ses thuriféraires, Estelle Denis incarnerait le renouveau du journalisme sportif qui partage le charme et le talent à égale mesure. Pour ses détracteurs, elle ne serait qu’arrivisme et ambition. Portée par la fonction de son compagnon-sélectionneur des Bleus, elle serait, selon les mauvaises langues, au pire de la confusion des genres lorsqu’elle accepte, moyennant une rétribution de 10.000 €, de poser des questions à Raymond Domenech pour le bonheur des abonnés d’un opérateur de téléphonie mobile, dans le cadre des commentaires du conducator de la sélection des 23 joueurs français pour le Mondial 2006.
Nous nous garderons d’apprécier les mérites et les faiblesses de la belle Estelle, de jouer les vierges effarouchées découvrant le lucre du football mondialisé. Il n’empêche, la récente privatisation, certes éphémère, des commentaires du sélectionneur national à un opérateur de téléphonie mobile, a permis à son entourage le plus proche de bénéficier de retombées financières. L’amour rend aveugle diront les indulgents. Au jeu de qui veut gagner des euros, être la compagne du sélectionneur présente indiscutablement des attraits. A la fin de l’envoi du SMS, je touche des euros.Plus sérieusement, le football semble plus que jamais ne pouvoir faire l’objet d’une mise à l’écart des règles qui gouvernent les entreprises. C’est un truisme. Il y a sept ans déjà, Joseph Blatter rêvait que le football revienne « à la situation antérieure à l’arrêt Bosman » (Le Monde 2 juin 1999). Le ministre des sports, Mme Buffet, formulait pareil vœu lorsqu’elle déclarait en mars 1999 qu’elle souhaitait que « la France donne le ton, afin d’obtenir à l’échelle de l’Europe l’exception sportive pour préserver l’éthique et les valeurs du sport. » Mais aujourd’hui, plus personne ne rêve. Ce n’était pas mieux avant. L’âge d’or n’a peut-être jamais été qu’un fantasme. Et pourtant. Un noyau de résistants croit encore que le sport peut vivre en dehors du droit commun dans la gestion de ses affaires. Malheureusement, par sa dimension économique, le football ne peut plus vivre dans la croyance qu’il pourrait, par exemple, être exempté des règles de concurrence. Chaque journée nous apporte son lot d’indices.
Le 15 mai 2006, le Tribunal de commerce de Charleroi décidait de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle afin de savoir si les règles de la FIFA violaient les règles communautaires relatives aux ententes et abus de position dominante, dans le cadre de la mise à disposition gratuite des joueurs à une sélection nationale (Sporting du Pays de Charleroi, G-14 contre FIFA, UEFA et autres).
Fin mai 2006, l’UEFA rendait les premières conclusions de l’étude de José Luis Arnaut sur l’état du football. Pour l’auteur de l’étude remise à l’UEFA, le football serait malade et il y aurait des raisons d’être inquiet. Il conviendrait de remédier aux dérives telles que l’inflation des salaires, l’exercice quasiment libre de la fonction d’agent de joueurs. Il s’agirait également de ne pas se lancer dans de mauvaises réformes destinées à donner des gages au G-14, le groupement des dix-huit clubs les plus riches du continent européen, qui, si on le caricature, milite pour la disparition de fédérations régulatrices. Au-delà de l’apparente préservation d’un modèle qui est loin de tendre vers la philanthropie, les récents scandales des paris clandestins ou des matchs truqués font mauvais effet. Et quand l’UEFA s’alarme, c’est qu’il y a un problème, pas forcément dans sa paroisse mais certainement dans son diocèse.Début juin 2006, c’est le G-14 qui contre-attaquait en invitant les instances dirigeantes du football à organiser une Coupe du Monde tous les deux ans. S’appuyant sur le rapport d’un cabinet de consultants néerlandais, le G-14 soutiendrait en outre l’idée d’un championnat d’Europe tous les deux ans qui serait les prémisses d’une ligue fermée, puisque seuls les petits pays subiraient des matchs de qualification, les grands étant admis d’office. Seize équipes seraient en première division dans cet Euro nouvelle formule. Ils participeraient directement à l’Euro. A l’issue de la compétition, les douze meilleures équipes de cette division seraient directement qualifiées pour le Mondial. Un tel système exclut par définition ceux qui ne sont pas dans les douze équipes élues, et toutes celles situées hors du continent européen si nous comprenons le montage.
La Champion’s league devrait également être modifiée selon le G-14 avec le passage de trente-deux à quarante-huit clubs, et l’organisation corrélative de 269 rencontres au lieu de 125 matchs ! Comme le soulignait Mme Viviane Reding, Commissaire européen en charge de la société de l’information et des médias, l’exception sportive est devenue « illusoire. »

La spécificité sportive comme ultime rempart contre la concurrence féroce n’est plus un argument en soi. L’arrêt Bosman et le choc qu’il présentait avait permis d’inscrire dans le Traité d’Amsterdam en 1997 une déclaration des pays membres de l’Union européenne soulignant la nécessité de « tenir compte des particularités du sport » , devenue « spécificité du sport » en décembre 2000 lors de la signature du Traité de Nice. Aux déclarations de principe et professions de foi attachées aux systèmes de promotion-relégation, enracinement des structures sportives au sein de collectivités locales, maintien de la fonction sociale du sport, s’est substituée une approche économique qui néglige la conception politique qui pouvait être énoncée de comment organiser le sport. Le football a été le premier à s’éloigner de ces principes politiques.
La notion de spécificité du sport, chargée de corriger les maux de la libéralisation, est quant à elle restée une coquille vide de sens. La déclaration annexée en l’an 2000 au Traité de Nice, traité communautaire, nous apprend que ce sont « les fonctions sociales, éducatives et culturelles du sport fondent sa spécificité. » Et après. Les notions de préservation de l’égalité des chances entre compétiteurs, l’incertitude du résultat, sont des exemples plus précis d’une spécificité sportive. Malheureusement, cette notion est par nature réversible. C’est au nom de la spécificité sportive que le G-14 souhaite ainsi se dégager de la houlette de l’UEFA ou de la FIFA. Et lorsqu’un même concept sert à des intérêts aussi divergents que ceux des fédérations et du G-14, il y a danger. L’attitude de la Commission européenne vis-à-vis de la législation française sur l’interdiction de l’appel public à l’épargne dans le sport, qui constituerait une entrave à la libre circulation des capitaux, démontre le malaise sensible quant au contenu de cette spécificité sportive qui n’en n’aurait plus que le nom. On ne peut à la fois porter la flamme de la spécificité sportive et la combattre au nom de la libre concurrence.
Les valeurs fondatrices du sport, le fonctionnement démocratique des instances organisatrices des compétitions, la formation des jeunes, la protection de la santé des joueurs contre le dopage, la solidarité, qui constituent les bases de la spécificité du sport sont d’évidence solubles dans l’argent. Le rappel de certains de ces principes dans la récente étude commandée par l’UEFA laisse rêveur et prouve que beaucoup les ignorent. Les attaques répétées de certains clubs ou autres associations comme le G-14 contre le système leur ayant permis d’atteindre leur maturité sont exemplaires. Tuer le père, voilà le mot d’ordre. Eux aussi veulent le dire, à la fin de leurs envois, ils toucheront leurs dividendes…
Jean-François BORNE

Léon, tueur à gages

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