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Udo Lattek et les coups de Rhin
Mort à l'âge de 80 ans, Udo Lattek était un homme du Rhin, un véritable, partagé entre deux des grands clubs de la région, deux rivaux. D'un côté le FC Cologne, de l'autre le Borussia Mönchengladbach.
Personne n’a fait le déplacement pour son enterrement. Udo Lattek est mort fin janvier, et pour sa mise en terre le 10 février, aucun officiel du FC Cologne n’est présent. Karl-Heinz Rummenige est là, ainsi que d’autres personnalités du football colonais : Wolfgang Overath, Christopher Daum… Mais pas de Werner Spinner ou Toni Schumacher. Pourtant, la route n’était pas longue : Udo Lattek a été enterré au Friedhof de Cologne-Weiden, aux côtés de son fils. Signe de la relation à la « je t’aime, moi non plus » entretenu entre le mythique coach et les Geißböcke.
Udo, gourou rhénan
Né en Prusse orientale, Udo Lattek déménage tôt dans sa jeunesse vers l’ouest. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa famille s’installe au Danemark, avant de s’établir à Wipperfürth, dans la banlieue de Cologne. Étudiant à la Sportshochschule locale, élève de l’immense Hennes Weisweiler, une relation houleuse naît entre les deux hommes. Lattek sèche les cours, et lorsque son professeur lui demande où il était, il répond franc du collier : « Lèche-moi donc le cul » . Pourtant, Weisweiler va permettre à Udo Lattek d’engranger rapidement de l’expérience. C’est grâce à lui qu’il décroche son premier job d’envergure : assistant de Helmut Schön en équipe d’Allemagne. C’est aussi à Cologne qu’il entame sa première reconversion, en prenant un rôle de manager sportif en 1987, avant de finir à l’antenne dans l’émission Doppelpass.
Le Effzeh comme manager sportif correspond à l’époque du pull bleu mythique : alors qu’un journaliste lui demande si ce pull est son nouveau porte-bonheur, après un match nul 1-1 contre Karlsruhe, il confirme et affirme qu’il le retira uniquement quand Cologne aura perdu. Trois mois durant, Udo Lattek vient invariablement au Müngersdorfer Stadion avec – la rumeur veut qu’il ne le lave même pas. Le co-leader de Bundesliga, le Werder Brême, s’impose, et Lattek retire son pull, revendu 36 000 Marks. Le « gourou du Rhin » , titre attribué par Kicker, règne toutefois enfin sur son FC et choisit ses joueurs, comme Pierre Littbarski qu’il fait revenir de Paris. Mais le club le déçoit par la suite. Le gourou est contraint un temps de reprendre un rôle d’entraîneur par interim, et part finalement pour Schalke – en restant toujours proche, toujours dans la région, mais diablement critique à l’égard des équipes dirigeantes. Il réserve ainsi ses meilleures punchlines pour les têtes pensantes ou dribblantes du club. « Dans le stade de Cologne, il y a toujours une super ambiance. Ce qui manque, en fait, c’est une équipe. » En 2013, il conclut sans détour : « Ma proposition pour un avenir meilleur : créer un nouveau club ! »
Lattek à la Gladbach
Le rapport d’Udo Lattek avec le grand Cologne a toujours été compliqué, notamment parce que sa carrière d’entraîneur l’a emmené poursuivre ses classes et faire grandir sa renommée chez l’ennemi, chez le rival du coin, au Borussia Mönchengladbach. Après de brillantes années au Bayern, il signe chez les Fohlen en 1975, malgré un accord préalable avec Rot-Weiß Essen. « Que feriez-vous donc si vous aviez le choix entre un vélo et une Mercedes » , se justifie-t-il. En prenant la suite de l’immense Hennes Weisweiler, encore lui, il y remporte deux championnats et une Coupe d’Europe, de quoi garnir une armoire à trophées déjà copieusement remplie avec le Bayern Munich. Mais c’est toujours face à Weisweiler que les choses prennent un détour moins réussi. Il perd un Rheinderby en 1977… contre Weisweiler, parti à Cologne ; puis c’est le titre qui échappe au Borussia à la différence de buts en fin de saison.
Le Rheinderby gagne ses lettres de noblesse. La rivalité régionale prend de l’ampleur, avec Udo Lattek du côté des Borussen et non des Kölner. Peu importe son retour en tant que manager, quelques années après avoir perdu son poste au Borussia au profit d’un jeune adjoint, Jupp Heynckes. Lattek a bien plus construit avec Gladbach, il y a écrit quelques pages d’histoire du football allemand, mais semble avoir aimé profondément la ville de Cologne. Il reste ainsi bercé entre les deux entités, et bien malin celui qui sait quelle équipe il aurait supporté pour ce 82e Rheinderby. Seule certitude : il n’aurait pas hésité à distribuer les bons et les mauvais points avec sa verve passionnée, inimitable et indémodable, une Kölsch à la main.
Par Côme Tessier