- C1
- Real Madrid/FC Barcelone
Top 10 : Coups de Mou
Le verre est à moitié vide ou à moitié plein. Plus personne (ou presque) ne se souvient des équipes de RFA, championnes du monde en 1954 et 1974, alors que leurs adversaires malheureux, Hongrois et Néerlandais, hantent encore les mémoires. José Mourinho se carre de frapper l'imaginaire collectif, pour lui seuls comptent les livres d'histoire. A n'importe quel prix.
24 avril 2003 : Lazio Rome-FC Porto (0/0)
Huitième de finale retour de la coupe de l’UEFA. Au Portugal, Porto a découpé en rondelles le favori de la compétition, la Lazio de Peruzzi et consorts (4-1), dans une ambiance de corrida. Mourinho est suspendu au retour et a interdiction de communiquer avec ses joueurs. Comme il expliquera dans son autobiographie, le Mou passe outre et gave de SMS son adjoint sur le bord de touche. Il fera encore plus fort deux ans plus tard avec Chelsea : après avoir été privé de banc et de vestiaire suite à ses déclarations contre l’arbitre Anders Frisk (voir plus bas), il donne ses instructions à la mi-temps grâce à la complicité du staff qui l’a introduit auprès des siens dans une cantine…
10 mars 2004 : Manchester United-FC Porto (1/1)
Huitième de finale de Champions, retour à Old Trafford. A l’aller, un United, balloté comme rarement, s’est incliné contre le futur champion d’Europe (1/2) au Portugal. La veille de la seconde manche, Mourinho (à peine 40 ans) s’avance penaud en conférence de presse. Pour calmer Ferguson, furieux après l’arbitrage du premier match, il clame, presque timide : « Manchester n’a absolument rien à craindre de nous. Il va se qualifier sans problème, c’est un grand club » . Les Red Devils mènent (1/0), puis se font refuser un second but –valable – de Scholes. Et ce qui devait arriver, arriva : Mc Carthy frappe un coup-franc à la dernière minute, Tim Howard qui s’est savonné les gants avant la rencontre, renvoie le ballon vers Costinha, qui punit les potes d’un Ronaldo pré-pubère. De la tribune, le coach des Dragons entame un sprint jusqu’au poteau de corner, exultant comme un damné. L’Angleterre, et partant l’Europe, vient de faire connaissance avec Mourinho, le roi de l’entourloupe-ta-mère.
Septembre 2004 : Adrian Mutu, contrôlé positif à la cocaïne
Présent à Chelsea un an avant l’arrivée du Mou, suite à son transfert de Parme, Adrian Mutu entretient d’emblée des relations difficiles avec le skipper portugais. Celui-ci l’accuse d’avoir simulé une blessure lors d’un match d’éliminatoires de coupe du Monde pour obtenir du repos. Soupçonneux, le Mou diligente alors un contrôle anti-dopage d’où il ressort que l’attaquant roumain est positif à la coke. Sur injonction du Special One, le club le limoge aussitôt et obtient même un gros dédommagement quelque temps plus tard. Tenir son vestiaire, se montrer impitoyable quand il le faut, savoir lâcher du mou…pardon, du lest, aux moments opportuns, souffler le chaud et le froid. La méthode est désormais bien huilée
27 février 2005 : Chelsea-Liverpool (3/2 a.p)
Finale de la Carling Cup à Cardiff. Liverpool mène depuis la première minute grâce un but de Riise. Sur un coup-franc en fin de match de Ferreira, trois joueurs des Reds sautent en même temps pour prendre le ballon de la tête ; comme souvent, c’est Steven Gerrard qui s’en empare le premier pour l’expédier…dans son propre but alors qu’il n’y avait aucun danger. Mourinho hurle son bonheur, chambre le banc adverse, fait mine de demander aux fans des scousers de la fermer et se moque ouvertement d’un de ses meilleurs ennemis, Rafa Bénitez, qui s’apprête, trois mois plus tard, à devenir le troisième manager à gagner à la suite la C3 et la C1, comme Bob Paisley (Liverpool 76 et 77) et…José Mourinho avec Porto. En attendant, Liverpool explose dans la prolongation et la légende du Mou, quasi invincible dès qu’il joue une finale, peut perdurer. La déstabilisation est un art de vivre.
23 avril 2005 : Barcelone-Chelsea (2/1)
Huitième de finale de Champions League, aller au Camp Nou. Après la défaite (1/2), le Special One lâche juste après le match avoir tout compris lorsqu’il a vu « Rijkaard entrer dans le vestiaire de l’arbitre, je n’ai pas pu y croire. Après, quand j’ai vu Drogba se faire expulser, je n’ai pas été surpris » . Anders Frisk, le referee suédois en question, reçoit illico des menaces de mort de fans des Blues, venues de toute l’Europe. Désemparé, Frisk prend sa retraite et le Mou est suspendu une paire de matchs. Ou comment ruiner une carrière professionnelle en deux phrases…
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22 février 2006 : Chelsea-Barcelone (1/2)
Huitième de finale aller, Stamford Bridge : Mourinho vs Barça, le refrain est connu. Le futur coach du Madrid semble avoir un problème récurrent avec les Blaugranas. Comme si son passage comme traducteur, puis adjoint de Robson, puis de van Gaal en Catalogne, l’avait marqué au fer rouge. Comme si la tradition racée d’un beau jeu envers et contre tout, contre tous, le renvoyait à son passé…de joueur moyen, à son invraisemblable besoin de reconnaissance. Ce soir d’hiver 2006, Del Horno (un poète basque méconnu) s’essuie le coude sur le nez de Messi. Les deux hommes roulent au sol. L’un des deux a de bonnes raisons de le faire. Rouge pour le défenseur des Blues. Après le match, Mourinho enroule son monde durant la conférence de presse : « Barcelone est une ville très culturelle où il y a beaucoup de théâtre. Apparemment, certains y vont souvent… » . Règle de base de l’antienne mourinhesque : justifier l’injustifiable en cas de défaite.
N.B : de toute évidence, il y a aussi un grand nombre de théâtres à Londres…
20 septembre 2007 : José Mourinho quitte Chelsea
Après avoir gagné six trophées en trois ans (mais pas la Champions), être invaincu à domicile depuis soixante-quatre matchs (record du cultissime Liverpool des 70’s battu), Roman Abramovich décide de recruter un « directeur de football » (Grant) et d’étendre le pouvoir de Franck Arnesen. Un début de saison souffreteux achève de tendre les relations entre le coach et les dirigeants. Le dernier jour de l’été, un conseil d’administration d’urgence entérine l’inéluctable, le Special One n’est plus l’entraîneur des Blues. Il doit trop prendre la lumière au goût du grand mogul russe. Mourinho retourne la situation en sa faveur auprès de ses potes journalistes : il s’agit d’un divorce par « consentement mutuel » . On ne limoge pas José Mourinho, il se retire…
28 avril 2010 : FC Barcelone-Inter Milan (1/0)
Machiavel is back in business. Dans sa détestation de la geste catalane, le Mou est dans un grand soir. Dans les couloirs du Camp Nou, il commence par mettre quelques petites quiches à Puyol et Piqué. Puis, il n’arrête pas d’invectiver l’arbitre suite à l’expulsion, certes injuste, de Thiago Motta, se colle à Ibrahimovic quand Guardiola, lui donne quelques consignes, genre « J’aurai une parade quoi qu’il arrive » . Déstabiliser, toujours déstabiliser, il en restera forcément quelque chose. Enfin, il galope, comme un dératé, sur le terrain sitôt la qualification pour la finale acquise, comme s’il avait pris un ecsta très, très puissant tard dans la nuit… Décidément, il s’est passé un « truc » quand il était en Catalogne.
22 mai 2010 : Inter Milan-Bayern Munich (2/0)
Finale de la Champions de l’an dernier : son deuxième mentor (après Robson), le pas vraiment magnanime Louis van Gaal, l’a sermonné avant la finale sur le thème des choses qui ne se font pas quand on a appartenu au FC Barcelone (voir paragraphe du dessus). Mourinho cingle une première fois : « Louis van Gaal n’aurait pas pu courir sur le terrain parce qu’il est trop gros et trop lent, sinon… Moi, je cours comme un lion » . Il récidive le lendemain sur le pré en enlevant sa deuxième C1. Comment dit-on « tuer le père » en portugais ?
26 avril 2011 : veille de Real Madrid-Barcelone
Mourinho dégaine le premier : « Jusqu’à présent, il y avait deux catégories d’entraîneur : une minorité qui ne critique jamais les arbitres, et une majorité, dont je fais partie, qui pointent du doigt leurs erreurs. Vous avez désormais une troisième catégorie, où il n’y a que ‘Pep’ : celle qui critique les bonnes décisions d’arbitrage » . Pourtant moins à l’aise que le Special One sur le terrain de l’art de la guerre…en coulisse, Guardiola poursuit sur le même rythme : « José, tu es le chef, le putain de patron, ici, dans cette salle de presse. (…) On a travaillé ensemble pendant quatre ans à Barcelone (…) mais s’il préfère rester avec les amis de Florentin Perez au sein de la centrale laitière (allusion aux journalistes aux ordres madrilènes), alors qu’il continue de lire tonton Albert (Einstein, cité par le Mou’). Je ne vais même pas me justifier » . C’est bien là le problème : Pep se justifie et rentre dans son jeu, au lieu de se concentrer sur son équipe, pourtant décimée. Ce que ses supporters lui demandent, c’est de faire taire le Mou… sur le pré.
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