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Negrete : «Ce ciseau était travaillé»

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Negrete : «Ce ciseau était travaillé»

D'un détonnant ciseau frappée à l'entrée de la surface, Manuel Negrete est entré dans l'histoire de la Coupe du Monde, en inscrivant l'un des buts les plus spectaculaires de la compétition. Il revient sur son chef d'œuvre contre la Bulgarie et sur le Mundial 1986 du Mexique.

Quelle est la première chose qui vous vient à l’esprit quand on vous parle de votre but ?

Simplement l’émotion et la joie de le revivre vingt-cinq ans après. Le bruit des 110 000 personnes du stade Aztèque, c’est quelque chose d’unique. Peu de joueurs ont dû ressentir ça dans quelque partie du monde que ce soit. Sur le moment, j’étais ému. Ce but signifiait beaucoup dans ce huitième de finale face à la Bulgarie où notre niveau de jeu se trouvait à mille lieux de nos aspirations.

Pourquoi avoir opté pour le ciseau à ce moment-là ?

En fait, mon geste fut automatique car je travaillais beaucoup ce type d’action. J’avais déjà inscrit des buts sur ciseau ou bicyclette dans le cadre du championnat mexicain. Lors des tennis-ballon d’avant-match, je tentais toujours ce genre de gestes, car je jouissais d’une certaine aisance pour me livrer à ce type d’acrobaties. En sélection, comme sur l’action du but, Javier Aguirre jouait le rôle du passeur sur ce genre d’exercices. Il s’agissait vraiment d’une action travaillée. Aussi, chez les Pumas, j’ai évolué aux côtés d’Hugo Sanchez : on se faisait une vingtaine de reprises acrobatiques à chaque fin d’entraînement afin de nous perfectionner. Ça nous a plutôt bien réussi…

En quart de finale, qu’a-t-il manqué au Mexique pour renverser l’Allemagne ?

Des vertus de sacrifice et de l’intelligence. Berthold se fait expulser à la 65e minute, et nous on perd Aguirre, l’un de nos meilleurs éléments, lors des prolongations. Aussi, Tomas Boy, notre meneur de jeu, est sorti sur blessure. Ces deux-là nous auraient vraiment aidés pendant la séance de tirs au but. Hugo Sanchez souffrait, lui, de crampes, et n’a pas pu tirer. Au final, on a dû recourir à des défenseurs dans un exercice qui ne leur était pas coutumier. J’ai été le seul à inscrire mon pénalty.

Au juste, quelle était l’ambition du Mexique avant ce Mondial ?

On voulait gagner la Coupe du Monde. On connaissait notre potentiel. On avait d’ailleurs joué plusieurs fois l’Argentine en préparation et jamais ils ne nous avaient battus. On n’a pas su profiter de notre statut de pays hôte et je le regrette encore. On s’était préparés pendant deux ans, on avait fait des tournées en Amérique du Sud, en Europe, au Moyen-Orient. On avait cet avantage de bien nous connaître, notre équipe était vraiment bien équilibrée, et devant on disposait d’Hugo Sanchez, le pichichi de la Liga. Mais ça n’a pas suffi.

En 1985, la ville de Mexico est victime d’un terrible tremblement de terre. Comment l’avez-vous vécu et cela a-t-il joué sur la motivation d’El Tri ?

On a ressenti la secousse dans notre hôtel, le 19 septembre au matin. On devait aller jouer le lendemain à Los Angeles contre le Pérou, et on s’est tout de même rendus à l’aéroport dans l’heure qui suivit le drame. La piste n’avait pas été endommagée et on s’est simplement rendu compte de l’importance du tremblement de terre une fois à Los Angeles. C’est malheureux, car nous n’avons pas pu aider nos compatriotes. Fernando Quirarte fut le seul sélectionné directement touché par la catastrophe : il a perdu un oncle. Avec ce drame, notre responsabilité prenait davantage d’ampleur, on devait tenter de faire oublier aux gens ce traumatisme, leur donner de la joie. Et au fur et à mesure que le Mundial avançait, le Mexique s’est vraiment passionné pour la compétition, a tenté de ne plus regarder en arrière.

Au lendemain du Mundial, vous êtes recruté par le Sporting Lisbonne. Comment avez-vous vécu cette expérience européenne ?

Ce fut difficile, car un Mexicain en Europe à ce moment-là faisait figure de curiosité. Notre cote était basse et on nous payait peu, alors qu’au Mexique, les clubs nous rémunèrent bien. Personnellement, ma priorité n’était pas l’argent et je voulais surtout avoir la chance de m’imposer en Europe. Après Lisbonne, j’ai été recruté par le Sporting Gijon, mais finalement j’ai dû revenir au Mexique pour des questions administratives. Si cela n’avait tenu qu’à moi, je serais bien resté. Des rumeurs m’ont même envoyé à l’Olympique de Marseille à l’époque de Tapie.

Le but qui tue sa race de Manuel Negrete

Propos recueillis par Thomas Goubin, au Mexique

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