Sur Internet, royaume des pipeauteurs et des gens qui ont trop de temps libre, ce genre de message un peu farfelu aurait pu passer inaperçu. Mais après des vérifications effectuées par le club lui-même, le fameux internaute est vite démasqué. Il s'agit de Cyril Guth, homme d'affaires français installé à Dubaï, qui représente le conglomérat d'investisseurs et qui s'apprête à devenir président de l'ASNL en cas de vente du club. Sa façon d'échanger avec les fans sur le net étonne, et relève clairement du jamais-vu. En même temps, ce personnage et les Chinois qu'il représente n'en sont pas à leur première surprise, et Jacques Rousselot, président de Nancy depuis 1995, est ballotté depuis des semaines au gré de leurs pas en avant, et surtout en arrière.
Un pilote de karting à Picot
Pourtant, dès le 30 octobre, L'Est Républicain annonçait sans sourciller : « La vente de l'ASNL est signée. » Qui pour reprendre les Chardons ? Comme à Sochaux et à Auxerre, les repreneurs sont chinois. Un groupe d'hommes d'affaires qui auraient 40 milliards d'euros en poche, et représentés dans ce dossier par Cyril Guth. Avant d'arriver en Meurthe-et-Moselle, le gang avait d'abord tenté de mettre le grappin sur l'Olympique de Marseille, en vain. Alors va pour Nancy, club de Michel Platini, l'idole de jeunesse de Cyril Guth. Ce dernier est un quinquagénaire sympathique, passionné de karting, et dont le numéro de téléphone personnel est carrément disponible sur le site d'une de ses sociétés. Et là où Sochaux ou Auxerre n'avaient couté que 7 millions d'euros aux Chinois, Nancy devrait partir pour une vingtaine de millions.
Ligue 1 oblige, mais aussi agglomération et région à fort potentiel de développement économique. Mais une semaine après l'annonce triomphale de L'Est Républicain, les premiers grains de sable commençaient à gripper cette belle machine. Prêt à vendre son club depuis longtemps, Jacques Rousselot pensait avoir enfin trouvé les investisseurs idéaux, mais le dossier traîne, et le 7 novembre, il grogne sur France Bleu Lorraine : « Les choses n'avancent pas comme je souhaiterais, on va attendre encore un peu. (...) Ça commence à m'agacer, j'aime bien les choses qui sont claires. Aujourd'hui nous sommes dans l'attente, peut-être que ça se fera, peut-être que ça ne se fera pas. » Le poing sur la table, alors qu'il ne reste plus qu'une semaine aux repreneurs pour effectuer les versements, comme le prévoit le calendrier initialement fixé.
Phobie administrative
Le 8 novembre, lendemain du psychodrame, un journaliste de L'Est Républicain prend son téléphone et appelle le numéro indiqué sur le site de la compagnie de Cyril Guth. Loin de se planquer, ce dernier répond et rassure : « La transaction va se faire. Je comprends M. Rousselot avec lequel je suis en contacts réguliers, je comprends aussi tous les supporters de Nancy qui trouvent que ça met du temps, mais c’est normal avant de finaliser une telle opération. Il y a un tas de documents à fournir et à vérifier. » Un délai supplémentaire lui est accordé, et Guth a finalement jusqu'au 30 novembre pour rendre sa copie. « Vérifications bancaires un peu longues » , explique-t-on, en espérant calmer l'impatience des supporters grâce à de grands termes administratifs. Car les fans en ont entendu, de belles promesses.
Le budget du conglomérat monterait à plus de 120 millions, avec pour objectif de qualifier Nancy pour la Ligue des champions dans les quatre ans. Mais plus le dossier s'éternise et plus d'autres théories apparaissent, comme celle expliquant que c'est Rousselot lui-même qui met les freins. Car comme porte de sortie, il s'imaginait bien remplacer son ami Le Graët à la tête de la FFF. Toujours sur France Bleu Lorraine, il ne s'en cachait pas : « Il m'avait semblé qu'il arrêtait, j'étais un peu dans la confidence puisque je devais lui succéder. Je suis très affecté par la situation. » Il prend ensuite le pouls de la LFP, et comprend qu'il n'y a pas non plus de place pour lui là-bas. Alors pour ne pas se retrouver tout nu, certains pensent qu'il préfère s'accrocher à son club. Histoire de suivre l'exemple de son pote Le Graët à la FFF.
Par Alexandre Doskov
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