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La touche, arme secrète de l’Islande

Par Côme Tessier
4 minutes
La touche, arme secrète de l’Islande

L'Islande joue avec ses moyens, sans vouloir en faire de trop et surtout ce qu'elle ne connaît pas. Elle joue au football, quoi, dans son plus simple appareil. Parmi les règles de base du football que l'Islande se plaît à remettre au goût du jour, il y a la touche. La remise en jeu est devenue une véritable arme pour la sélection, grâce aux bras de son capitaine Aron Gunnarsson.

Contre l’Autriche, il a suffi d’une touche obtenue aux vingt mètres. Gunnarsson prend le ballon dans ses mains et envoie un parpaing jusqu’à la surface adverse. Bodvarsson se bat pour récupérer le ballon et frapper en se retournant. Sur un truc anodin et peu exploité, l’Islande vient de s’offrir une bouffée d’air frais. En menant rapidement au score, 1-0, dans ce troisième match de poules, la qualif est presque déroulée sur un plateau. Il n’y a plus qu’à verrouiller, absorber les velléités rouge et blanc pour se permettre une place dans les deux premiers et donc la qualif sans le moindre doute pour le tour suivant. Le tout dans une première participation à un tournoi majeur, la performance est plus qu’honorable. Et pour y parvenir, une fois de plus, le capitaine islandais a fait la différence sur une simple remise en jeu de la main.

Lancers de hand

Quand on lui demande, Gunnarsson insiste : ce n’est pas une histoire de force, qui ferait des Écossais habitués au lancer de tronc les rois de la discipline. Non, la touche est un art qui requiert de la technique. Dès 2008, il explique sur le site de Goal pourquoi il est si doué pour ces balles au loin. « Tout est affaire de technique et se développe en jouant au handball. » C’est donc ça. Les Islandais, souvent contraints aux sports d’intérieur, peuvent aussi s’appuyer sur des qualités hérités d’autres sports. Dont le handball, une discipline où leur équipe nationale obtient des résultats honnêtes. Dans la famille, le hand est quelque chose de sérieux. Le grand frère est professionnel en Allemagne, à Bergisch. Le père a joué comme semi-pro en Islande. Comme lui, Aron Gunnarsson a été un joueur à la main, de ses quatre à quinze ans, avant que le foot ne prenne le dessus. En 2008, alors qu’il vient d’arriver à Coventry, il admet s’ennuyer au hand. « J’avais du plaisir au foot, je n’en avais pas au hand, c’était trop simple pour moi. » Malgré un niveau et une certaine précocité – il intègre l’équipe première à 15 ans –, son dos est tourné à la marotte familiale. Place aux grands espaces extérieurs, sans rien oublier de son apprentissage précédent.

Lancer d’ordi

À son arrivée dans les championnats anglais, Gunnarsson se fait une petite réputation par la drôlerie de ses remises, façon Rory Delap. Dès son arrivée, ses coéquipiers Scott Dann et Jay Dabb en profitent pour quelques buts. Il a 19 ans. La qualité de son geste intrigue. À Goal, il maintient l’idée que la technique passe avant tout. La force, vraiment pas ? En spécialiste en la matière, pas de doute pour Gunnarsson. « On peut avoir les bras deux fois plus gros que les miens, ça ne changera rien. Tout dépend de la manière dont vous lancez, pas de la force avec laquelle vous le faites. » En bougeant vers Cardiff City en 2011, sa réputation reste.

On le retrouve même dans une vidéo étrange à s’entraîner en lançant des… écrans d’ordinateur – mais son lancer, pour le coup, serait une fausse touche. Évidemment, en Angleterre, on a donc conscience du problème. Les Anglais le redécouvrent plus exactement, car Gunnarsson avait un peu lâché l’idée des longues touches après une dislocation de l’épaule en 2013. Mais l’Euro vaut bien un retour au charbon. Face au Portugal, déjà, Gunnarsson a fait quelques lancers bien sentis.

Contre l’Autriche, il a été décisif. Alors en conférence de presse, Roy Hodgson en fait tout simplement le danger principal. « Il faut être un peu aveugle pour ne pas se rendre compte que Gunnarsson est une arme pour eux. Il ne lance pas seulement le ballon dans la surface de réparation, mais il prend en charge des touches depuis son propre poteau de corner et tente de lancer le ballon jusqu’à la ligne médiane. Ce sont des choses dont on est conscients et pour lesquelles on se prépare. » Tout le monde le sait désormais, il faut surveiller les touches islandaises comme le lait sur le feu. Mais dommage pour Christian Jeanpierre, qui ne commente pas ce match. C’était l’occasion idéale de parler enfin, en plus des corners, de « touches intéressantes » à tout bout de champ.

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