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Génésio, le mal-aimé

Par Maxime Brigand
7 minutes
Génésio, le mal-aimé

Secouru cette semaine par ses pairs, Bruno Génésio a de nouveau pointé un jugement biaisé de son bilan à l'OL. Si l'entraîneur lyonnais n'a pas tort sur le fond, la forme laisse une nouvelle fois à discuter et alimente le fossé grandissant entre l'institution et ceux qui la supportent.

Dernière pièce glissée dans la machine : « Je ne vais pas refaire mon Calimero, mais, quoi que je fasse, on me le reproche. Ce que j’aimerais, c’est qu’un jour, on soit objectif. Depuis ma prise de fonction, une frange de suiveurs, d’influenceurs, ou je ne sais quoi, me critiquent systématiquement. Je fais mon travail. J’ai confiance en moi, en mes joueurs, en mon staff, et c’est ça le plus important. Après, il y a les bilans, et c’est ça qui parle pour un entraîneur. A priori. » Ainsi, le 117e derby de l’histoire est plus que jamais devenu celui d’un homme : Bruno Génésio, visage de la résistance à la lyonnaise contre le reste du monde et entraîneur baladé de vague en vague depuis le premier jour. Si bien que Jean-Louis Gasset, plus de trente-trois ans de banc entre les doigts, a décidé de saisir l’apéro médiatique de cet OL-ASSE pour défendre le bonhomme. Extraits : « Je trouve qu’il fait un travail extraordinaire, mais je sais par expérience qu’être entraîneur dans le club où vous avez débuté, où vous avez joué, où vous avez été adjoint, puis formateur… c’est très difficile. J’ai connu ça à Montpellier et, au bout de six mois, je suis allé voir Loulou Nicollin et j’ai arrêté. Parce que ça devenait trop difficile. Quand vous êtes chez vous, tout le monde vous tutoie, tout le monde veut vous donner des conseils, mais pour les gens, vous n’avez pas le charisme, vous portez mal le costume… En fait, on vous voit comme un travailleur parce que vous avez été joueur, adjoint, formateur, on a du mal à vous voir comme numéro un. » Ce qu’est Génésio depuis maintenant bientôt trois ans chez lui, à Lyon. Où est le problème ?

« On se souvient de moi parce que j’ai participé à la montée en D1, rien de plus »

Première fenêtre à ouvrir : il n’est pas nouveau. Interrogé en août 2016 par So Foot, le technicien avançait alors l’idée d’un complexe à résoudre. « Je n’ai pas marqué le club comme Juninho, Cris, Govou, Di Nallo, Lacombe ou Sonny… On se souvient de moi parce que j’ai participé à la montée en D1, rien de plus » , expliquait celui qui venait de sortir la tête de l’OL de l’eau après un hiver 2015 terrible, plaçant le club à la deuxième place de Ligue 1 au printemps suivant. Sur ce point, rien ne changera : aux yeux des supporters, Bruno Génésio restera à jamais un bon joueur de devoir, un milieu bosseur, un gars du coin, pas une légende. Cette donnée n’a rien à voir avec ses capacités d’entraîneur. Légitime, l’ancien protégé de Raymond Domenech l’était au moment de prendre la suite d’Hubert Fournier. « Pour moi, c’est un avantage de faire partie de l’ADN du club, répond Génésio cette semaine dans Le Progrès. Cela ne donne pas l’immunité, bien sûr, mais quand on a la compétence, et qu’on est du club, je trouve qu’on gagne du temps. » Sur ce point, le coach lyonnais n’a pas tort, surtout dans un club comme le sien, et les résultats lui ont donné raison : une quatrième place au bout de sa première saison complète, un podium l’an passé, deux victoires à domicile contre le PSG, un succès historique à Geoffroy-Guichard en novembre dernier (0-5)… Il faut changer de porte pour comprendre.

Du rôle du coach

Car les résultats ne peuvent tout raconter, même si Bruno Génésio a demandé en interne quelques stats pour justifier son bilan, notamment celle du pourcentage de victoires en championnat (58,4%, soit 1,92 point/match). Ce qui ramène à la notion de légitimité de l’entraîneur de foot : qu’est-ce qu’un bon coach, au fond ? « Aujourd’hui, au niveau de l’entraînement pur, il n’y a plus grand-chose à inventer, estimait l’ancien habitué du virage nord de Gerland, au début de la saison 2016-2017. Mais un entraîneur doit amener sa patte sur l’aspect tactique parce qu’il n’y a que comme ça qu’il peut définir ce qu’il a envie de faire. Est-ce que j’ai envie de presser ? De défendre très bas ? De jouer au football ? Ou de taper devant ? Quel système de jeu je mets en place ? Est-ce que je m’adapte aux joueurs que j’ai ou est-ce que j’ai un système défini auquel je ne déroge pas ? Là, c’est mon métier, et si le talent permet de faire gagner un match, il ne fait pas tout. On peut aussi gagner des matchs en étant très disciplinés tactiquement. » Voilà l’épicentre du casse-tête et du débat Génésio. Le foot, le jeu et son animation : sur quoi il demande à être jugé, en plus du développement de joueurs (où il excelle), et autour de quoi l’OL brille par bribes. Dans ce cadre, personne n’oubliera la manière avec laquelle les Lyonnais ont battu le PSG en février 2016 (2-1), ni comment ils ont réussi à maîtriser le City de Pep Guardiola (1-2), à Manchester, mi-septembre.

Repli sur soi et réseaux sociaux

Une partie du problème est résumée à travers ces performances : aujourd’hui, Lyon est une équipe d’épisodes, mais surtout d’événements. En conférence de presse jeudi, Génésio a malgré tout avoué ne pas être « dupe sur la qualité du jeu parfois » et a glissé que « l’important, c’est d’être performant sur la durée » . Le hic est là, l’OL engendrant souvent une dose de frustration, née de promesses entrevues et d’un potentiel rare. Ce qui est reproché à Bruno Génésio est alors de ne pas avoir réussi (encore) à trouver un schéma parfait – lui s’adapte, ce qui explique l’installation récente du 3-5-2, qui a permis aux Lyonnais de réduire le nombre de tirs concédés à Guingamp (2-4), un problème majeur des dernières semaines au-delà d’un fonds de jeu souvent indigent –, mais surtout sa façon très personnelle de se refermer sur lui-même. Un prolongement de la stratégie développée depuis toujours par Aulas : l’OL contre le reste du monde. Ce qui ne sert plus grand monde aujourd’hui et place le club tout entier dans une situation inconfortable : faire un nul à Hoffenheim est alors devenu « un exploit » , Bruno Génésio s’est placé dans la position de « l’homme à abattre » . Ce qu’il n’est pas.

Au contraire. D’où une question : quel club de haut niveau accorde autant d’importance aux avis d’internautes sur un réseau social ? Aucun. On ne parle ici plus de sportif – la réception d’Hoffenheim (2-2) a par exemple montré que cette équipe avait la capacité d’élever son niveau de jeu, de s’adapter à un adversaire, de le bousculer dans les transitions, d’avoir une approche positive et que le problème est avant tout « psychologique » (ici la gestion d’une fin de match) –, mais d’un fossé grandissant entre le socle institution et ceux qui la soutiennent. Sur ce sujet, la communication de l’OL – de Génésio à Aulas – n’a fait qu’agrandir la distance là où ils auraient dû rassembler. Et l’essentiel est ailleurs : Lyon a un derby à gagner, une solidité à retrouver, une fluidité dans le jeu à réanimer, une maîtrise collective à consolider. Car quand tout est en place, cette équipe reste difficilement arrêtable. Ce qui est le cœur de l’affaire : un tout qu’il ne faut plus dissimuler derrière des histoires qui ne seront jamais réglées.

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