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Christophe Pélissier (Lorient) : « Sur la durée, c’est le jeu qui va l’emporter »

Propos recueillis par Clément Gavard
11 minutes
Christophe Pélissier (Lorient) : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Sur la durée, c&rsquo;est le jeu qui va l&#8217;emporter<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Cette fois, Lorient n'a pas manqué son début de saison. Après un maintien obtenu à la dernière journée au printemps au bout d'une phase retour remarquable, le FCL de Christophe Pélissier n'a pas beaucoup bougé et dispose maintenant de plus de certitudes, notamment grâce à un 5-3-2 bien rodé. Avant la réception de Clermont dimanche au Moustoir, l'entraîneur des Merlus a accepté de discuter pendant une petite trentaine de minutes. Au menu : le départ réussi de Lorient, le duo Laurienté-Moffi, sa philosophie de jeu, le début de saison excitant en Ligue 1 et la nécessité de ne pas constamment opposer les coachs français à ceux étrangers.

Depuis le début de saison, Lorient a gagné quatre matchs, en a perdu un seul, et pointe aujourd’hui à la 6e place en championnat. Quel regard portez-vous sur ce départ réussi ?
Au-delà des résultats, qui sont bien sûr positifs, c’est surtout ce qu’on a mis en place depuis la saison dernière qui me satisfait. Dans le contenu, dans le jeu, on est en train de prendre une dimension supplémentaire, qui vient aussi de la confiance gagnée avec les résultats depuis plusieurs mois. Ce qui a fait qu’on a pu repartir sur des bases solides, avec aussi un peu de réussite en tout début de championnat qui nous a permis de conserver cette confiance.

Il y a un an, je pense qu’on a été un petit peu frileux dans ce qu’on proposait parce qu’il y avait une crainte.

Après huit journées, vous comptez un point de plus qu’à l’issue de la phase aller du dernier exercice (13 contre 12). Qu’est-ce qui a changé en l’espace d’un an ?Il y a un an, je pense qu’on a été un petit peu frileux dans ce qu’on proposait parce qu’il y avait une crainte… Il y avait très, très peu de joueurs qui avaient connu la Ligue 1. On a eu du mal à s’y adapter sur le terrain, dans l’environnement, etc. Aujourd’hui, ces joueurs ont désormais un an de vécu dans l’élite, ils savent où ils mettent les pieds. Ensuite, je pense également que le changement de système a permis à beaucoup de joueurs de montrer leurs qualités dans ce schéma. On l’a donc reconduit pour cette nouvelle saison, même si on avait un gros point d’interrogation pendant l’intersaison puisqu’on a perdu trois de nos joueurs les plus influents (Wissa, Chalobah et Gravillon, NDLR). On a senti pendant la préparation que les joueurs avaient un gain de confiance supplémentaire, donc on a pu mettre en place des principes de jeu ambitieux sur le plan offensif comme défensif. Pour le moment, ça se passe très bien, même si je trouve qu’on a un effectif un peu plus léger en quantité par rapport à l’année dernière. Il faut maintenant voir sur la durée comment les jeunes, qui ont beaucoup de place dans cet effectif, vont pouvoir se mettre à niveau.

Vous auriez donc souhaité un ou deux renforts supplémentaires cet été, même si l’on sait que le club a évidemment été touché par les crises des droits TV et de la Covid ? On avait ciblé deux postes que l’on a pu réaliser : un défenseur central (Moritz Jenz) et un piston (Igor Silva). Je pense en effet qu’un attaquant et un milieu supplémentaires auraient pu nous faire du bien sur la durée. Maintenant, on connaît le contexte économique du club et des clubs en général. Ce sont les jeunes qui doivent progresser pour atteindre le niveau d’efficacité et d’exigence suffisant. C’est un autre challenge qui s’offre à nous.

Votre effectif a finalement peu bougé cet été. Dans un entretien accordé à So Foot la saison dernière, vous expliquiez qu’à la fin de votre aventure à Amiens, il y avait « trop de turnover ». Aujourd’hui, dans quelle mesure est-ce un avantage de repartir avec un groupe quasiment similaire ?
C’est un très, très gros avantage parce qu’on part avec 80% de l’effectif de la saison dernière. Pour la plupart, les joueurs qui ont remplacé les titulaires partis étaient déjà dans le groupe, il n’y a pas besoin d’intégration. Je pense notamment à Armand Laurienté qui était un peu la doublure de Wissa. Il avait déjà fait des bons matchs, mais c’était un peu le troisième attaquant. Il connaît maintenant la Ligue 1, il connaît également bien le club puisqu’il avait été prêté en Ligue 2 l’année de la montée, ça lui permet d’être performant sur le début de saison. Pour la réussite d’un club, la continuité dans l’effectif est primordial. On a aussi pu garder des joueurs, comme Terem Moffi qui était sollicité. Pour le moment, on profite.

C’est facile de jouer à côté de Terem Moffi.

Vous avez compensé le départ de Wissa en installant le duo Laurienté-Moffi en attaque. En quoi sont-ils complémentaires ?On peut déjà dire que c’est facile de jouer à côté de Terem Moffi. (Rires.) C’est quelqu’un de très altruiste sur le plan collectif. Il est aussi capable de prendre la profondeur, de jouer entre les lignes, et d’être un point de fixation. Après, on connaissait les qualités d’Armand, notamment la vitesse et la puissance. Il a fallu un peu travailler avec lui sur ses déplacements et sa régularité dans le jeu. Je pense qu’ils peuvent être très complémentaires offensivement, mais également défensivement : ce sont deux joueurs qui ont compris que le premier rideau était important dans notre système de jeu.

Vous restez sur une série de neuf matchs sans perdre au Moustoir (dernière défaite le 21 février contre Lille, 1-4). C’est parfois une question que l’on se pose : en quoi jouer à domicile est différent de jouer à l’extérieur ? (Rires.) Je pourrais vous parler du public, mais cette série a commencé la saison dernière quand on était à huis clos. C’est vrai que c’est une question que l’on se pose parfois, et on n’a pas de réponses… Honnêtement, on a la même ambition à domicile qu’à l’extérieur, on joue le match pour le gagner. Ce sont peut-être des ressorts psychologiques, des choses qui se passent dans l’inconscient. En revanche, on sait que notre public nous aide beaucoup en ce début de saison, ça compte dans les performances.

Je veux absolument que l’on aille poser des problèmes à l’adversaire le plus rapidement possible.

Parlons un peu du jeu : vous êtes la 18e équipe au classement de la possession cette saison, mais également celle qui concède le plus de tirs en Ligue 1. Comment définiriez-vous le style de jeu du FCL version Pélissier ?
On a tendance à dire que l’on a des joueurs qui sont à l’aise dans un jeu de transitions, notamment les deux attaquants, mais je trouve qu’on s’est aussi beaucoup amélioré sur nos sorties de balle avec cette idée d’être le plus souvent possible dans la verticalité. Je considère que la possession, c’est bien, mais ça doit être surtout pour faire mal à l’adversaire. De notre côté, on a des joueurs capables de se retourner rapidement vers l’avant et de garder ce temps d’avance, ce qui est une qualité forte dans le football actuel. C’est une équipe portée vers l’avant. Je veux absolument que l’on aille poser des problèmes à l’adversaire le plus rapidement possible.

Vous n’êtes donc pas à la recherche de la possession absolue. Non, non. En fait, on est à la recherche d’être performants. Parfois, on pourra l’être avec la transition, d’autres fois avec la possession. Contre Lille, on a eu 55% de possession et on a été très performants en deuxième période. Ce match est d’ailleurs assez parlant : on a été bons dans la transition dans le premier acte, puis on a pris le ballon après la pause. Ce que je veux, c’est que mon équipe puisse être bonne dans les deux cas. En ce moment, je trouve que l’on progresse sur la tenue du ballon et la gestion des temps faibles.

Quand vous battez Monaco ou Nice en souffrant dans le jeu, quel discours tenez-vous à vos joueurs ? Vous racontiez qu’il était possible de vous voir leur rentrer dedans après une victoire 1 à 0. C’est différent. Quand on joue des équipes comme Monaco ou Nice, c’est du lourd en face. Remporter ces matchs-là, c’est déjà une grosse performance. On essaie d’être le plus objectif possible dans nos analyses, on sait très bien qu’on ne peut pas jouer des matchs en étant dominés tout du long. C’est ce qui m’a plu dans le match à Lyon, où on a été très ambitieux dans le jeu pendant une demi-heure, même avant l’expulsion, sans se recroqueviller d’entrée. On ne cache pas qu’il y a des axes d’amélioration, mais on sait aussi qu’il y a un rapport de force qui s’installe. Dans le foot, il faut des qualités, mais aussi de la réussite. Je trouvais qu’on en avait cruellement manqué la saison dernière : on était l’équipe de bas de tableau qui se créait le plus d’occasions, nos ratios offensifs et défensifs n’étaient pas du tout bons. Cette année, c’est mieux et on a justement cette réussite, comme lorsque Nice rate un penalty ou frappe le poteau. Cela fait partie des aléas d’une saison, même si quand on est en confiance, ça nous sourit plus facilement.

Le 5-3-2 est un système que j’ai toujours apprécié. C’est dans ce schéma qu’on est montés en Ligue 2 avec Luzenac en 2014.

Vous avez parlé de votre 5-3-2, c’est un système à la mode en ce moment en France et en Europe. Comment l’expliquez-vous ? De mon côté, c’est un système que j’ai toujours apprécié, c’est dans ce schéma qu’on est montés en Ligue 2 avec Luzenac en 2014 (sur le terrain, NDLR). Il donne de la sécurité défensive à l’intérieur du jeu, et il permet d’avoir beaucoup de variété offensivement, à la fois sur la sortie de ballon et l’utilisation de la largeur. Puis, il y a le fait de pouvoir aligner deux attaquants. Il faut avoir l’effectif pour, c’est le cas à Lorient à mon sens.

Le début de saison de Ligue 1 est très enthousiasmant pour les téléspectateurs. En tant qu’acteur, ressentez-vous aussi une sorte de frémissement dans notre championnat ? Oui, oui, je trouve. Quand j’entends que le championnat français est ennuyant, je ne suis pas d’accord. On voit de très bons matchs. Je crois qu’on a eu le droit à une moyenne de trois buts par match le week-end dernier, c’est une tendance qui existe depuis ce début de saison. On voit que tous les coachs ont une philosophie de jeu tournée vers l’avant. C’est le cas de beaucoup d’entraîneurs français, c’est important de le dire aussi, que ce soit Franck Haise, Pascal Gastien que je vais rencontrer dimanche, Gérald Baticle, Julien Stéphan, Laurent Batlles… On a peut-être des idées un peu nouvelles.

Comment expliquez-vous cette évolution et ces nouveaux profils ? Chacun a un parcours différent. Par exemple, Julien Stéphan et moi n’avons pas une carrière de joueur professionnel, on amène peut-être une vision différente par rapport au jeu. Ce week-end, on rencontre Clermont et on sait que Pascal, partout où il est passé, a prôné cette qualité de jeu. C’est important de le mettre en avant.

Il ne faut surtout pas opposer les entraîneurs étrangers aux techniciens français. J’ai trouvé le travail de Kovač magnifique à Monaco la saison dernière, on doit s’en inspirer.

L’arrivée de coachs étrangers comme Niko Kovač, Jorge Sampaoli ou encore Peter Bosz a-t-elle également contribué à cette effervescence assez récente ? Bien sûr ! Je n’ai rien contre les entraîneurs étrangers, et il ne faut surtout pas les opposer aux techniciens français. J’ai trouvé le travail de Kovač à Monaco magnifique la saison dernière, on doit s’en inspirer. On échange quand on s’affronte, c’est bien de pouvoir avoir leur ressenti sur le jeu, le championnat. C’est une source de progression pour nous, entraîneurs français.

Quelles sont les équipes les plus intéressantes à regarder jouer en Ligue 1 en ce début de saison avec votre regard de technicien ? (Il réfléchit.) J’ai beaucoup aimé voir jouer Lens, le match qu’ils ont fait à Marseille dimanche est assez impressionnant. On a eu la chance d’aller jouer là-bas dans un Bollaert plein où on avait fait 2-2, c’était un super match. C’est le genre d’équipe agréable à suivre. On n’a pas tous les joueurs du PSG, mais on a notre façon de jouer. Lens apporte cette fraîcheur, il y a aussi beaucoup d’autres clubs qui font également du bon travail. Ça va être un championnat très intéressant cette saison.

En fin de saison dernière, vous disiez à L’Équipe que « les petits clubs comme nous, on n’est plus sur la retenue ». Comment expliquez-vous cette nouvelle mentalité ?
Quand on commence un championnat, on sait qu’on est une petite dizaine de clubs possiblement engagés dans la lutte pour le maintien. La question, c’est de savoir ce qu’on veut faire. J’ai toujours eu l’envie de dire que sur la durée, c’est le jeu qui va l’emporter, et que l’on se sauvera par le jeu. Mes trois maintiens en Ligue 1, ils ont eu lieu grâce au jeu. L’année dernière, on finit 5es de la phase retour avec la 6e attaque du championnat, donc on veut rester dans la continuité. Il y a aussi la notion de plaisir que l’on doit prendre sur le terrain, mais également renvoyer au public qui vient en nombre au Moustoir avec beaucoup d’enthousiasme. Je crois qu’il se reconnaît dans cette équipe.

Sur une saison, qu’est-ce qu’un club comme Lorient peut espérer au niveau du classement ? Il ne faut pas tirer de plans sur la comète. Je ne parle jamais de classement à mes joueurs, mais simplement de progression dans le contenu. On est souvent récompensés par ce qu’on fait, on veut être performants dans tous les matchs, même face aux plus gros. Un club comme Lorient n’est pas formaté pour voir l’Europe pour le moment, mais on a envie de passer des paliers.

À 55 ans, vous êtes désormais reconnu comme un entraîneur de Ligue 1 après quatre saisons passées sur un banc dans l’élite. Est-ce un rêve qui se réalise ? Ce n’était même pas un rêve pour moi. Quand j’étais en DH, l’objectif, c’était plutôt d’entraîner en CFA ou au niveau amateur. De là à penser qu’un jour j’entraînerais en Ligue 1 et que je serais reconnu comme tel, ce n’était même pas dans mes rêves. Je profite à fond de ces moments-là, en gardant l’envie de faire encore mieux et d’y rester.

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