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Chelito Lindo
Cielito Lindo. C'est un refrain mexicain, sorte d'hymne national bis d'un pays où Cesar Delgado s'est révélé au plus haut niveau, comme ailier-buteur. Devenu titulaire à Lyon après deux ans à jouer le coéquipier-remplaçant modèle, le voilà désormais sur le devant de la scène au moment où l'OL se trouve à 90 minutes de faire vibrer l'Europe. Chelito Lindo, le refrain du printemps lyonnais ?
Une question d’allure sans doute. Avec sa coupe de cheveux qui n’en est pas une, ses jambes de joueur des années 80 et sa technique sans artifice, Delgado ne pèse pas bien lourd sur la photo. L’antithèse médiatique de son coéquipier, compatriote, et Belzebutheur, Lisandro Lopez, dont l’entretien pileux autant que l’efficacité fait la réputation, à l’instar d’un Chabal en Ovalie. Spectaculaire dans tous les sens du terme, Lisandro pourrait exister sans travailler, Delgado sait, lui, qu’il n’existe que par son dur labeur. Qu’il devra toujours en faire un peu plus que les autres. Ce qui ne le dérange pas. Question de tempérament. Né à Rosario, fief de Mario Kempes et Leo Messi, Chelito a grandi entouré de “phénomènes”. Dans cette terre de grands techniciens, jouer en première division argentine lui est d’ailleurs longtemps apparu aussi crédible qu’un Maradona assurant être clean. Delgado n’avait peut-être pas lu La Fontaine et la fable du lièvre et de la tortue qu’il n’a cessé de revisiter tout au long de sa carrière : pendant que les surdoués s’enivraient de leurs propres passements de jambes et tombaient un à un, happés par l’exigence professionnelle, la tortue Delgado n’économisait pas les siennes et franchissait les échelons. Au point d’être sacré champion olympique avec l’Argentine en 2004.
C’est d’ailleurs orné d’une vingtaine de sélections avec l’Albiceleste que Delgado pose ses valises dans le Rhône, début 2008. Au sein d’un club sextuple, et bientôt septuple, champion de France, dur de se faire une place. Chelito a beau se dépenser sans compter lors des rares titularisations que lui accorde Alain Perrin, ses courses échevelées et un peu désordonnées ne semblent pas raccord avec les canons locaux. Delgado n’aurait pas le standing OL ? Il a en tout cas le style Puel : sens du sacrifice, du repli défensif, dur au mal. Un soldat discipliné, serviteur du bloc équipe que réclame et recherche l’entraîneur lyonnais.
Dribbles chaloupés
Pas aidé par quelques pépins physiques, l’Argentin traversera la première saison de l’ère Puel en travailleur à mi-temps. En travailleur modèle malgré tout, colmateur de brèches dans un collectif aux lignes en accordéon et soutien d’un Karim Benzema esseulé. Joueur de devoir, au style laborieux, dont les gestes respirent rarement l’aisance, Delgado commence à séduire aussi par la justesse de ses passes et sa vision du jeu. C’est pourtant d’un tout autre joueur dont étaient épris les Mexicains. Un ailier-buteur, certes travailleur, mais pas avare de dribbles chaloupés. Un joueur qui faisait frissonner les filets un match sur deux avec Cruz Azul, l’une des institutions de la capitale aztèque. Un joueur qui brillait dans le club le plus régulier du championnat mexicain, qui ne reste cependant que le championnat mexicain. L’intelligence de Chelito, joueur généreux mais cérébral, a d’ailleurs été de comprendre que son transfert à Lyon le téléportait dans une autre dimension, où il ne pourrait être qu’un rouage de l’équipe.
De là, un profil bas qui commence à se redresser. Face au Real, Delgado s’est trouvé à deux doigts de faire le tour de l’Europe quand sa volée descendue du ciel frappa le poteau de Casillas. « C’est un joueur discipliné et technique » l’identifia Manuel Pellegrini, après la défaite du Real à Lyon. Un joueur désormais titulaire dans un Lyon en plein redressement, payé de ses efforts pendant que le brillant Bastos ronge son frein sur le banc. Ce soir, à Boulogne, si le Brésilien prend sa place, c’est que Puel préserve l’Argentin pour Santiago Bernabeu. Là où il ne pourra pas esquiver la lumière. Et en cas d’une nouvelle grande performance, pourquoi ne pas retrouver bientôt Chelito au sein de la sélection argentine, qu’il ne fréquente plus depuis bientôt quatre ans, là où il devra encore écarter la concurrence d’autres “phénomènes”. A la sueur de son grand front.
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