Plus dure sera la chute
Dans une tribune du Guardian du 5 juin modestement intitulée « Ce que Sven pourrait apprendre de moi », le truculent Mark E. Smith dispense ses conseils avisés au sélectionneur du onze de la Rose.
Sur fond de confrontation entre ballon rond et son inclassable bébé, le groupe The Fall, le Mancunien qui n’a pas d’âge prône d’abord de se comporter avec les camarades de Rooney comme lui avec ses musiciens : « En tant que manager, tu dois garder de la distance vis-à-vis de tes joueurs, et c’est la même avec mes musiciens. Quand on est en tournée, je m’assois au fond du bus. On est potes mais le secret c’est de ne pas être comme cul et chemise. On peut donc prendre une pinte ou deux de temps en temps sans être les uns chez les autres en permanence. » Il préconise également de ne pas les laisser « trop à leur aise, parce que si c’est le cas, c’est impossible qu’ils soient au top de leur jeu » et exhorte le Scandinave à plus de rigueur, à la manière d’un autre glorieux britannique : « On veut un manager dur mais pas stupide. J’ai rencontré celui de Manchester City, Stuart Pearce, dans l’autocar quand ils partaient pour Amsterdam. C’est un dur. Quelques uns allaient lui dire bonjour, mais il avait cet air de ‘C’est tout ce que vous allez obtenir’. » Il en profite au passage pour balafrer son prédécesseur : « J’aime Pearce mais je ne supporte pas Kevin Keegan. Je l’ai vu à la télévision par le passé quand MC jouait Newcastle et il est allé voir les supporters de Newcastle, pour serrer des mains. Les joueurs de City le regardaient, consternés. »
Avec un certain panache, le roublard, dieu vivant du mouvement punk, défigure à la scie sauteuse l’actuelle sélection d’Albion, la ramenant limite à l’état de boys-band. Une véritable peinture à l’acide sulfurique : « L’équipe d’Angleterre actuelle est ridicule. Une équipe de superstars est comme un supergroupe de rock. C’est comme sélectionner le meilleur guitariste en Grande-Bretagne, le meilleur batteur et le meilleur chanteur, et s’attendre à ce qu’ils produisent quelque chose qui n’est pas de la pop rock mielleuse. Cela ne fonctionne pas : cette équipe d’Angleterre ne jouera jamais au plus haut niveau. Je le sais. Voyez, Sir Alf Ramsey [qui a dirigé la sélection nationale en 1966] les gens ne l’ont jamais aimé pour ça, mais il avait toujours des arrières de deuxième division. Il a pris des joueurs et les a moulés, comme je fais avec mes musiciens. Gordon Banks, le gardien de but, était de Stoke City, une équipe des fins fonds de la première division. Ils ont concédé autrement plus de buts cette saison de Coupe du Monde que quiconque. Mais ça a marché. Vous voulez un goal qui se prend des shoots sanglants chaque semaine ! Vous ne voulez pas de celui d’Arsenal ou de Tottenham, parce qu’il n’a jamais rien à faire ! Il pourrait réussir un bel arrêt occasionnellement, mais il ne va jamais être bon contre un gang de Polonais ou n’importe qui qui aurait droit au peloton d’exécution s’il ne marque pas. » En pleine tête.
En bon patriote, inquiet et non condescendant, il rappelle qu’il a le nez creux question rectangle vert par une anecdote qui fleure bon la moussaka(ka) : « Je ne devrais pas parler de l’Angleterre. Mon épouse est grecque, et quand la Grèce a gagné son premier match à l’Euro 2004, j’ai dit: « Mettez un pari dessus maintenant ». Nous n’avons pas parié, mais je sens ces choses. Deux de mes potes ont misé £500 dessus à 250-1. Quand la Grèce a gagné le tournoi, ma femme est devenue folle, absolument folle. Nous avons même mis un drapeau grec dans le jardin. Nous étions très populaires cette semaine-là. »
Quand bien même tout le monde se foutrait des intuitions de Marky, c’est de loin nettement plus jouissif de lire cela que de se taper les élucubrations tactiques de Francis Lalanne chez la mère Denis…
PM