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Bédénik : «Une pensée pour mon Nord»

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6 minutes
Bédénik : «Une pensée pour mon Nord»

Le Nord, la Suisse et même la Grèce. A 32 ans, Jean-François "Jeff" Bédénik a vécu une sacrée décennie de football. Posé à Neuchâtel, «en face du Lac», l'enfant de Seclin nous parle de sa Suisse, qui n'est pas vraiment celle que l'on connait...

Comment se passe la saison ?

Franchement ça pourrait aller mieux… On a accumulé pas mal de points de retard et on a connu un début de saison difficile, avec notamment un changement de coach. Didier Ollé-Nicole est arrivé et on a réussi à se refaire un peu avant la trêve. Là, on est en deuxième partie de tableau, mais en Suisse, il y a dix équipes dans le championnat, alors ça va vite, dans un sens comme dans l’autre. J’espère qu’on fera une bonne deuxième partie de saison.

C’est comment le football en Suisse ?

Le fait de jouer dans un championnat à dix équipes est vraiment particulier. On joue chaque équipe quatre fois par saison, donc on connait bien nos adversaires. Au final, ce sont toujours les mêmes qui tiennent le haut du pavé. C’est une question de budget, les gros ont un effectif plus étoffé. C’est à peu près comme en France, sauf qu’ici, c’est plus facile pour un petit club d’accrocher un place en Coupe d’Europe. C’est un atout non-négligeable.

Neuchâtel, ça parle pas vraiment en France, tu peux nous en dire plus sur l’effectif ?

Là on a recruté Federico Almerares, Gilles Binya et un Hollandais qui vient d’Utrecht, ça fait une bonne valeur ajoutée et puis on a pas mal de jeunes.

Et toi, t’es là pour encadrer tout ça ?

Ouais, on se sent vieux ! On doit être deux ou trois à avoir trente-deux ans et on essaye de transmettre notre expérience aux jeunes, transmettre les valeurs du football professionnel. En Suisse, la mentalité est différente. La rigueur, l’hygiène de vie, la discipline, la tactique, bref, tout ce que les footballeurs français apprennent dans les centres de formation, ici, ils l’apprennent sur le tas.

Pourtant, le cliché veut que les Suisses soient plutôt rigoureux…

Ouais, mais ici, comme je te le disais, il n’y a pas de centre de formation. L’entraîneur a vraiment beaucoup de boulot, même après l’entraînement. Tout ce qui est physique, étirements, muscu, il faut le rappeler aux joueurs. Alors non, la réputation de la Suisse ne s’applique pas vraiment dans le football ! Les jeunes sont bons, mais manquent parfois de rigueur. Par contre, dans les gros clubs comme Bâle, il n’y a pas de soucis.

En 2004, tu rejoins une première fois Neuchatel, pourquoi ce choix ?

C’était un choix évident. Au Mans, ça s’est terminé par une descente en Ligue 2 et ma relation avec le coach n’était pas très bonne. J’ai décidé de jouer, de me faire plaisir et c’est exactement ce qu’il s’est passé lorsque je suis arrivé ici. Même si j’ai connu pas mal d’entraîneurs en deux ans. De toute façon, je savais où je mettais les pieds. Je venais ici pour jouer, acquérir de l’expérience, parce qu’à cette époque, je n’étais pas encore vieux ! Et puis ça m’a permis de jouer la Coupe Intertoto, de découvrir d’autres méthodes de travail. Le championnat suisse reste un championnat compliqué. Il n’est pas exposé médiatiquement, mais pas mal de joueurs étrangers, sud-américains notamment, viennent ici pour s’adapter au mode de vie européen, et quand ils explosent, ils partent. Il y a quand même de bons joueurs.

Suite à la descente du club lors de la deuxième saison, tu pars à Ionikos, mais n’y restes que six mois, c’est si nul que ça la Grèce ?

C’est pas que c’est nul, c’est juste un bordel pas possible. Au niveau des payes, il y a toujours des retards, tu sais jamais comment ça va se passer. C’est pas comme en France, où avec la DNCG, tu sais quand tu vas être payé. Mais j’ai encore des amis là-bas, c’est sympa. Il y a des stades de dingues, les supporters sont fous. Ça reste un bon souvenir. Mais c’était compliqué au niveau familial. Entre la Suisse et la Grèce, j’ai fait les deux extrêmes. En tout cas, footballistiquement, c’était une bonne expérience, c’est un autre type de foot, là-bas, les gens vivent pour le ballon. Et puis c’est enrichissant humainement, tu passes dans des coins frappés de plein fouet par la pauvreté, tu apprends en tant que footballeur et en tant qu’homme. Au final, j’ai préféré revenir et je ne regrette pas.

Avec le recul, tu aurais préféré rester en France ?

Honnêtement, je n’ai pas à me plaindre. C’est clair que la France, c’est bien, mais ici, le président m’a contacté et m’a proposé un contrat de quatre ans plus une reconversion au sein du club. Je ne crois pas que j’aurais trouvé ça en France…

D’ailleurs, ce président, il s’appelle vraiment Sylvio Bernasconi ? Ça fait vraiment faux Berlusconi…

C’est vrai…! Mais il n’y a pas de ressemblance, c’est quelqu’un de discret, plus que l’autre… A cause des difficultés du club, il a souvent fait part de son désir de quitter la présidence…

Et au niveau des infrastructures, il fait ce qu’il faut ?

Comme je t’ai dit, le football suisse est intéressant, mais au niveau des infrastructures, c’est pas trop ça. On s’entraîne toujours sur synthétique, mais je te parle pas des synthétiques français de dernière génération. Nous c’est un parking le truc, les brins d’herbe sont aplatis, parce qu’il y a des concerts, il n’y a pas de toit, niveau plaisir, c’est pas extra… D’ailleurs, si tu veux tout savoir, ça m’embête un peu, mais bon à mon âge, je prends quand même du plaisir. Quoi qu’il en soit, je retournerai vivre dans le Nord, ça c’est certain. J’ai toujours une pensée pour mon Nord, ça marque d’y avoir vécu.

Entre le coup droit de Roger Federer et les faux coups de pédale de Fabian Cancellara, les Suisses ont le temps d’admirer le coup de pied de Jeff Bédénik ?

Ils s’en foutent royalement ! Ils savent même pas qui je suis. C’est dommage… A Bâle, à Sion, il y a un peu d’engouement, mais ici… Les Suisses supportent surtout l’équipe nationale, ils sont à fond derrière. Le club, c’est secondaire, la moyenne de spectateurs présents dans les stades est faible. Si tu veux que le stade soit plein, il faut au moins faire une finale de Coupe de Suisse et c’est dommage. C’est pas pareil qu’en France, en Allemagne ou en Angleterre. Ici, le foot est considéré comme un hobby. Quand je dis que je suis footballeur, on me dit « Votre métier, pas votre hobby » ! Entre le ski, avec Didier Cuche, Federer et le vélo, la place accordée au foot est minime.

Tu n’est vraiment pas connu en Suisse ?

Je pense qu’à Neuchâtel, ils me reconnaissent, au moins les jeunes qui disent « On a vu un tel » . A la crèche ou à la garderie également, on me dit souvent « Vous n’êtes pas joueur de foot » ? Mais bon, tu peux faire les courses tranquille. Par contre, on a des voitures avec le logo du club, on est fichés ! Que tu veuilles aller au bar ou sortir tranquille, on sait forcément que tu es un joueur du club !

Le cadre de vie a l’air sympa par contre…

Tu m’étonnes ! Ça me prend deux minutes pour aller au stade, j’ai un appart avec vue sur le lac et même s’il n’y a pas encore trop de neige, ma famille peut aller skier sans problèmes. Le cadre de vie est exceptionnel…

Propos recueillis par Swann Borsellino

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