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Yoann Gourcuff, un Roman français
En début de saison, on se demandait comment Garde ferait sans Gourcuff. A mesure que le meneur de jeu repousse son retour et que les Lyonnais squattent les sommets de la L1, on a fini par se demander ce que l'OL allait bien faire de Gourcuff. Retour sur une trajectoire aux allures de Roman noir.
Il va comment l’ex-enfant chéri du foot français ? Pour le diagnostic médical, il a toujours mal à la cheville gauche. Pour le reste, ce qui renvoie aux états d’âme, on ne sait plus trop. En juin dernier, le ciel semblait suffisamment dégagé au-dessus de Tola Vologe pour se refiler le mot entre suiveurs de l’OL : cette rentrée était taillée pour un retour en grand de Yoann Gourcuff. Jean-Michel Aulas qui a le chic pour renifler l’air du temps ne s’y était pas trompé, répétant à qui voulait l’entendre que son joueur star allait tenir le rôle de la grande recrue qui manquait à son mercato minimaliste. Soit un type qui après avoir passé sa première saison entre Saône et Rhône à se débattre avec les démons de Knysna et à devoir justifier son transfert record en milieu hostile allait enfin pouvoir lancer sa carrière lyonnaise.
Entre les lignes
Pas la peine d’être calé en arts divinatoires pour comprendre qu’au-delà de l’effet de comm’, cette vision méritait qu’on lui accorde un fond de crédit. Il suffisait de se pointer le 22 juin dernier pour suivre la présentation à la presse de Rémi Garde. Tout juste nommé à la place de Claude Puel, l’ancien Gunner s’était fendu d’une première déclaration d’intention où il était question de remise au goût du jour d’une certaine idée de jeu à la lyonnaise. La méthode reposait en grande partie sur le savoir-faire maison, entre promotion de la jeune classe montante initiée aux secrets du 4-3-3 et reformation d’un milieu plus dur physiquement. Le genre de projet raccord avec le retour dans le jeu d’un meneur suffisamment au-dessus du lot pour reprendre les affaires là où Juninho les avait laissées. Garde ne faisait d’ailleurs pas mystère de l’attention toute particulière qu’il accorderait à Gourcuff pour tenir le rôle en question : « Yoann est un grand joueur. Il peut donner beaucoup plus cette saison. J’apprécie son style et j’ai confiance en lui. Quand on a du talent, on ne le perd pas » . Venant de la part d’un newbie surtout connu pour les gourous auprès desquels il s’est formé ces dix dernières années (Wenger, Houllier, Le Guen), la remarque valait forcément son pesant de révélation.
Quand il a vu Yoann Gourcuff repousser à la prochaine fois son retour et les Lyonnais se placer dans le même temps comme une des équipes les plus impressionnantes de ce début de saison, le landernau a eu vite fait de s’agiter autour d’une même question : quelle place donner au meneur de jeu dans ce collectif qui a su si bien se passer de lui ? La réponse, l’OL l’a déjà donnée à plusieurs reprises. Le 31 août dernier d’abord, lorsque la direction du club décide d’envoyer le joueur le plus décisif du beau mois d’août, Miralem Pjanic, ravir les supporters romanistes. Ces deux dernières semaines ensuite, où le 4-4-2 aligné depuis la reprise laisse progressivement la place au 4-2-3-1. Certes, l’absence de Lisandro y est pour quelque chose. Reste que ce changement annonce surtout le retour de Gourcuff auquel Clément Grenier ne devrait pas résister, en dépit des promesses que le jeune meneur a su tenir en à peine trois titularisations. Et pour ceux qui feraient mine de douter encore de la suite des événements, on leur recommandera d’apprendre un de ces jours à lire entre les lignes, celles du bilan comptable. Où l’on voit mal comment Jean-Michel Aulas pourrait s’asseoir sur un investissement à 26 millions d’euros.
Nouveau Roman
Il faut alors en revenir à une autre question, la seule qui nous ait jamais intéressés au sujet de Yoann Gourcuff et qui concerne son destin de phénomène médiatique de l’ère post-Zidane. De tous les virtuoses désignés comme les successeurs annoncés de ZZ, l’ancien Girondin est encore celui dont les caractéristiques se rapprochent le plus de la figure tutélaire du foot français. Pas seulement pour sa technique superlative qui en fait un des esthètes les plus agréables à voir jouer. Mais surtout pour cette drôle de caisse qui lui permet de se tenir à moins de 15 mètres du porteur de ballon et proposer toujours et encore ces solutions qui finissent par faire la différence. Malgré ces similitudes, Yoann Gourcuff a eu droit à son tour au parcours des autres phénomènes du genre : premières prestations fracassantes en club et en sélection, machine médiatique qui s’emballe, transfert record à 24 ans, difficultés d’adaptation et nostalgie avant l’heure des débuts flamboyants. Un modèle qui correspond à s’y méprendre à celui connu par toute une génération de footballeurs argentins qui s’étaient vu refiler le titre de « Diego du futur » . Aucun des milieux classieux qui a pu y avoir droit n’y a résisté. Pas même le plus brillant d’entre eux, Juan Roman Riquelme.
Du coup, la tentation est grande de lire à travers le tour pris par la carrière de Yoann Gourcuff ces derniers temps quelque chose de la trajectoire de Romi, à quelques années d’intervalle. Celle d’un joueur peut-être pas assez dur mentalement pour passer à travers les accrocs du moment : un mondial qui vire au fiasco, des attentes démesurées, un problème de cheville qui enfle et un rôle de rock star malgré soi. Bien plus que sa place dans un collectif lyonnais qui squatte à nouveau la tête en Ligue 1, c’est cette histoire de niveau auquel il faut situer Yoann Gourcuff qui se jouera à son retour sur les terrains. Au cas où il ne sera plus possible de le hisser que l’espace d’un match ou deux, il deviendra alors difficile d’échapper à ce destin de Roman à la franche touche qui lui tend les bras. Encore faut-il tenir ces quelques matchs qui servent de révélateur. Le choc de dimanche prochain face au PSG avait tout du rendez-vous idoine. Les dernières foulées tout en retenue aperçues lors des derniers entraînements semblent dire qu’il faudra encore patienter au-delà de la 9ème journée de Ligue 1. A moins que Gourcuff ne joue à se faire oublier. Auquel cas, il faut lui reconnaître du génie. Celui d’avoir su choisir son moment.
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