Un OM dans le match
Valbuena magique malgré son physique de candidat à une émission de TV réalité, Cheyrou impérial malgré les gros morceaux de bidoche dans son jeu, Cana, porte-brassard, porte-drapeau, porte-bonheur ?, Ziani et Niang à leur niveau, l'OM a été valeureux et intelligent contre un Liverpool incapable de se dépêtrer du système mis en place par le grand bonhomme de ce match : Eric Gerets, un Belge.
Eric Gerets avait-il vu le Téfécé se faire rosser à Anfield ? On ne sait pas, mais une chose est sûre, Eric Gerets avait bossé son sujet. Il savait que tout serait question de maîtrise des espaces, il savait Benitez et son jeu à l’impact, il savait Momo Sissoko, il savait et il a fait.
Quoi ? Jouer court et serré dans la verticale, sur les bandes à l’horizontale. Un rectangle quasi parfait qui épouse la largeur du terrain dans sa longueur et ne s’étend guère au-delà des 20 mètres dans sa largeur. Un rectangle qui se déplace comme un seul homme, et duquel jaillit tantôt un fringalet – à Liverpool les gringalets comme Crouch, à l’OM les fringalets comme Valbuena, Ziani, voire Zenden, trois crève-la-dalle qui avaient tout à prouver ce mercredi soir -, tantôt un autre mort de faim, Lorik Cana, homme clé du système Gerets pour couper les relances de Gerrard et, plus encore, de Sissoko.
Car le football moderne est ainsi fait – c’est-à-dire de plus en plus physique – que ces hommes placés devant la défense pour orienter le jeu « depuis la base » ont pris une ampleur proportionnelle à la difficulté de les étouffer. Or l’OM a Lorik Cana. Et si Cana porte un brassard noir, ce n’est pas en signe de deuil – il n’a pas connu Francis Borelli – mais bien parce qu’il est le capitaine courage de c’t’équipeuh et qu’un match contre Liverpool à Anfield se gagne un peu au courage, pour ne pas être plus vulgaire. Donc Cana a coupé. Court et précis. Ici Gerrard y Sissoko. À partir de là – copyright Didier Deschamps -, Rafael Benitez pouvait commencer à s’inquiéter : la source tarie, plus personne pour allonger le jeu et étirer ces lignes beaucoup trop compactes à son goût de l’OM.
Pire, les Marseillais, malgré une maladresse technique assez flippante en première période (mais largement partagée par les Liverpuldiens, ce qui, finalement, ne rassure qu’à moitié, mais bon…), se régalaient dans le jeu court (Valbuena-Ziani, Ziani-Valbuena) et perturbaient considérablement les plans des locaux, apparemment pas aussi à l’aise balle au pied qu’on veut bien nous le faire croire (combien de duels remportés par Liverpool en première période ?).
Les Anglais se montraient incapables d’éliminer et leur travail de sape ne portant pas ses fruits, ils ne furent finalement dangereux que sur un cafouillage olympien bouffé comme il faut par El Nino Torres (contrôle américain aux sept mètres vingt cinq) et manquèrent de se prendre deux pions (11e et 31e), d’abord sur une frappe de Niang après caviar de Ziani, puis sur un but du même Ziani refusé pour un hors-jeu de Niang réel mais pas évident.
Oui, c’est bel et bien Niang qui tenait la pointe phocéenne en lieu et place de Cissé, malgré le passé liverpuldien de ce dernier. Logique si l’on se réfère au fameux rectangle et au choix de Gerets de privilégier le bloc : Cissé, ça vous étire le jeu comme c’est pas permis, selon le principe bien connu de la mule. Ca court, ça frappe, point barre. Mais de remises que dalle, de une-deux que’tchi’, et de dribbles courts n’en parlons pas. Cissé c’est le grand pont-pastèque, c’est tout. Niang seul devant témoignait donc, une nouvelle fois, de l’intelligence tactique de Gerets – d’autant que Niang, comme tous les Olympiens, fit un travail remarquable de replacement défensif, ce qui est rare pour une pointe sèche dans une configuration en 4-3-2-1.
Niang vs Crouch, Cheyrou vs Sissoko, voilà où s’est joué le match, en définitive. D’un côté, Cheyrou pouvait orienter le jeu à loisir, même s’il y eut du déchet, parce que c’est Cheyrou, c’est pas Pirlo, tandis que de l’autre côté, Sissoko ne respirait plus. Et Crouch à la place de Kuyt, c’était tout aussi impardonnable compte tenu de la défense marseillaise : tout au physique donc particulièrement gênée face à des joueurs plus techniques. Benitez s’est ramassé en beauté, turn-over mes deux, Gerets a gagné, chapeau bas.
Car il fallait oser le Valbuena titulaire dans l’axe, pour mener le jeu – ce qu’il fit très bien au demeurant -. Il fallait oser Cissé sur le banc. Il fallait oser ne pas venir pour faire 0-0 mais croire en son potentiel face à ces terribles Anglais qui avaient puni les Toulousains quelques semaines auparavant. Gerets a fait ce qu’il fallait. L’OM dans le match, c’est lui. Avant Valbuena, malgré ce putain de but à la 78e. Un but qui résume à lui seul toute la physionomie du match : énième récupération haute des Marseillais – l’OM a beaucoup récupéré sur la perte, le signe des équipes qui n’ont pas les foies -, une-deux astucieux dans un mouchoir de poche – les Anglais n’ont jamais su tout au long de la partie maîtriser les petits périmètres – et une frappe imparable qui vous tape la barre parce que ce soir-là, l’OM ne pouvait finir qu’en beauté. Oui, Gerets avait bossé.
Célestin Burnin
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