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Tactique : Christopher Nkunku, label de juin

Par Maxime Brigand, à Split
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Tactique : Christopher Nkunku, label de juin

Titularisé pour la deuxième fois chez les Bleus dans la foulée d’une entrée en jeu convaincante face au Danemark, l’attaquant de Leipzig a marqué de nouveaux points lors du nul de l’équipe de France à Split (1-1), tout en ouvrant un début de débat sur sa place dans la machine bleue à quelques mois du Mondial.

Christopher Nkunku traîne une réputation de joueur à part, de type gâté par la nature, de mec qui aurait, à la naissance, vu un cadeau rare lui tomber dans les mains pour pouvoir briller, des années plus tard, avec un short et des crampons. Mais quel est ce cadeau ? Éclairage livré un jour par Juan Román Riquelme : « C’est la seule chose que l’on ne peut ni acheter, ni apprendre. On peut apprendre à taper dans un ballon ou à le contrôler, mais on ne peut pas apprendre à être au courant de tout ce qui se passe sur le terrain. » Le gamin de Lagny-sur-Marne, 24 ans sous le capot, ne cavale sur les gazons d’Europe justement que pour ça : savoir avant et mieux que les autres. « Quel que soit le poste, j’essaie de faire le geste juste pour faire avancer le jeu, décryptait-il ainsi dans un entretien accordé à L’Équipe, au début du dernier mois de février. Je n’essaie pas de faire le plus beau geste, mais de faire le geste le plus efficace, dans le bon tempo. Ça peut être, par exemple, une orientation du corps, un contrôle de l’extérieur du pied plutôt que de l’intérieur. Ma perception du jeu, c’est de faire le geste qui fait avancer l’action, qui crée un espace et qui, au bout, va nous faire marquer. On connaît le football moderne, qui s’appuie beaucoup sur les statistiques, mais on peut être aussi décisif par des appels, en provoquant des fautes, des expulsions… » À ce petit jeu-là, Didier Deschamps est un veinard : son nouvel international, qui s’est enfilé 35 pions et 20 passes décisives toutes compétitions confondues avec Leipzig cette saison, brille dans tous les secteurs. À l’heure où le sélectionneur voit son caméléon historique – Antoine Griezmann – tirer la langue, l’affaire de l’émergence de l’ancien joueur du PSG, titularisé pour la deuxième fois de sa vie chez les Bleus lundi soir, à Split, ouvre forcément un début de débat sur la place à lui accorder au sein de la machine bleue. S’il est évidemment trop tôt pour envoyer au fond de la classe le joueur de l’Atlético, roi des astuces au Mondial 2018 dans son costume de chef équilibriste de la troupe championne du monde, une curiosité existe lorsque l’esquisse d’un trio offensif Mbappé-Benzema-Nkunku vient à s’immiscer dans les esprits.

« Il se sacrifie pour l’équipe »

Tout d’abord car lors de la seconde période face au Danemark, où il a pris avec audace la suite de Kylian Mbappé, ou au cours des 90 minutes qu’il a eu à disputer en Croatie, Christopher Nkunku a offert à Didier Deschamps tout ce qu’il attend d’un membre de son trio offensif : sa capacité à évoluer dans plusieurs zones et à interpréter différents rôles, ses qualités de dynamiteur, sa science des appels – Nkunku excelle notamment par sa faculté à appuyer dans l’angle mort de ses victimes -, mais aussi sa justesse dans le petit jeu combiné. Vendredi dernier, celui qui a dû apprendre lorsqu’il était ado à détecter les zones libres sur un terrain pour pouvoir exprimer son physique de crevette (1,57m pour 53 kilos à sa première apparition chez les U17 du PSG) avait marqué une première fois les esprits en offrant la palette variée de ses mouvements à l’animation offensive des Bleus et notamment à Karim Benzema. Dans le sauna de Split, où l’équipe de France a été une nouvelle fois rattrapée en fin de match après 80 minutes plutôt cohérentes malgré un jeu intérieur perfectible, un nombre de cartouches nettes assez faible et un onze de départ passé au shaker, on l’a retrouvé dans ce registre, tout en n’oubliant pas de bosser sans ballon.

Placé à l’avant du 4-4-2 bleu aux côtés de Wissam Ben Yedder, Christopher Nkunku a eu une première mission clé sur le gazon du Poljud : limiter l’influence de Marcelo Brozović.

Ainsi, lorsque l’équipe de France sortait presser dès la première passe latérale déclenchée, Nkunku adaptait ses mouvements à ceux de Ben Yedder pour ne jamais libérer le cerveau croate derrière la première ligne de pression des Bleus.

On l’a également vu venir récupérer quelques ballons dans d’autres zones, comme ici dans les pieds de Modrić.

S’il a ouvert une fenêtre qui a laissé Brozović profiter d’un nouvel alignement bancal de la ligne défensive française (la difficile gestion de la profondeur a encore été un thème fort de cette rencontre) et lancer Budimir sans conséquence en profondeur en début de match, Christopher Nkunku a été globalement très sérieux, mais c’est évidemment avec le ballon que le numéro 12 des Bleus, passé près de la civière sur un tacle de Vida, a avant tout fait mal à une Croatie repliée en 4-5-1, ce qui a vite fait apparaître une zone à exploiter pour des Tricolores revenus à un 4-4-2 lundi soir. À savoir : les flancs de Marcelo Brozović, que l’équipe de France aurait encore davantage pu matraquer si Adrien Rabiot n’avait pas trop décroché sur certaines séquences et si la paire Guendouzi-Tchouaméni avait été plus spontanée dans ses transmissions sur d’autres.

Alors que Kovačić et Modrić se sont focalisés sur la gestion de Tchouaméni et Guendouzi, Brozović, lui, s’est souvent retrouvé à gérer Rabiot à sa droite et Nkunku, qui a progressivement décroché, à sa gauche.

C’est notamment dans cette zone que le joueur de Leipzig a été touché par Saliba à la fin du premier quart d’heure…

… et qu’il a pu, grâce à la qualité de son contrôle orienté, accélérer ensuite le jeu français.

C’est aussi là qu’il a été trouvé de nouveau en fin de première période après une première séquence à trois dans le camp français…

… touché par Guendouzi dans le dos de Brozović, Nkunku va ensuite pouvoir temporiser…

… jouer avec l’orientation du corps de Vida et attendre le bon moment pour exploiter l’appel de Diaby…

… parfaitement servi, l’ailier de Leverkusen va ensuite buter sur Livaković.

Exemple inverse d’une séquence où par son décrochage inadapté à la situation, Rabiot va amputer son gang d’une possibilité de triangle et placer Tchouaméni dans une situation risquée (le milieu monégasque perdra le ballon sur cette situation).

Signalé de peu hors-jeu sur un but inscrit à la demi-heure de jeu, Nkunku, trouvé au début du mouvement par Digne sur une touche, a quand même été décisif sur le but de Rabiot et a placé une balle de 0-2 dans l’assiette d’Antoine Griezmann en fin de match. Interrogé il y a peu, son entraîneur en Allemagne, Domenico Tedesco, brossait le portrait de son joueur : « Christopher est quelqu’un qui se sacrifie beaucoup pour l’équipe : il travaille défensivement, il sprinte, il est très bon dans le contre-pressing et il a, bien sûr, des qualités indéniables dans les 30 derniers mètres, où il peut finir du droit, du gauche, où il est rapide et possède une bonne première touche de balle. » Un offensif total, que Didier Deschamps risque d’exploiter au maximum sur la route du Qatar et sur les dunes que les Bleus visiteront à l’hiver. Avant d’être convoqué, Christopher Nkunku, qui vient de s’envoyer son 55e match toutes compétitions confondues de la saison et qui a toujours réussi à dribbler les pépins physiques (aucune chance là-dedans), avait prévenu : « Quand je serai appelé, je serai prêt. » Après des débuts mitigés en mars, il a tenu parole, et les deux derniers dîners du rassemblement devraient permettre de le voir un peu aux côtés de Benzema et Mbappé. C’est une curiosité, l’occasion de challenger un poil Griezmann, mais aussi une promesse dont la marge d’erreur semble minime : trois joueurs qui ne demandent qu’à échanger les zones et qui peuvent faire exploser n’importe quelle organisation sont faits pour se parler avec un ballon dans les pieds. Ainsi, d’autres cadeaux pourraient peut-être arriver.

Ah, les histoires de doigt et de Nkunku.

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