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  • Journée mondiale de la statistique

Souriez, vous êtes quantifiés

Par Julien Duez
Souriez, vous êtes quantifiés

Football et chiffres ont toujours fait route commune. Mais depuis le début des années 2010, et l’explosion du big data, les statistiques sont devenues omniprésentes et plus seulement utilisées par une poignée de professionnels. Faut-il s’inquiéter de cette prétendue déshumanisation du football ou, au contraire, y voir une preuve que le sport-roi reste le meilleur miroir de la société ?

Il est loin le temps où refaire le match consistait à s’accouder au zinc du café du coin, un picon-bière en main et des approximations plein la bouche. À une époque où chacun dispose d’outils technologiques de pointe au creux de sa main, les analyses du lendemain se font à grand renfort de chiffres, d’une précision toujours plus implacable. « Dans les années 1990, Canal + a été la première en France à réellement s’intéresser à la stat’. Ils la voyaient comme un moyen d’enrichir la communication avec leur public, et progressivement, la tendance s’est imposée à l’ensemble des médias sportifs » , explique Loïc Moreau, ancien journaliste – comme la plupart de ses collègues – et directeur du secteur éditorial de la branche française d’Opta, leader du marché, qui travaille tant avec des entreprises de presse qu’avec des clubs professionnels. « Avec le temps, la stat’ s’est imposée comme un élément supplémentaire pour décrypter un match de football, mais aussi comme un indicateur pour connaître la valeur d’un joueur. Ngolo Kanté, recruté par Leicester sur la base d’un rapport statistique, en est le meilleur exemple. »

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Loïc Ravenel est collaborateur du Centre international d’études du sport (CIES), dont l’Observatoire du football publie chaque semaine une newsletter statistique basée sur les clubs du Big 5. Selon lui, cette tendance est générationnelle : « Le public actuel a majoritairement grandi avec les jeux vidéo. Il est habitué à voir les performances notées, quantifiées. Cela a commencé avec la série FIFA, mais depuis le tournant des années 2010, l’explosion du big data fait que chacun peut calculer ses propres performances, en courant, en faisant du vélo ou même en mangeant. » Et de préciser que le big data, malgré son appellation un peu barbare, est présent partout dans notre quotidien : sur un site de covoiturage, un réseau social, ou une application de visionnage de séries. Nous consommons de la statistique parfois sans le savoir et il serait donc illogique que le football, miroir de la société par excellence, y échappe.

Cette boulimie de chiffres n’est donc plus réservée à un cercle d’initiés, elle touche désormais le grand public. Mais chez Opta, qui produit de la donnée, comme au CIES, où on l’analyse dans le but de faire émerger des problématiques, le son de cloche reste le même : contextualiser. « Je vois la stat’ comme un enrichissement, pas comme une déshumanisation du football, confie Loïc Moreau. C’est un outil comme un autre qui permet d’expliquer des performances, aider au recrutement de joueurs, de provoquer le débat. Elle n’est pas parole d’Évangile. » Loïc Ravenel approuve : « L’arsenal statistique est considérable et il est difficile de ne pas s’y perdre. Le travail des entraîneurs consiste à fouiller dedans, pour trouver ce qui est vraiment important pour leur équipe et ce qui ne l’est pas. Les statistiques sont là, mais pour quoi faire ? Pour quel type de stratégie en ai-je besoin ? »

Quantifier l’aléatoire et faire la différence

Contrairement aux sports US, dans lesquels la statistique fait pleinement partie du jeu au vu du nombre de phases arrêtées qui les composent, le football reste une discipline exceptionnellement imprévisible, du fait de son mouvement permanent. Les statistiques seraient donc ce petit plus dans le sport de plus haut niveau, où les performances physiques et les schémas tactiques sont souvent homogènes. « Concernant la motivation, c’est sûr que les statistiques ne servent pas à grand-chose. Mais si l’entraîneur sait qu’elles peuvent apporter 2 ou 3% de différences sur le terrain, il n’hésitera pas à s’en servir, car ce sont ces 2 ou 3% qui peuvent faire la différence. On a beau quantifier, finalement on ne fait que réinventer la roue. Le football est un sport très simple : pour gagner, il faut tirer et marquer des buts » , résume Loïc Ravenel.

Qui aurait pu prévoir le doublé de Lilian Thuram face à la Croatie ou, plus récemment, celui de Mamadou Sakho contre l’Ukraine ? « Personne, répond Loïc Moreau. Malgré les chiffres, rien n’est écrit à l’avance. On ne peut jamais prévoir un éclair de génie qui se traduit par une frappe à trente mètres à la 91e par exemple. Et c’est d’ailleurs ce qui fait toute la beauté du foot. » Dans le même esprit, le facteur humain, même s’il est moins visible, reste prédominant. Nul doute qu’un joueur qui peine à s’adapter au climat météorologique ou aux humeurs du vestiaire aura du mal à être à son meilleur niveau sur le terrain. Et contre cela, les statistiques ne peuvent rien.

L’humain d’abord

Au fond, la démarche de regarder un match de football résulte avant tout d’un intérêt personnel. « Et encore, la statistique n’est utile que dans le cadre du spectacle télévisuel, analyse Loïc Ravenel. Quand on va au stade, l’expérience est complètement différente. On se focalise sur l’instant présent, sans compter à tout-va. » Il serait d’ailleurs illusoire de croire que l’œil humain soit capable de tout quantifier. Loïc Moreau insiste : « La stat’ est là pour apporter un élément en plus, cela ne signifie pas qu’elle est amenée à remplacer tous les autres paramètres. » Et le directeur éditorial d’Opta France de confier que ce service relativement coûteux est encore réservé à une poignée de structures professionnelles accroissant ainsi le gap entre les plus riches et les plus pauvres. Mais les clubs à plus faible budget ont toujours d’autres alternatives : « Aujourd’hui, même des équipes comme Caen ou Metz possèdent des analystes vidéo qui leur permettent d’effectuer un travail similaire. Et tous les clubs ont une cellule de scouting, complémentaire des outils statistiques. Là où nous observons les performances balle au pied, les scouts gardent un œil sur l’aspect humain d’un joueur : comment il réagit s’il rate trois centres d’affilée ? Comment il court aux côtés de ses partenaires, s’il regarde ses crampons alors que son équipe est à la peine défensivement…? Autant de paramètres non quantifiables qui restent primordiaux. » Et permettent au football de garder un visage « à l’ancienne » .

Par Julien Duez



Tous propos recueillis par JD.

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