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Son nom, c’était Just Fontaine

Par Chérif Ghemmour
Son nom, c’était Just Fontaine

Il était le gentil tonton du foot français, l’Oncle Justo, le papy gâteau qu’on vénérait parce qu’il nous ressortait tous les quatre ans sa jolie médaille d’or de héros éternel de la Coupe du monde. Just Fontaine nous a quittés pour toujours aujourd’hui. Il avait 89 ans.  

« Celui dont tout le monde se souvient, c’est le but de l’égalisation contre le Brésil parce que le Brésil avait disputé quatre matchs sans en prendre un. Quand on projette un seul but, c’est celui-là… qui était d’ailleurs un très joli but. Mais en fait, les treize étaient beaux. » À la manière des grands goleadors argentins qui tiennent un compte serré de tous leurs buts et qui n’en oublient jamais les moindres détails, Just Fontaine commentait en 2003 avec humilité son exploit de 1958. Quand il arrive en Suède avec les Bleus afin d’y disputer la Coupe du monde en juin, « Justo » (son surnom qui lui vient de sa mère d‘origine espagnole) sort d’une saison exceptionnelle avec le Grand Stade de Reims avec 34 pions en 26 matchs. Oui, mais… À bientôt 25 ans, il n’est pas considéré comme titulaire en puissance. Il n’est même pas un habitué de l’équipe de France puisqu’après sa première sélection emballante en décembre 1953 contre le Luxembourg (8-0, un triplé), il n’est appelé que deux fois en 1956 et 1957 et participe seulement à deux matchs amicaux en 1958. En fait, en attaque, il est barré par Thadée Cisowski et René Bliard, son coéquipier à Reims. Mais le mektoub (« la destinée » en arabe, en laquelle Justo, né au Maroc, croyait beaucoup) va arranger ses affaires.

Mes chaussures ont rendu l’âme avant le premier match face au Paraguay. Stéphane Bruey m’a passé sa seconde paire. Du 41, j’ai fait toute la Coupe du monde avec. À l’époque, nous n’avions pas de paires de chaussures de rechange.

Just Fontaine sur le Mondial 1958

3+2+1+2+1+4

Le destin va faire de lui le titulaire au Mondial suédois aux côtés de Raymond Kopa et Roger Piantoni, son comparse du Stade de Reims, à la défaveur de Cisowski et Bliard, blessés. En mai 1958, avant d’embarquer pour la Scandinavie, l’ancien international Louis Finot lui a parlé du titre de meilleur buteur de la Coupe du monde. Oui, mais ! Faudrait déjà avoir les godasses : « Mes chaussures ont rendu l’âme avant le premier match face au Paraguay, rembobinait Justo. Stéphane Bruey m’a passé sa seconde paire. Du 41, j’ai fait toute la Coupe du monde avec. À l’époque, nous n’avions pas de paires de chaussures de rechange. Je les lui ai rendues à la fin du tournoi. » Et c’est parti ! Saint-Just va semer la terreur : un triplé contre le Paraguay (7-3), un doublé contre la Yougoslavie (2-3) et un but contre l’Écosse (2-1) signent les débuts de la révolution française. En quarts, il plante un doublé contre l’Irlande du Nord (4-0). En demies, face au Brésil, il égalise donc à 1-1, mais plie avec des Bleus diminués par la blessure de Jonquet, inapte sur le terrain, mais interdit alors de remplacement (2-5). Pour le match de la troisième place face à la RFA à Göteborg, il inscrit son dixième but du tournoi à la 15e minute. À la 30e, à 1-1, la France obtient un penalty que Fontaine laisse à Kopa qui le transforme : « Il était chargé de les tirer, rappelle Justo. Nous voulions gagner ce match et je ne pensais pas à mon record. » Les Bleus décrochent finalement le bronze en battant l’Allemagne 6-3, avec un quadruplé du canonnier rémois. On récapitule : 3+2+1+2+1+4 = 13 ! Le record de 11 buts inscrits en une Coupe du monde détenu par le Hongrois Sándor Kocsis au Mondial 1954 est pulvérisé. Il tient toujours et n’est pas près d’être battu.

Vas-y Fontaine !

Un peu écrasé par le prestige de ces 13 buts qui lui valaient les hommages sans fin de tous les médias internationaux, Justo avait dit un jour que son record tiendrait « au moins jusqu’en 2018 ». Mais le croyait-il vraiment ? Quand on observe à la loupe l’ensemble de ses 13 réalisations en Suède, l’évidence qu’il était alors bien le prototype de l’avant-centre moderne saute aux yeux malgré sa taille moyenne (1,74 mètre) : des buts de la tête, du pied gauche, du pied droit, des dribbles courts, des contrôles en pleine course et des shoots précis. Adroit face au but et inarrêtable en attaquant de contre lancé comme une balle, il inscrira le premier de ses trois buts contre le Portugal (5-3) en novembre 1959 : son 22e en Bleu, celui qui lui a permis de dépasser le record détenu par Jean Nicolas depuis 1938.

En équipe de France (1953-1960), il comptera 30 buts en 21 sélections. En clubs, Just Fontaine a inscrit 164 buts en 200 matchs de championnat de France, soit une moyenne de 0,82 but par rencontre, avec l’OGC Nice (1953-1956, une Coupe de France 1954 et un titre de champion 1956), et surtout avec le Stade de Reims (1956-1962, doublé coupe-championnat 1958, champion 1960 et 1962 et aussi une finale de C1 perdue 2-0 contre le Real Madrid en 1959). Il a assis sa réputation de canonnier en devenant également à deux reprises meilleur buteur de D1 en 1958 et 1960, et deux fois second en 1957 et 1959. Le beau gosse au physique de Gérard Philippe qui fait souvent la Une des magazines devient le héros de la France popu et optimiste de la fin des années 1950, malgré la Guerre d’Algérie. En 1959, il enregistre même avec le chanteur à la mode Gil Bernard un disque de quatre titres aux deux succès confidentiels, Si on t’avait dit et Vas-y Fontaine !

Mais, le 20 mars 1960, un revers de mektoub lui infligera une double fracture de la jambe gauche après un choc contre l’ailier ivoirien Sékou Touré. C’est le début de la fin : après deux saisons en pointillé, et malgré un titre de champion de France 1962, une nouvelle fracture de la jambe gauche en janvier 1961 le perturbe grandement. Il doit raccrocher en 1962, à seulement 28 ans. Sa première blessure survient symboliquement à l’orée de la décennie 1960 qui voit la disparition d’un certain football champagne et des scores fleuves. Privée de son illustre buteur, justement blessé, l’équipe de France échouera à remporter le premier Euro 1960 disputé à la maison et qu’elle pouvait conquérir. Pour le football français et les Bleus, c’est aussi le début des années noires, une chute que seule une participation Coupe du monde en 1966 viendra à peine enrayer.

Un héros gaullien

C’est de ce trou noir qui durera jusqu’à la qualification des Bleus au Mundial argentin de 1978 que naîtra le mythe très gaullien de la grandeur (relative) de la France, en football comme en géopolitique. L’exploit de Just Fontaine en Suède est d’ailleurs contemporain du retour du général de Gaulle au pouvoir en mai-juin 1958. Ce dernier avait organisé la France Libre lors de la Seconde Guerre mondiale en s’appuyant sur les troupes coloniales. Et le héros de la France de 1958, Justo Fontaine, était justement un fils des colonies, né à Marrakech, au Maroc (comme Marcel Cerdan et Larbi Benbarek). C’est à l’US Marocaine de Casablanca que Justo avait brillé avant de rejoindre Nice et la métropole en 1953. Puissance moyenne assumée, donc, la France avait néanmoins conservé un certain prestige international durable de par la stature charismatique du grand Charles. Il en va de même pour le football hexagonal, déprécié et moqué, mais jamais sans une marque de respect pour ce sacré record de 13 buts qui avait valeur de trophée international incontestable.

Tous les quatre ans, au moment de la Coupe du monde, Just Fontaine se plantait un peu là, sorte de Super Dupont au record incandescent d’un foot français qui avait pourtant décroché deux Euros (1984 et 2000) et deux Coupes du monde (1998 et 2018).

Just Fontaine était un peu cette flamme de la résistance au déclin prolongé du foot hexagonal sinistré. C’est d’ailleurs en « sauveur » du football français à la dérive qu’il fut appelé, comme De Gaulle autrefois, à devenir sélectionneur des Bleus en 1967. Après seulement deux défaites en matchs amicaux, il avait été rapidement remplacé. Tous les quatre ans, au moment de la Coupe du monde, Just Fontaine se plantait un peu là, sorte de Super Dupont au record incandescent d’un foot français qui avait pourtant décroché deux Euros (1984 et 2000) et deux Coupes du monde (1998 et 2018). Et c’est bien Justo qui avait ancré notre foot national dans le cycle béni des années en 8 ! On le répète : le foot français possède pour longtemps encore deux chiffres fétiches jusqu’ici inaliénables : le 13 de Just Fontaine en 1958 et le 9 comme les neuf pions de Michel Platini à l’Euro 1984. D’une intelligence parfaitement structurée, Justo a aussi été, en 1961, l’un des fondateurs de l’UNFP, syndicat des joueurs pros avec Eugène N’Jo Léa et l’avocat Jacques Bertrand. Le PSG n’oubliera jamais que c’est coach Fontaine (1973-1976) qui fit monter le club en L1 en 1974 au prix d’un malaise cardiaque, heureusement bénin, survenu lors du match de barrage d’accession contre Valenciennes (4-2). C’est aussi grâce à lui que le plus grand club français actuel peut rêver en grand. On en revient toujours à lui, même aujourd’hui. Just Fontaine n’est plus, mais sa légende restera éternelle.

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