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Slovaquie-Allemagne, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale

Par Ali Farhat et Nicolas Kohluber
Slovaquie-Allemagne, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale

Le premier match de l’histoire de la Slovaquie a eu lieu le 27 août 1939. Une victoire 2-0 de l’État satellite du IIIe Reich sur l’Allemagne nazie. Retour sur une rencontre qui s’est déroulée quelques jours avant le début du conflit le plus meurtrier de l’histoire.

1938. L’Allemagne nazie avance vers l’est. L’Autriche est annexée en mars, la Tchécoslovaquie est démantelée juste derrière. La Bohème-Moravie devient un protectorat du IIIe Reich, tandis qu’une République slovaque voit le jour. Un État satellite du Reich. Indépendante pour la première fois de son histoire, la Slovaquie se dote d’une Fédération avant même la fin de l’année. Le processus est lancé, un championnat et une équipe nationale sont mis en place. Le niveau n’est pas folichon : avant l’éparpillement façon puzzle de la Tchécoslovaquie, seule une équipe faisait partie de l’élite : le CsSK Bratislava (aujourd’hui Slovan Bratislava).

Un futur joueur de la Juve comme premier buteur

Si le 20 août 1939 est une date fondatrice du football slovaque avec la première journée de son championnat, le véritable événement a lieu une semaine plus tard, à Bratislava (que les Allemands appellent Pressburg). Ce 27 août, la Repre accueille l’Allemagne nazie pour le premier match de son histoire. « Le premier et le dernier match entre ces deux équipes étaient importants : il y avait toute une symbolique politique, c’était une manière pour le Reich de montrer sa proximité avec le régime slovaque » , analyse Hardy Grüne, historien du football. 17 000 personnes et l’ensemble du gouvernement se rendent à ce match historique.

Des trains spéciaux sont affrétés, l’effervescence était à la hauteur de l’événement. « Il allait de soi que les Slovaques jouent leur premier match international contre leurs libérateurs » , annonçait le journal Kicker avant la rencontre. Certains livres slovaques d’histoire parlent de « libération nationale » . Un sentiment certainement renforcé par l’issue du match. Les locaux l’emportent 2-0. Des débuts en fanfare. Jan Arpas, un attaquant de 22 ans qui portera le maillot de la Juventus après la guerre, ouvre le score au quart d’heure de jeu. En fin de match, Jozef Luknar double la mise. Manquant de vitesse et de combativité, les Allemands sont complètement dépassés.

« Ce n’était pas une équipe, mais un assemblage de onze joueurs »

Mais comment l’ogre allemand a-t-il pu tomber sur le terrain du novice slovaque ? Chance du débutant ? Arrangement politique ? La réponse est peut-être encore plus simple. La sélection allemande n’avait d’allemande que le nom. « En fait, le jour du match, il y avait deux rencontres de prévues, comme cela pouvait arriver à l’époque » , rembobine Udo Muras, historien à la DFB. « En conséquence, il y avait deux équipes : l’une est partie de Berlin à Stockholm, tandis que l’autre, regroupée à Vienne, a pris un bateau à vapeur le long du Danube pour se rendre à Bratislava » . L’équipe « A » , celle de l’ « Altreich » (littéralement « vieil empire » , soit le Reich jusqu’en 1938), était dirigée par Sepp Herberger. Une partie des joueurs s’était envolée pour Stockholm, mais finalement, la rencontre avait été annulée pour cause de « guerre imminente » . L’équipe B, elle, était celle de l’ « Ostmark » (la marche de l’Est, ici l’Autriche).

Composée essentiellement de joueurs viennois – seuls trois joueurs allemands étaient présents, des joueurs de deuxième division – la « B » n’était pas vraiment vue d’un bon œil par la « A » . « Sepp Herberger s’était vu obligé par le département football de la Fédération national-socialiste pour l’éducation physique (la DFB avait disparu) de faire jouer cinq et six joueurs de chaque camp » , raconte Muras. « Le problème » , ajoute Grüne, « c’est que ces deux équipes avaient des mentalités complètement différentes : le jeu allemand était complètement basé sur le physique, tandis que le jeu autrichien, lui, était fait de combinaisons. » Ce qui explique pourquoi Josef Glaser, sur le banc de l’équipe « B » à Bratislava, n’a pas su quoi faire avec ses joueurs. « Ce n’était pas une équipe, mais un assemblage de onze joueurs, au niveau très différent » , analysera d’ailleurs Kicker après la rencontre.

Praline et naïveté

Des joueurs autrichiens qui ne parviendront jamais à se fondre complètement dans le moule du Reich. Il faut dire que les Allemands ne les ont jamais vraiment considérés. « Nous avions l’impression d’être les représentants d’un pays en développement, en matière de football » , déclarera le Viennois Wilhelm Hahnemann des années après la Seconde Guerre mondiale. Une anecdote qui montre bien les tensions entre les deux clans : un jour, au gymnase, Fritz Szepan entend les Autrichiens discuter sur le banc. Pour eux, il n’y a pas plus grand artiste avec le ballon que « Peppi » Stroh. Le capitaine de l’Allemagne s’énerve et shoote juste au-dessus de leur tête.

Derrière, son compère Ernst Kuzorra taquine le cuir de manière artistique avant d’envoyer lui aussi une praline en direction des Autrichiens. Ce sont d’ailleurs les gars de l’ « Ostmark » qui seront tenus pour responsables de la sortie prématurée de l’Allemagne à la Coupe du monde 1938. Une élimination en huitièmes de finale le 4 juin 1938 qui fera dire à Sepp Herberger un bon mot dont il avait le secret : « Ils pensaient que de deux choses, on en ferait une meilleure… quelle sacrée naïveté ! »

Une victoire trop importante

Quelques jours après la fameuse rencontre du 27 août 1939, les nazis envahissent la Pologne et lancent ce qui deviendra le conflit le plus meurtrier de l’histoire. Quelques mois plus tard, le 3 décembre 1939, l’Allemagne prendra sa revanche sur la Slovaquie. Avec une vraie équipe, et Sepp Herberger aux manettes, elle s’impose 3-1 après avoir été menée au score. En tout et pour tout, les deux équipes s’affronteront à cinq reprises, dont une dernière fois en 1942. Quelques mois auparavant, l’équipe du Reich s’était inclinée 3-2 à Berlin, face à la Suède.

Devant la réaction irritée du public, Joseph Goebbels mettra progressivement fin aux rencontres internationales. « 100 000 personnes sont sorties déprimées du stade. Une victoire à ce match leur est plus importante que la conquête de n’importe quelle ville à l’est. » L’Allemagne bat la Slovaquie une dernière fois 5-2 à Bratislava, le 22 novembre. Le dernier match des nazis.

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Par Ali Farhat et Nicolas Kohluber

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