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« Si tu insultes Drogba, tu te fais déchoir de ta nationalité… »

Propos recueillis par Arnaud Clément
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Multicarte du rap et plus largement de la musique, H Magnum est à la fois grand frère de la Sexion d'Assault, parolier de Kendji Girac et désormais l'auteur d'un album solo intitulé Gotham City, du nom de sa terre natale d'Abidjan. L'occasion de parler foot africain, Didier Drogba, Copa Barry et du PSG avec ce Parisien d'adoption.

H Magnum, ton album s’appelle Gotham City, référence à ton quartier d’enfance d’Abidjan. Décris-nous l’ambiance sur place. C’est un quartier chaleureux, où il y a tout le temps de la musique, des enfants qui courent, avec une grande place au milieu. C’est un quartier pauvre. La pauvreté, on la voit avec les yeux, mais ça reste un quartier vivant. J’avais fait un clip là-bas, celui de Prohibé. J’y ai vécu jusqu’à l’âge de mes 9 ans et mon arrivée en France, avant que je n’y retourne quelques années plus tard. Et depuis, j’y vais dès que je peux. La musique est partout en tout cas. Partout, partout… Tu ne peux pas passer dedans sans entendre du son, c’est impossible. Chez les gens, dans la rue… C’est en toile de fond dans tout le quartier.


Comme le foot ?Ah oui, il y a toujours des tournois sur la place, avec les petits poteaux qui nous servaient de buts. D’où le nom du terrain des petits poteaux. Comme c’est un quartier où on s’en sort par ses propres moyens, qu’il y a beaucoup d’échecs autour, le foot est une porte ouverte sur le monde, un moyen de s’en sortir.

Justement, en sport comme en musique, est-ce le plaisir qui prime pour les jeunes, ou l’idée que ça reste un moyen d’élévation dans la société ?C’est un moyen d’élévation, oui. À la base, il y a le plaisir et l’innocence. Mais cette innocence s’en va dès lors que tu te rends compte que ça peut devenir un travail et un moyen de sortir de là où tu viens. C’était mon cas pour la musique, mais je ne suis pas le seul. Et quand tu te rends compte que tu peux en vivre, rencontrer des gens, bouger, le professionnalisme prend le dessus…

Gotham City, c’est pas très loin d’un coin qui a vu grandir Arouna Koné ou Gervinho, entre autres. En grandissant, as-tu vu naître des graines de champion ou au moins des gamins prêts à tout pour réussir et s’en sortir ?Ah oui, il y en a des pépites, et pour te dire, j’y suis allé il n’y a pas si longtemps que ça, et lors des tournois, tu as des agents de joueurs autour du terrain, vraiment ! Que des mecs qui te disent : « J’ai un joueur qui va te plaire… » Tout le monde veut faire du placement, parce qu’il y a eu Arouna Koné, Gervinho, qui sont de Yopougon (quartier d’Abidjan, ndlr). Et même Drogba, ses parents vivent là-bas. Donc comme il y a des modèles qui y sont arrivés avant, les gens sont à fond de chez à fond pour les tournois, c’est abusé même. Et il y a tout le temps de la musique pour un tournoi, les gens ne regardent pas de match sans. Le jour où ça nettoie le terrain et que le DJ débarque, s’installe, met du son, tu sais qu’il va y avoir du sport !

Les Ivoiriens sont comme les Algériens : qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, ils font du boucan.

Et toi, tu jouais avec le ballon ou avec les platines plus jeune ?Au foot ! J’étais gaucher, je jouais 11, enfin plutôt ailier gauche, et avec mes gros mollets, je courais vite (rires). Mais j’étais un bon ailier gauche, vraiment ! Après, j’ai arrêté, la musique a pris de plus en plus de place, mais je jouais avec mon pote Abdoulaye Meïté quand j’étais jeune. C’est un ami.

Tu parlais de Didier Drogba tout à l’heure… C’est vraiment l’intouchable au pays ?Ah ouais, tu l’insultes, on t’enlève tes papiers et tu te fais déchoir de ta nationalité. Même si tu es ivoirien, tu prends cher. Il est vraiment intouchable, c’est le Zizou de Côte d’Ivoire. Après, il y a Yaya Touré aussi. Après, c’est fini, il y a eux et les autres. Maintenant qu’il a raccroché, Didier est entré au panthéon et Yaya est maintenant le boss. Il y en a d’autres qui arrivent, mais Yaya Touré nous a ramené la CAN, alors c’est bon, il est tranquille désormais…

En Côte d’Ivoire, est-ce que la réussite, les signes extérieurs de richesse peuvent susciter la jalousie comme on peut le voir en France, que ce soit pour des sportifs ou des musiciens ?Non, ce n’est pas pareil qu’ici. Au pays, quand je reviens, je suis quelqu’un de simple, mais pour quelqu’un comme un footballeur, tu es décortiqué, analysé. Quand tu te poses quelque part, il y a déjà par exemple trois personnes qui ont mis une option sur ta veste. Quand tu as un petit moment comme ça, en tête à tête, on te demande gentiment ta chemise… En France, c’est plus compliqué. C’est un pays de lettres, des Lumières. Tout est intellectualisé, même la richesse. Il y a d’ailleurs l’expression « nouveau riche » . En France, on montre plus qu’on vient d’une certaine classe sociale par les endroits qu’on fréquente, par ce qu’on lit ou écoute… En Afrique, on se venge sur la vie à notre façon (rires). Donc on se filme au Louis Vuitton des Champs par exemple. Même si c’est pas mon délire, je préfère rester tapi dans l’ombre. Pour vivre heureux, vivons cachés comme on dit… Je suis plus un Français à ce niveau-là. J’aime trop me poser en terrasse avec un café et ma clope, je croise les jambes (rires). Je suis très parisien !

Tu l’as vécue comment, la dernière CAN ?Je l’ai suivie depuis un bar ivoirien de Paris. C’était chaud… Après, je suis spécial pour un Ivoirien, j’ai le sang froid, je reste calme. Les Ivoiriens sont comme les Algériens : qu’ils gagnent ou ils perdent, ils font du boucan. Ils ont vraiment le sang chaud. J’ai quand même exulté pour la finale, je ne te le cache pas. C’était beau, ce final. Copa Barry, quoi… C’était l’homme le plus négligé (rires). Il me fait penser à moi et mon album en quelque sorte. Tu n’es pas attendu par le grand public, que par tes fans. Et tu dois créer la surprise. C’est ce qui s’est passé pour lui en tout cas, j’espère en faire de même ! Au bled, on ne disait pas qu’il est nul, mais qu’il ne vaut rien ! Alors que maintenant, il est devenu intouchable, tout le monde compte sur lui, alors qu’avant, tout le monde disait qu’il était nul. Quand il a tiré son penalty, il n’était pas sur terre. Il a fermé les yeux, tu vois… (rires)

Tu arrives à Paris à 9 ans, avant que tes parents ne te renvoient au pays quelques années plus tard pour te punir. Tu étais un incompris, éjecté de la sélection façon Nicolas Anelka ?Oui, j’ai toujours été un Nico Anelka ! En fait, je partais toujours borderline. Je ne rentrais pas aux heures des jeunes de mon âge, je faisais des folies, je me faisais engrainer… Je dribblais mes parents, quoi. Donc on m’a renvoyé au bled. Et au quartier, comme je revenais de France, tout le monde pensait que je rappais. Et comme je ne voulais pas me défiler, j’ai dit oui et c’est comme ça que c’est parti pour moi, presque… En revenant en France, on lance Aconit avec des collègues en 1998. Avec que des subventions, on avait réussi à sortir un album, très rap parisien. J’étais le seul « renoi » dans ce groupe. Et ensuite, avec un autre collectif, qui s’appelle Injection Lyricale, je me dirige vers quelque chose de plus musical, aux sonorités africaines. Mais il n’y avait d’ailleurs ni rebeu ni blanc dans ce collectif.

Alors quel type de joueur tu serais artistiquement aujourd’hui…Bonne question ça… (Il réfléchit) Je serais un Iniesta, un distributeur. Et j’en ai fait, des bonnes passes.

Depuis que tu t’es lancé dans la musique, tu as fait partie de groupes, tu as fait des collaborations en pagaille, de la Sexion d’Assault à Kery James en passant par Indila, tu écris pour Kendji Girac, sur ton album, un titre s’appelle En équipe… Pourquoi ce besoin de la jouer souvent collectif ? Je suis un fils unique, donc mes potes sont mes frères. Je squattais chez eux plus jeune, j’aimais cette ambiance. Mais j’ai mes côtés solitaires, quand j’écris pour moi. C’est le cas avec Gotham City, j’ai fait mes jongles dans mon coin.

Tu as mis du temps à percer ou à sortir ton premier album solo, alors que tu as multiplié les collaborations depuis 1998, que les témoignages de sympathie d’autres rappeurs, comme La Fouine ou Mokobé, ne manquent pas. Serais-tu une sorte de Ribéry ou de Valbuena du hip-hop, qui a dû s’employer pour arriver à haut niveau ?C’est vrai, oui ! Ça n’a pas été facile de percer. D’ailleurs, pour la promo à Planète rap, le présentateur a sorti « la carrière chaotique de H Magnum » , donc tu vois… Je dirais pas que c’est chaotique personnellement. J’ai juste pensé aux autres. Et dans la musique, il faut se mettre très en avant, Sauf que je suis très en retrait. Il faut faire le buzz, lâcher des petites phrases, être sur les réseaux sociaux… Je n’y arrive pas franchement. Ce n’est pas moi. J’essaye, on me stimule. Et ça rentre. Mais mon trip, c’est d’être ensemble entre potes. Même si la maxime veut qu’il faut penser à soi, aller marquer son but, je préfère arriver au but et donner le ballon à Messi personnellement.

Je vais pas narguer un Marseillais avec son club qui a 30 euros en banque. Les pauvres, ils n’arrivent même pas à recruter cet hiver !

Toi qu’on présente comme le grand frère de la Sexion d’Assaut, dis-nous qui de la bande est calé en foot et pratique pas mal…Lefa est très bon joueur, un milieu de terrain qui sait dribbler, qui percute bien. Barack Adama, c’est le défenseur qui tient la baraque. Black M, ça va, il joue quoi. Maître Gims n’aime pas trop jouer en revanche. Lui, son truc, ce sont les mangas. Et de mon côté, je me démerde bien en attaque, je mets mes buts. On joue ensemble, on fait des Five avec d’autres potes.

Vous confirmez à votre manière la proximité foot-hip hop qui perdure depuis des décennies…On vient du même milieu, on partage des traits dans l’identité qui font qu’ils viennent nous voir, qu’on aime les voir… Personnellement, je ne sais pas s’ils viennent me voir, faut qu’il me trouve dans Paname (rires). Mais via la Sexion, j’en ai rencontré quelques-uns, comme Hatem Ben Arfa.

Et le foot, est-ce un moyen d’inspiration pour placer quelques punchlines ? Avant Gotham City, j’en emploie pas mal. Sur celui-là, c’est un autre tableau, de la dramaturgie à la Beethoven (rires). Mais dans les freestyles, volontiers oui. Tu fais des parallèles entre les terrains de foot et de la bicrave par exemple. « Tu la places en pleine lucarne » , « Tu as deux pieds gauches » , « passement de jambe à la… » , « Tant que je serai là, tu seras jamais en avant. Comme Iniesta » . Ce sont des trucs qui parlent à tous, on s’identifie facilement à cela.

Bon, et le Parisien d’adoption, est-il à bloc derrière le PSG ?Ah oui, mais je le dis, je suis un PSG faux cul, celui des Qataris. Dès qu’ils sont arrivés avec leur blé, j’étais à bloc. À l’époque où c’était pas ça, je te le dis, je kiffais le PSG, mais j’aimais bien Nantes aussi… Après, je kiffe à l’heure actuelle, mais le championnat est tellement déséquilibré… Imagine, tu ramènes Cristiano en L1. Qu’est-ce qu’il va faire ? Des gros dégâts, ouais. Ça me désole un peu, ce déséquilibre. Il n’y a plus de classique qui tienne, plus de concurrence. Du coup, il n’y a que la Ligue des champions qui me fait vraiment vibrer. Si je prends PSG-Real, celui où on perd, j’étais fou. On aurait pu gagner, on a l’équipe faite pour battre ce genre de cadors. J’étais dégoûté. La Ligue 1, je la regarde, mais il n’y a plus de tension. T’es là, genre : « Putain, ils n’ont gagné que 1-0… » Un vrai supporter qatari, je te le dis… Je vais pas narguer un Marseillais avec son club qui a 30 euros en banque. Les pauvres, ils n’arrivent même pas à recruter cet hiver ! Comme quoi, le fric change tout encore une fois. On n’est pas dans les mêmes sphères dans la musique, mais le foot, c’est le sucre et les mouches. Quel énorme business ! Je ne sais pas s’il faut virer les Qataris pour rééquilibrer, mais il faudra rééquilibrer tout ça tôt ou tard.

==> Au Printemps de Bourges, le 17 avril, et à La Maroqinerie à Paris, le 23 avril

Propos recueillis par Arnaud Clément

L'album d'H Magnum est disponible dans les bacs depuis le 22 janvier

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