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Rudi Garcia et le complexe de la Juve
Trois défaites et un nul. Si la Roma plafonne depuis deux saisons, la raison n'est pas compliquée à trouver : la Juventus. Rudi Garcia n'a toujours pas réussi à cracker le code et ça commence à bien l'emmerder.
Il avance jusqu’au micro, impassible, droit dans ses bottes. Pour sa première conférence de presse de l’année, c’est marqué sur son visage, Rudi Garcia est conscient qu’il doit encore franchir un palier. Dans ce monde, l’appétit des tifosi augmente d’année en année, et c’est logique, car à force d’être bien nourris, les estomacs s’habituent aux bonnes choses. Ils réclament de l’innovation, du changement, de l’évolution. Et ça, ça passe déjà par un recrutement à la hauteur des ambitions de la Roma – Szczęsny, Digne, Paredes, Iago Falqué, Salah, Džeko – mais pas que… Il faut également insuffler ce petit truc en plus qui fera la différence. Et malgré ses erreurs du passé, le sergent Garcia emploie encore le surplus d’ambition. Quand on lui demande ce qu’il pense des 102 points de la Juve d’il y a deux ans, il répond du tac au tac : « Nous allons battre ce record, parce que les records sont faits pour être battus. » C’est maintenant clair : pour le Français, sa méthode a toujours été la bonne. Il ne lui manquait simplement que les bonnes armes pour venir à bout de la Juve. Et à en écouter son discours, il semble enfin prêt à vaincre ce démon.
La mécanique du complexe
Complexe, définition psychanalytique : Association de sentiments et de souvenirs qui conditionne le comportement d’une personne. Octobre 2013, Rudi est le nouvel entraîneur de la Magica depuis quelques mois. Malgré un départ canon, il reste modeste et préfère ne pas bousculer la hiérarchie trop vite : « Ici, tout le monde s’enflamme vite. Les favoris pour le titre restent la Juve et Naples. » Janvier 2014, la série de seize matchs sans défaite s’arrête net. Le Français est amer. Limite revanchard. Son équipe vient de se prendre une leçon 3-0 par la Vieille Dame d’Antonio Conte : « Rien n’est perdu ce soir. Il reste encore soixante points à distribuer. Il y aura encore d’autres matchs, et notamment un Roma-Juve. »
Un Roma-Juve qui se termine sur le score de 1-0 pour les Turinois. But d’Osvaldo, transféré en janvier à la Juve, six mois après avoir quitté… la Roma. Mai 2014, les félicitations du sergent Garcia pour le Scudetto sont froides. Il prépare sa revanche : « Bravo à la Juve, le championnat est terminé. » Durant l’été, son mercato ciblé laisse penser qu’il peut enfin aller chercher la Juve. Iturbe, Manolas, Keita, Cole, Holebas. Mais au contraire, il ne fera que renforcer sa frustration. Octobre 2014, après la défaite controversée 3-2 au Juventus Stadium, le Français craque. Mauvais perdant ou simplement parieur fou, il fait une promesse aux tifosi romains : « La rencontre contre la Juventus m’a fait comprendre que cette année, nous gagnerons le Scudetto. » Mai 2015, la Roma est larguée au classement. La seule préoccupation de Rudi à ce moment-là est de protéger sa deuxième place de la Lazio : « La Juve est intouchable. » Le complexe est né.
La théorie de Freud
Alors certes, la Roma a déjà réussi à forcer la serrure bianconera une fois. C’était en Coupe d’Italie, en janvier 2014. C’était laborieux. C’était long. Pas vraiment mémorable. Mais c’est, pour le moment, le seul souvenir positif auquel la Louve version Garcia peut se rattacher. Car cette saison, elle ne veut pas seulement battre la Juve lors des confrontations directes. Non, elle veut également lui mettre un trou au classement. Le sergent Garcia ne veut donc plus rien laisser au hasard : « On doit être agressif dès le coup d’envoi. C’est bizarre que ça tombe dès la deuxième semaine, mais on va devoir jouer pour gagner, surtout qu’on est à domicile. »
Déjà oublié le faux départ de la semaine dernière (1-1 face au Hellas Vérone), la Juve a fait pire de son côté (défaite 1-0 face à l’Udinese), le Français veut maintenant des guerriers prêts à mourir dans l’arène pour ne rien regretter après ce choc au sommet prématuré. Quitte à laisser de côté les autres équipes de Serie A. Car comme le disait Freud, il ne faut pas essayer d’éradiquer ses complexes, il faut essayer de les adopter. En gros, pour continuer à avancer, Rudi Garcia se doit de digérer la Juve, la victoire étant logiquement plus facile à avaler que la défaite. Et ce n’est pas plus mal que ça tombe si tôt dans la saison. Au moins, il devrait être fixé.
Par Ugo Bocchi