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Ribéry a-t-il aussi travaillé ses fondamentaux de la langue française ?

Par Benjamin Jeanjean
Ribéry a-t-il aussi travaillé ses fondamentaux de la langue française ?

Samedi, Franck Ribéry disputera sa deuxième finale de Ligue des champions d'affilée. Samedi, Franck Ribéry sera sur la pelouse de Wembley, probablement sur un côté à essayer de casser les reins de Lukasz Piszczek ou Marcel Schmelzer. Depuis son éclosion au plus haut niveau en 2006, le Boulonnais avait aussi pris l'habitude de massacrer autre chose : la langue française. Souvent moqué par la France entière à chaque intervention filmée, Kaizer Franck n'a jamais été un pro de la langue de Molière. Mais en français comme sur le terrain, « Frankie » a progressé en 2013. Décryptage.

L’histoire était partie pour être belle. En 2006, la France du foot découvre Franck Ribéry et se passionne pour la trajectoire éclair de ce Ch’ti du Pas-de-Calais, passé en quelques années du National à une finale de Coupe du monde à côté du grand Zizou. Une belle bouffée d’oxygène, alors que les heures de la génération 1998 touche à leurs fins. Pas de bol, la cote de popularité du gaillard à la cicatrice ne cesse de plonger dans les années qui suivent : conflit avec son agent, affaire Zahia, affaire Knysna, affaire Gourcuff, image de « caïd » … Comble du malheur, la France découvre dans le même temps que Ribéry n’a pas fait la filière L au lycée. Peu à l’aise avec les subjonctifs et les subordonnées, l’international se forge bien malgré lui une image peu flatteuse. « Encore un de ces footeux qui ne sait pas aligner trois mots de français. » Retour en cinq temps sur la carrière grammaticale d’un éternel incompris.

2006 : jeune, insouciant mais appliqué

Les grands débuts. En juillet 2006, Ribéry a déjà connu l’ambiance survoltée du Vélodrome et du Ali-Sami Yen. Mais cette fois, c’est le haut niveau, le vrai. Embarqué dans une Coupe du monde aux allures de jubilé pour l’icône Zidane, Frank est la révélation du tournoi. De la fraîcheur, du dynamisme, un but décisif en huitième et une place de titulaire : Ribéry joue maintenant dans la cour des grands. Un statut qui lui vaut d’aller affronter les journalistes à la veille de la demi-finale face au Portugal. Et si certains l’avaient oublié, on est obligés d’admettre que la star du Bayern n’a pas toujours été la bête noire des ultras du FC Grevisse. Oh bien sûr, ce n’est pas du Racine et on retrouve évidemment les bonnes vieilles réponses toutes faites des footballeurs des temps modernes. Mais en neuf minutes de speech, et bah on a du mal à trouver de quoi se moquer de lui, Franck. Victime d’un mauvais procès ? « Mon impression générale est que Ribéry ne fait pas plus de fautes de français que Zidane par exemple ou même Deschamps, mais c’est l’ensemble du personnage – physique non glamour, accent sans aucune marque de « distinction », comportement sexuel pareillement vulgaire – qui fait l’objet du mépris ou de la moquerie des journalistes » , explique Henri-José Deulofeu, professeur émérite de linguistique française à l’université d’Aix-Marseille.

2008 : la disparition du verbe

Vidéo

En mars 2008, Franck Ribéry n’est plus le petit nouveau. C’est même devenu l’un des patrons des Bleus. Ce jour-là, il sauve l’équipe de France en marquant l’unique but d’un match contre l’Angleterre. Interrogé en zone mixte sur le décès de Thierry Gilardi, mort la veille, le buteur du soir s’en sort plutôt bien. Mais à la première relance du journaliste, patatra tout s’écroule : « C’est une personne que j’suis allé àTéléfoot. C’est quand j’ai gagné mon trophée de meilleur joueur français, il était présent. » Si on déplore la disparition malheureuse du verbe « voir » , on veut bien lui donner l’excuse de l’émotion. Après tout, il avait l’air de l’aimer sincèrement, Titi. Et puis franchement, qui n’a pas déjà buté sur une subordonnée mal placée ? « En écoutant cet extrait, on voit qu’il n’y a rien qui soit particulièrement marquant. C’est même moins typé – à part la relative que tout le monde ne fait pas ou plus rarement que lui – que les autres interviews. Si vous enregistrez une discussion spontanée de vos collègues autour d’un café, c’est ce que vous entendrez » , affirme Mustapha Krazem, maître de conférences en linguistique française à l’université de Bourgogne.

2010 : problème de « que »

Aah, les réactions à chaud sur la pelouse… Pas l’idéal pour s’exprimer correctement, surtout quand le cœur bat encore à 120 pulsations/minute et qu’un salaud de journaliste, « pas là pour parler des problèmes extra-sportifs » , mais un peu quand même, vous relance sur Zahia en direct à la télé. À l’issue d’un banal Bayern-Bochum, Ribéry s’oublie légèrement. « Ça blesse surtout ma famille, ouais, mes proches. J’ai qu’ça qu’à dire » balance-t-il avant de se barrer. En plein tsunami médiatique, le Munichois oublie les règles élémentaires de grammaire et s’enfonce un peu plus dans le cambouis. Pas franchement mérité, selon Henri-José Deulofeu : « Il y a une sorte de haine de « classe » de la part de petits bourgeois qui doivent trouver scandaleux au fond d’eux-mêmes que quelqu’un qui cherche si peu à masquer son « ethos » populaire ou prolétarien soit un excellent joueur de football. Il faudrait rapprocher ça des caricatures du style de Georges Marchais, qui faisait en fait très peu de fautes de français, mais qui a été discrédité pour cela, alors que la critique s’attaquait en fait à sa manière de casser les codes de la communication politique policée » . Et pan.

2012 : léger accroc au Touquet

En mai 2012, Frankie est en pleine opération rédemption auprès du public français. Un France-Islande programmé à Valenciennes lui redonne l’occasion d’affronter les journalistes puisque les Bleus se préparent au Touquet, dans son Pas-de-Calais natal. Le Touquet, « une ville que j’aime bien venir » . La phrase est lâchée, le Petit Journal en fait ses choux gras le soir-même et ne se prive pas d’appuyer là où ça fait mal. « D’une manière générale, la tendance est à privilégier les juxtapositions de construction (parataxe), et les passages les plus délicats sont souvent ceux où il faut marquer une articulation (notamment dans les subordonnées), commente Bernard Fradin, linguiste à l’université Paris-Diderot. L’emploi erroné de « que » comme subordonnant relatif général est très courant dans la langue parlée, même entre personnes dites instruites. De ce point de vue, Ribéry ne détonne pas vraiment » , affirme-t-il.

2013 : souriant, à l’aise, confiant

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La métamorphose. Portée par une saison 2012-2013 de malade mental, Franck est serein quand il reçoit Christian Jeanpierre et les caméras de Téléfoot à Munich le mois dernier. L’accent populaire est toujours là, les formules toutes faites aussi, mais les progrès sont indéniables. Débit maîtrisé, tempo calme et posé, tournures correctes : finies les moqueries. « Les dernières interviews de Ribéry montrent soit que ses conseillers en communication ont – presque – réussi à le faire rentrer dans le moule de la langue de bois bon chic bon genre de l’interview de sportif, analyse Henri-José Deulofeu,soit qu’il ait de lui-même évolué, l’ascension sociale aidant. Ou le contexte allemand qui présente des modèles lisses de bourgeois intégrés pour les footballeurs de haut niveau : Beckenbauer, Rummenigge… »

Pas plus bête qu’un autre

En clair, Ribéry ne sera jamais un intello. Mais n’en déplaise à certains, il faut comprendre de cette analyse linguistique que le Kaizer n’est pas plus bête qu’un autre. Juste plus médiatisé. « Franck Ribéry parle aussi « mal » que les autres footballeurs – du moins ceux de sa génération : les interviews de Platini, Giresse, Rocheteau ou Bossis ne heurtaient pas Vaugelas – et je me demande bien pourquoi il est le seul à focaliser l’attention des puristes linguistiques assis devant leur clavier d’ordinateur » , s’insurge Mustapha Krazem. Et de poursuivre : « Du point de vue de la langue, il n’y a pas de grande évolution, il fait autant de fautes de normes en 2006 qu’en 2013, peut-être à peine moins en 2013 parce qu’il est plus détendu et donc se sent moins surveillé. En étant moins surveillé, il ne fait que les « fautes » qu’il a coutume de faire avec ses amis et ses proches. L’expression « il ne faut pas se brûler la face » est, au contraire, l’indicateur évident d’une envie de bien faire. Normal quand on sait qu’on sera traqué sur la moindre faute de liaison. » Des progrès linguistiques qui vont de pair avec le calme médiatique et la réussite sportive : et si en 2013, Franck Ribéry tout juste auréolé d’une victoire en Ligue des champions puis d’un Ballon d’or signait la pétition pour le retour des dictées de Bernard Pivot ?

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