Raymond Domenech, de Guy Môquet à René Char…
« Ma petite maman chérie, mon tout petit frère adoré, mon petit papa aimé, je vais mourir ! » C’est par ces mots que s’ouvre une lettre, l’ultime lettre, de Guy Môquet à sa famille et plus particulièrement à celle qui fut pour lui le repère de sa courte vie : sa mère, avec la France en filigrane.
Engagé dans les Jeunesses Communistes à la suite de l’arrestation de son syndicaliste cheminot de père, Prosper, déporté youp-la-boum en Algérie, Guy Môquet ne pouvait imaginer que, quelques heures avant son exécution, à 17 ans, ces quelques mots écrits dans sa cellule pourraient encore résonner aujourd’hui. Car en 2007, l’amour de la mère, patrie ou non, est désormais érigé en doctrine. « Ma petite maman chérie… »
C’est par ces mots que Nicolas Sarkozy a souhaité éduquer ses jeunes ouailles de l’UMP lors de leur ultime rassemblement de campagne au Zénith le 18 mars dernier. Venue pour écouter Martin Solveig, la jeunesse Prada a préféré boire quelques bières et les paroles de Faudel mais peu importe : Guy Môquet a remplacé opportunément le Général de Gaulle comme maître à penser de la France de droite, de gauche et du milieu et c’est bien là l’essentiel.
Le jeune qui nique sa mère finit en tôle quand celui qui lui rend hommage finit au peloton d’exécution. Mitard ou pas de tir, il faut choisir. Inconsciemment, Rolex Ier a-t-il, avant même d’être élu, voulu dire que la belle mécanique qu’il a tant façonné à la force du poignet était vouée à l’échec ? « Ma petite maman chérie… »
Ces mots résonnent encore dans le vestiaire du XV de France, quelques heures avant la défaite d’ouverture, hier soir, contre les Pumas argentins. La lettre, lue à haute voix, sur proposition de Bernard Laporte, l’ex-futur Secrétaire d’Etat aux Sports, met les larmes aux yeux des Coqs qui n’ont plus qu’à se faire dévorer. Une exécution, encore et toujours…Ou un suicide, au choix.
Alors, ce soir, lors d’Italie-France, si Domenech pouvait lire quelques lignes à ses Bleus qu’il évite de fumer le Môquet. Raymond, dantesque, serait mieux inspiré de faire la synthèse de ce suicide collectif pour mieux l’expurger : choisir les mots d’un poète engagé, de gauche, passionné de rugby et auteur d’un recueil ( A une sérénité crispée ) hommage prophétique à l’agitation présidentielle. Et si coach Ray citait René Char ? « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s’habitueront » .
La suite ? La France bat l’Italie, Raymond prend le Parti Socialiste et remplace l’heure de sport hebdomadaire en plus proposée par Sarko par une heure de poésie. Pourquoi ? Parce qu’après avoir palabré à San Siro en tribune avec son voisin béquillé, le bien nommé marquis Materazzo, Ray se décide sur un coup de tête après que le défenseur de l’Inter lui ait révélé son secret : « Agir en primitif et prévoir en stratège » . René Char, encore et toujours…
Par Brieux Férot
A lire : Pierre-Louis Basse, « Guy Môquet, une enfance fusillée » , Stock (2000)
Par