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Qui pour vraiment embêter la Juve ?

Eric Maggiori
9 minutes
Qui pour vraiment embêter la Juve ?

Après sa victoire lors du derby turinois, et malgré deux défaites lors des dernières journées, la Juventus demeure seule en tête du championnat. De fait, aucun de ses poursuivants n’a profité de ses faux pas pour passer devant. La preuve que les Turinois sont lancés vers un deuxième Scudetto d’affilée ?

Napoli

À l’heure actuelle, c’est le Napoli qui campe la deuxième position de la Serie A. Les Napolitains, depuis le derby turinois d’hier soir, comptent cinq points de retard sur le leader turinois. Avec la possibilité de revenir à deux longueurs, aujourd’hui, avec la réception de Pescara (en ce moment-même). Les Napolitains sont peut-être les mieux armés pour venir embêter la Juve. L’équipe a l’avantage de très bien se connaître, car elle n’a quasiment pas été modifiée depuis deux ans. L’équipe qui s’est qualifiée pour la Ligue des champions, en mai 2011, est, à peu de chose près, la même que celle d’aujourd’hui. À la différence que les joueurs se connaissent mieux et que les automatismes sont mieux huilés. Le Napoli a perdu Lavezzi, certes, mais n’a pas perdu au change avec l’arrivée d’Insigne. Surtout, Naples peut compter sur un duo Hamšík-Cavani qui atteint cette saison un niveau exceptionnel. L’Uruguayen marque à chaque fois qu’il joue, et lorsqu’il est absent, c’est le Slovaque qui prend le relais. Cette saison, le jeu du Napoli n’est pas forcément explosif et enthousiasmant. Mais c’est peut-être là la force de l’équipe de Mazzarri : elle parvient à gagner des matchs pièges même lorsqu’elle ne joue pas bien. La preuve avec la victoire à Cagliari, la semaine dernière, après une prestation décevante. Peu importe, l’essentiel a été fait. Comme il avait été fait contre le Chievo il y a quelques semaines. Alors, pourquoi diable ce Napoli ne pourrait-il pas venir titiller la Juve ? Il le pourrait, sur le papier. Mais il semble manquer encore ce petit quelque chose. Le saut de qualité ultime. Celui qui fait que vous êtes prêts à aller au bout. La confrontation directe contre la Juve, dominée en long en large et en travers par les Bianconeri, a notamment montré que Naples n’était pas encore au niveau du champion. Il lui reste cinq mois pour s’y élever.

Inter

Il y a de cela trois semaines, l’Inter mettait un terme à l’invincibilité de la Juve, en allant s’imposer 3-1 au Juventus Stadium. Ce soir-là, l’équipe de Stramaccioni tutoie les étoiles, et revient à un point, seulement, de la Vieille Dame. On se dit même que les Nerazzurri, qui enchaînent alors un septième succès de rang en Serie A, vont passer devant, vu le calendrier favorable qui les attend. Et là : patatras. L’Inter s’est écroulée. Lors des trois journées qui suivent, face à des équipes honorables mais pas intraitables comme l’Atalanta, Cagliari et Parme, les Lombards récoltent un misérable point. La pire performance, ils l’ont certainement produite face à Parme, lundi soir. Aucune conviction, aucune situation dangereuse, le néant. Comment cela est-il possible ? Il faut revenir en arrière. L’an dernier, l’Inter a vécu une saison très compliquée, avec trois entraîneurs (Gasperini, Ranieri et Stramaccioni) qui ont successivement tenté tant bien que mal de faire naviguer l’équipe dans les zones hautes du classement. La bonne fin de saison de Stramaccioni a offert au jeune coach une prolongation sur le banc interista. Mais personne n’est dupe : l’Inter n’a pas été construite cet été pour jouer le titre. Une place en Ligue des champions, oui. Le Scudetto, non. Les exceptionnels résultats de septembre et octobre ont eu tendance à faire illusion, même auprès des supporters, qui, un temps, on cru revivre les épopées de Mancini et Mourinho. Mais ils se sont vite souvenus que, l’an dernier aussi, l’Inter avait enchaîné une folle série de sept victoires consécutives avant de connaître une traversée du désert de sept matchs sans victoire. Il y a des joueurs de talent, c’est indéniable (Cassano, Milito), des joueurs d’expérience aussi (Samuel, Zanetti, Cambiasso), des jeunes prometteurs (Juan Jesus, Livaja), mais le tout, mis ensemble, reste encore trop fragile. À consolider. Pour l’an prochain ?

Fiorentina

C’est la belle surprise de ce début de saison. La Fiorentina, depuis le départ de Prandelli, n’a jamais réussi à se rapprocher des zones européennes. 11e en 2010, 9e en 2011 et 13e la saison passée, où l’équipe a failli toucher le fond à plusieurs reprises. Bref, il fallait réagir. Les dirigeants l’ont fait, d’abord en grillant la concurrence pour s’accaparer Vincenzo Montella, puis en se payant un recrutement de dingue (Gonzalo Rodríguez, Aquilani, Borja Valero, El Hamdaoui, Viviano, David Pizarro, Migliaccio, Toni, Cuadrado, Mati Fernandez). Tâche compliquée pour le jeune coach : créer de la cohérence à partir de joueurs qui ne se connaissent absolument pas. Et cette cohérence n’a pas tardé à se faire sentir. Lors des premières journées de championnat, la Fiorentina dispute de belles rencontres, mais ne récolte pas forcément ce qu’elle mérite (les défaites contre Naples et l’Inter, les nuls contre la Juve et Parme). On pense alors que Montella va galérer. Mais finalement, les résultats arrivent. La Fiorentina n’a plus perdu depuis le 30 septembre (meilleure série en cours en Italie), et s’est payé les scalps de la Lazio et du Milan AC. Signe fort : dimanche dernier, à Turin, dans un match qui semblait lui échapper, elle est parvenue, malgré deux blessures, à revenir dans la partie et à égaliser. Toutefois, on est en droit de se poser les mêmes questions que pour l’Inter : cette équipe aura-t-elle les épaules assez solides pour tenir ce rythme (et ce beau jeu) toute la saison ? La chose qui peut faire rêver les tifosi florentins, c’est que cette Fiorentina ressemble drôlement à la Juve de la saison dernière : une équipe révolutionnée pendant l’été, un jeune coach, et pas de Coupe d’Europe à disputer. Les trois déplacements à Rome, Udine et Palerme, avant la trêve, permettront d’en savoir plus sur les réelles potentialités de cette belle équipe viola.

Lazio

Vous ne connaissez pas le sens du mot « contradiction » ? Regardez donc à « Lazio » dans le dictionnaire. L’équipe des paradoxes. Une équipe capable de perdre 4-0 à Catane, puis de battre l’Udinese 3-0, ou de perdre à domicile contre le Genoa avant de battre le Milan AC. Et pourtant, lorsqu’elle se décide à jouer, cette formation laziale semble l’une des plus solides de la Serie A. Après quelques années d’errance, la Lazio a redressé la barre grâce, entre autres, à Edy Reja. Le coach a permis de retrouver l’Europe, et de passer à deux doigts de la Ligue des champions à deux reprises. Cette année, la Lazio veut donc continuer, et, si possible, faire mieux. Le nouvel entraîneur, Vladimir Petković, s’est rapidement adapté au mode de fonctionnement italien. Son équipe sait produire du jeu, sait marquer des buts et sait aussi faire le dos rond s’il le faut, preuve en est le match nul 0-0 face à la Juve. À côté de cela, cette équipe, comme celle de Reja, a des absences. Des absences face au Napoli et à Catane, qui coûtent cher au classement. Or, sans ces black-outs relativement inexplicables, la Lazio aurait les moyens de lutter pour le sommet du classement. Peut-être pas pour le titre, mais au moins pour les trois premières places. Autre défaut (qui peut-être une qualité selon le point de vue) : les Biancocelesti sont dépendants de deux-trois joueurs-clefs. En l’occurrence Klose, Hernanes et Mauri. Si ces trois-là tournent à plein régime, la Lazio peut battre n’importe qui (le Milan AC et la Roma peuvent en témoigner). En revanche, si l’un est absent, l’autre en méforme, et le dernier dans une journée off, l’équipe, pratiquement à coup sûr, ne s’imposera pas. Ah, si seulement les dirigeants pouvaient emprunter la DeLorean et ramener en 2013 le Zárate de 2008 (un mec qui remporte une Coupe d’Italie quasiment à lui seul), on serait peut-être là en train de parler d’un sérieux prétendant au Scudetto.

Roma

Un peu comme la Lazio, la Roma peut être un paradoxe à elle seule. Capable du meilleur comme du pire. Sauf que là, c’était un peu plus prévisible. Pourquoi ? Parce que l’homme assis sur son banc se nomme Zdeněk Zeman. Cet été, la Louve, privée de Coupe d’Europe pour la première fois depuis bien longtemps, s’est fait plaisir sur le recrutement. Une grande lessive, avec son lot de départs et d’arrivées. L’idée était de créer un groupe qui correspond aux exigences du mister. Problème : sur la pelouse, le jeu produit ne correspondait pas franchement à ce que ce dernier demandait. La Roma est la seule équipe, en Italie, à avoir perdu deux matchs à domicile après avoir eu deux buts d’avance (contre Bologne et l’Udinese). À côté de cela, sa Roma était en mesure de gagner 4-1 contre Palerme ou d’aller battre l’Inter à San Siro (3-1). Mais le derby perdu 3-2 contre la Lazio a semble-t-il fait réfléchir l’entraîneur dont l’éternel crédo est : « Peu importe d’encaisser quatre buts, du moment que j’en marque cinq » . Lors des deux matchs qui ont suivi la défaite contre les cousins, la Roma a montré un jeu plus prudent, moins clinquant mais plus efficace. Résultat : deux victoires minimalistes, et pas le moindre but encaissé en 180 minutes, ce qui n’était jamais arrivé cette saison. Suffisant pour dire que, ça y est, les Giallorossi sont lancés vers le Scudetto ? Soyons francs : non. La Roma, si elle demeure régulière, peut espérer accrocher la troisième place. Au-dessus, non. Il y a encore un fossé avec la Juventus, et le match du Juventus Stadium, perdu 4-1, n’en est que la plus élémentaire démonstration. Alors, oui, la Roma a un Totti qui n’a pas envie de vieillir, oui, la Roma a en Lamela un diamant brut, oui, la Roma a un Destro qui peut devenir redoutable s’il trouve de la continuité, mais, oui, la Roma a encore trop de carences pour espérer viser tout en haut.

Milan

Oui, bon, on a mis Milan. Par principe. Par respect pour l’histoire de cet extraordinaire. Mais ce n’est évidemment pas cette année que les Rossoneri iront embêter la Juve. Ils ont déjà fait ce qu’ils pouvaient faire de mieux : les battre lors de la confrontation directe à San Siro. Milan compte 14 points de retard sur le leader, et, malgré le léger mieux entrevu ces dernières semaines (la dernière défaite remonte au 11 novembre), ne va pas enchaîner 15 victoires pour monter sur le podium. Milan est en reconstruction, il ne pouvait d’ailleurs en être autrement après la folle vague de départs de l’été. On ne peut pas rivaliser avec la Juve lorsque l’on passe d’une charnière Nesta-Thiago Silva à Yepès-Mexès. Bref, Milan va devoir vivre cette saison en étant conscient qu’il ne jouera rien de grand. Certes, le club est qualifié pour les huitièmes de finale de la C1, mais ne doit pas se faire trop d’illusions, malgré la magnifique tradition du club dans la plus prestigieuse des Coupes d’Europe. En championnat, Allegri devra tenter de motiver ses troupes comme il l’a fait pour le match face à la Juve. L’objectif : être européen la saison prochaine, soit en terminant dans les six premiers, soit en remportant la Coupe d’Italie. Les Rossoneri peuvent toutefois compter sur l’apport d’El Shaarawy, qui explose les compteurs depuis le début de la saison. Si des joueurs comme Robinho, Boateng ou même Pazzini parviennent à retrouver la forme, ce Milan-là peut évidemment espérer mieux qu’une anonyme position en milieu de tableau. Pour le moment, la réalité est là. Milan ne récupèrera pas sa couronne abandonnée la saison dernière. Une question de cycles.

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