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Pierre Hurmic : « Les Girondins nous promènent »

Propos recueillis par Mathias Edwards, à Bordeaux
Pierre Hurmic : « Les Girondins nous promènent »

Premier maire de Bordeaux étiqueté à gauche depuis 73 ans, Pierre Hurmic trouve le temps de recevoir, alors qu'il est en pleine installation dans ses nouveaux bureaux. « Parce que les Girondins, c'est un sujet important. » L'écologiste tient à faire savoir à la direction du club bordelais qu'il faudra compter avec lui, surtout si elle ne se décide pas à changer radicalement de cap.

Quels sont vos premiers souvenirs de sport ?J’ai commencé le vélo très, très jeune, jusqu’à le pratiquer à un bon niveau amateur au Pays basque, d’où je suis originaire. Les cols, ça me connaît. Je rêvais d’être champion cycliste et de faire le Tour de France.

Vous pratiquez toujours ?Le vélo, seulement comme moyen de locomotion. En revanche, je cours un semi-marathon tous les samedis matin, parce que ça fatigue plus vite que le vélo. Comme je n’ai pas beaucoup de temps, cela me permet d’avoir ma dose d’efforts en deux heures.

Et le football, dans tout ça ?J’ai peu de références, je ne suis pas d’une famille de footeux. J’ai commencé à m’y intéresser en qualité d’élu, parce que j’ai toujours considéré que c’était un sujet essentiel à Bordeaux, et qu’il était très mal traité par la majorité précédente, qui ne s’impliquait pas assez.

Vous n’êtes donc pas passionné par les Girondins…Non, mais en tant qu’élu, on se doit de s’intéresser à tous les sujets. Et le football est un sujet à dimension politique, pas seulement sportive.

À Bordeaux, il y a eu des périodes fastes, mais également des creux. Le club n’a pas toujours été en haut du classement. Mais il n’y a jamais eu chez les supporters un tel malaise, une telle hostilité, qu’actuellement à l’égard de monsieur Longuépée.

Vous semblez vouloir vous rapprocher des Ultramarines. C’est important pour vous ?À Bordeaux, on a la chance d’avoir un club de supporters bien composé, qui a bonne réputation. S’il n’y a pas de débordements, je pense que c’est dû à la façon dont les Ultramarines sont structurés, organisés. Et je reproche beaucoup au nouvel actionnaire, et notamment au PDG du club (Frédéric Longuépée, N.D.L.R.), de se les être mis aussi rapidement à dos. À Bordeaux, il y a eu des périodes fastes, mais également des creux. Le club n’a pas toujours été en haut du classement. Mais il n’y a jamais eu chez les supporters un tel malaise, une telle hostilité, qu’actuellement à l’égard de monsieur Longuépée. Il les a méprisés. Il y a eu 3000 personnes samedi 27 juin devant la mairie pour réclamer le départ de monsieur Longuépée. En tant que maire de Bordeaux, je ne veux pas entendre uniquement la position du club. Je suis aussi tenu de tenir compte de la façon dont la gestion du club est perçue par ces supporters, qui ont été traités avec arrogance, notamment avec cette histoire de billetterie. Et de manière générale, je demande plus de transparence sur les intentions réelles de monsieur Longuépée, et surtout de King Street. J’ai été très méfiant, au moment du rachat. J’ai été l’un des rares à voter contre, en disant que ce fonds d’investissement américain n’y connaissait rien en football, et qu’il était là pour obtenir un rendement financier à court terme. Nous, on veut quelqu’un qui investisse sur le long terme, qui assure une certaine pérennité. De plus, j’en ai eu la confirmation, ce qui les intéressait, ce n’était pas le club de football, mais la marque « Bordeaux ». D’ailleurs, on s’en rend bien compte avec le nouveau logo. À l’époque, monsieur DaGrosa nous avait dit : « Vous vous rendez compte, Bordeaux, en Chine, c’est merveilleux ! » Je lui avais répondu : « Mon coco, t’es là pour gérer un club de foot, pas pour vendre Bordeaux aux Chinois. Ça, on sait faire. » Ils ont choisi Bordeaux en pensant que quels que soient les résultats, la marque « Bordeaux » était déjà mondialement connue. Et là, ils se rendent compte que le retour sur investissement n’est pas à la hauteur de ce qu’ils espéraient. Parce qu’on ne gagne pas beaucoup d’argent, dans le football. Toujours au moment du rachat, j’avais été alerté par le fait qu’il n’y avait pas de projet sportif. Il n’y avait rien, c’était une page blanche. Alain Juppé m’avait dit qu’il y avait des engagements moraux. Mais vous savez, dans le business, les engagements moraux… C’est peanuts. Après, Bordeaux Métropole n’était pas directement concernée par la vente du club, mais uniquement parce qu’on avait besoin d’une lettre de garantie concernant le loyer du stade. Sans cela, nous n’aurions pas eu notre mot à dire. Mais j’ai été très content qu’on ait ce débat avec monsieur DaGrosa, qui en a roulé certains dans la farine grâce à son côté très patelin.

On nous parle d’un déficit de 30 millions d’euros, mais je crois qu’il est plus important.

Tout au long de votre campagne pour la mairie de Bordeaux, et encore aujourd’hui, vous avez réclamé le départ de Frédéric Longuépée des Girondins de Bordeaux. Vous maintenez votre position ?Oui, à condition que cela débouche sur quelque chose d’autre. Si c’est pour nous mettre un clone de Longuépée… Je ne fais pas une fixation sur la personne de monsieur Longuépée, que je ne connais pas, mais sur ce qu’il incarne. On ne peut pas continuer à gérer un club en se mettant à dos tout le monde, et sans donner de garanties sur la pérennité du système mis en place. On nous parle d’un déficit de 30 millions d’euros, mais je crois qu’il est plus important. Parce qu’il y a aussi la dette de 40 millions contractée auprès de Fortress*, avec des taux d’intérêt à 12 ou 14%, à rembourser à échéance 2022. Avec le risque que Fortress craigne de ne jamais récupérer son argent, et qu’il mette la pression pour le récupérer avant. Le prêt garanti par l’État pour compenser le manque à gagner lié à l’absence de droits TV à la suite de l’arrêt du championnat (environ 15 millions pour les Girondins, selon nos informations, N.D.L.R.) a atténué tout cela, mais c’est de l’argent qui va être automatiquement prélevé. Il y a également un tiers de salariés en plus aux Girondins, par rapport à 2018.

En cas de descente en L2 ou en National, on aura un sacré problème avec le stade. Si les Girondins arrêtent de payer leur part du loyer, ce seront les contribuables qui paieront l’intégralité.

Vous comprenez que les syndicats des clubs pros, UCPF et Première Ligue, vous accusent d’ingérence ?Non, je fais mon job d’élu. Ils sont mal habitués. Ils n’ont pas l’habitude que les élus leur parlent franchement et directement. Pour moi, il n’y a pas d’automaticité des relations. Elles peuvent être bonnes ou moins bonnes. Quand c’est de l’ingérence positive, et notamment financière, là, ça ne les dérange pas beaucoup. Par exemple, ils ne se plaignent pas de bénéficier des installations du Haillan. Mais dès que le maire se permet d’avoir un mot politique sur la façon dont le club est géré, cela ne va pas. J’ai été très surpris par cette réaction. Mais il va falloir qu’ils s’y habituent.

Le rendez-vous des Girondins de Bordeaux avec la DNCG, qui devait se tenir le 7 juillet, a été repoussé au 16 juillet. Cela vous inquiète ?Bien sûr. Une fois de plus, le club nous promène en prétextant une histoire d’agenda. Ils ne sont simplement pas prêts. Soit ils ont trouvé un repreneur qui n’est pas prêt, soit l’actionnaire a l’intention de se désengager plus rapidement que prévu, ou ils ont découvert un trou plus important que les 30 millions officiellement annoncés… On n’en sait rien. Mais à mon avis, c’est la lettre de confort de King Street s’engageant à combler le déficit qui n’est pas prête. Parce que les Girondins ne sont pas la priorité de King Street. Et ça, ça m’inquiète. C’est une question politique ! Ils peuvent quand même comprendre qu’un maire a le souci de savoir si l’équipe de sa ville va rester en L1 ou être rétrogradée. Surtout qu’en cas de descente en L2 ou en National, on aura un sacré problème avec le stade. Si les Girondins arrêtent de payer leur part du loyer, ce seront les contribuables qui paieront l’intégralité. Et on paie déjà assez cher.

L’objet sportif passe avant l’objet écologique. Je veux inverser cela. C’est au monde sportif de s’adapter aux contraintes écologiques et climatiques.

Quelles mesures préconisez-vous pour un sport de haut niveau plus écologique ?Déjà, on pourrait arrêter de construire des stades sur des ZNIEFF (zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique), comme ce fut le cas à Bordeaux. Mais en général, ils n’en ont rien à faire. L’objet sportif passe avant l’objet écologique. Je veux inverser cela. C’est au monde sportif de s’adapter aux contraintes écologiques et climatiques. Ce stade Matmut Atlantique a un bilan carbone catastrophique. Quand on nous dit qu’il n’a pas coûté cher et qu’il a été très bien conçu, ce n’est pas tout à fait vrai. Je n’y suis jamais allé, mais je sais comment il a été construit. Il a des tribunes très verticales, si bien que par endroits, la pelouse ne voit pas le soleil. Donc pour qu’elle pousse, il y a un système de lumino-thérapie très énergivore. Mais tout le monde s’en fiche. Quasiment tous les clubs français adhèrent à l’association Football Écologie France, qui travaille sur l’écologie dans le foot professionnel, mais pas les Girondins de Bordeaux. C’est assez symptomatique. Là aussi, il va falloir qu’ils s’habituent à l’ingérence. Je ne peux pas être le maire de la transition écologique à Bordeaux, mais laisser le milieu du foot faire ce qu’il veut. Il va falloir qu’ils jouent le jeu, comme tous les acteurs privés et publics. Ils ne le savent pas encore, mais on va les impliquer.

Dans cet article :
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Propos recueillis par Mathias Edwards, à Bordeaux

* Fortress Investment Group, fonds d'investissement spéculatif (hedge fund) revendiquant plus de 41 milliards de dollars sous gestion, a accordé un prêt de 40 millions d'euros aux Girondins de Bordeaux, lors de son rachat par GACP et King Street.

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