Mourinho-Guardiola : le vrai duel
Un duel peut en cacher un autre. Derrière Zlatan-Eto'o, un affrontement plus feutré et tout en costard gris se tiendra à Giuseppe Meazza, entre Jose Mourinho et Pep Guardiola, les deux derniers entraîneurs à avoir enlevé une C1 en l'assortissant d'un triplé. Un duel niveau Masterclass.
Deux surdoués. Jose Mourinho venait à peine de faire connaître sa morgue à toute l’Europe qu’il s’était déjà juché sur son toit. C’était en 2003 et 2004. En apéritif, une Coupe UEFA pour arroser ses 40 ans, puis, en plat de résistance, la Ligue des Champions, à 41 ans. Avec Porto, l’ex-adjoint de Bobby Robson au Barça devenait le plus coté des entraîneurs. Encore plus précoce et véloce, il n’a fallu qu’une simple année à Pep Guardiola pour mettre toute l’Europe à ses pieds, à 38 ans, l’âge moyen des joueurs du Milan AC.
Là s’arrêtent les parallèles… ou presque. Car si les matrices philosophiques qui guident les deux hommes semblent antinomiques, ils n’en ont pas moins barboté un temps dans le même bain. Adjoint de Robson au Barça, le Mou aimait converser avec Laurent Blanc et… Pep Guardiola, comme si se tenait déjà un sommet tripartite et anticipé entre la crème des futurs entraîneurs européens… ou presque. Mais à l’inverse du Pep, le Portugais ne se comportera jamais en missionnaire du Barça. Le Mes que un club, une influence parmi d’autres dans son corpus de maître tacticien, mais aussi son premier traumatisme. En Catalogne, le Special One jouissait d’une réputation favorable, mais davantage liée à ses dons de polyglotte que pour sa capacité à seconder l’entraîneur principal. Surnommé « le traducteur » (de Robson), il poursuivit ensuite l’aventure avec Louis van Gaal, avant de retourner au Portugal, sans plus d’égards que ceux qu’on donne à un simple subalterne. Il ne l’a jamais confessé publiquement, mais le Portugais semble vouloir faire regretter à Barcelone le manque de considération dont il aurait été l’objet, à chaque fois que les Catalans croisent sa route. Le triple affrontement Chelsea-Barça (2005, 2006, 2007, et deux qualif’ pour les Blues) donna lieu à moult polémiques, où Mourinho trouva un exutoire idoine.
Cauchemar du Barça, autant par son bilan positif face aux Blaugranas que par ses options esthétiques, le Portugais a pourtant été envoyé sur le banc catalan par la rumeur quand il se trouvait en délicatesse à Chelsea et que Rijkaard échouait à donner un second souffle à sa Dream Team. C’est finalement Pep Guardiola, l’enfant du club, son meilleur élève, et aujourd’hui le plus estimé de ses professeurs, qui héritera de la fonction. Aux antipodes de la machine à polémique portugaise, le Pep fait consensus, par la qualité du jeu proposé par son escouade autant que par son attitude de mister nice guy.
Difficile de trouver entraîneurs aux options stylistiques plus opposées : Guardiola a revisité avec flamboyance les dix commandements de J.Cruyff, Mourinho a fait son beurre en remixant le catenaccio d’Hellenio Herrera, le premier et dernier entraîneur à avoir apporté une C1 à l’Inter. Malgré tout, difficile également de trouver plus jumeaux que ces deux-là, par leur exigence de tous les instants, leur prédilection pour une occupation de l’espace quasi-scientifique, et la modernité de leur look, loin du classicisme vieux jeu des Wenger-Pellegrini, ou des faciès sous influence éthylique des Ferguson-Ancelotti.
L’échange Zlatan-Eto’o pourrait aussi rapprocher les deux équipes et leurs techniciens. Zlatan, ex-homme à tout faire de l’attaque nerazzurra, permettait à l’Inter de perpétuer son jeu statique, il devrait aussi aider le Barça à se sortir de sales passes collectives par sa présence athlétique hors-norme. Pour ne plus forcément allier beau jeu et victoire. Joueur d’espace, Eto’o oblige l’Inter à parier sur le mouvement et les affinités collectives. Une mue déjà perceptible dans les premières représentations données par l’Inter. Les deux meilleurs attaquants d’Europe s’affronteront ce soir ? Pourquoi pas ? Les deux meilleures équipes d’Europe ? Peut-être. Les deux meilleurs entraîneurs ? Sans doute.
Par