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Miles Jacobson : « To Madeira est la plus grande erreur du jeu »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
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Miles Jacobson : « To Madeira est la plus grande erreur du jeu »

Dans un univers parallèle, ils ont été cracks, buteurs industriels, murailles infranchissables, artistes ultra-créatifs. Miles Jacobson, le patron de Football Manager, revient sur cette caste des joueurs surévalués qui font la légende du jeu.

Quoi de neuf dans FM 2015 ?

Des milliers de choses. Chaque année on essaie d’avoir des nouveautés dans chaque aspect du jeu, que ce soit la simulation de match ou le marché des transferts. Quand vous débutez une partie, vous pouvez choisir entre un profil de coach qui s’implique sur le terrain d’entraînement ou un entraîneur qui préfère rester en coulisses. On a plein de nouvelles choses, notamment une intelligence artificielle améliorée. On ne peut pas isoler une seule nouveauté, car tous les éléments fonctionnent ensemble dans Football Manager. L’essentiel, c’est que tout fonctionne ensemble afin de créer un monde « crédible » .

Il y a quand même une grosse amélioration dans l’interactivité avec ses dirigeants, joueurs, supporters et même avec les journalistes. Cela change quoi dans la manière de jouer ?

Tout ce que vous faites dans le jeu a des conséquences, même une conférence de presse ratée. Il n’y a pas que les journalistes qui réagiront, mais aussi vos joueurs, les supporters, vos dirigeants. Dans le jeu, même s’il faut en fait parler de simulation, la confiance est un enjeu majeur, comme cela peut être le cas dans le monde du travail. Si vous perturbez un joueur populaire dans le club, vous risquez de vous mettre le vestiaire à dos par exemple…

Ce n’est pas un jeu selon vous. En gros, vous arnaquez depuis deux décennies les joueurs à les faire bosser gratuitement…

C’est une manière de voir intéressante, mais les gens qui passent du temps sur un simulateur de vol ne jouent pas, et ils ne voient pas cela comme un travail non plus. Ils le voient plutôt comme une opportunité de goûter à la sensation de pilotage d’un avion. On donne aux gens la possibilité d’être coach… Il y a plein de gens qui passent leur temps à commenter ce que l’entraîneur de leur équipe aurait dû faire ou non.

Le réalisme étant poussé à son maximum, à quand dans FM un joueur qui dira à son coach « va te faire foutre avec ton système de merde » ou une phrase du même esprit ?

C’est presque déjà le cas, sauf que le joueur n’utilisera pas ce vocabulaire-là en particulier. Ils peuvent se plaindre du niveau d’entraînement, de la tactique, en indiquant qu’ils ne jouent pas à leur meilleur poste. On peut avoir un vrai clash avec un joueur. Il peut demander à être transféré, refuser de s’entraîner… Le football a évolué dans ce sens. Nous avons donc fait évoluer le jeu de la même manière. L’interactivité plus poussée permet de rendre le jeu plus réaliste.

Vous avez dit qu’il y avait des milliers de nouveautés chaque année dans FM. Comment vous imaginez le jeu dans 10 ans ?

J’ai une bonne idée de ce à quoi vont ressembler les trois prochaines éditions. On a déjà défini les projets de nouveautés. Je ne vais pas en parler maintenant, car je veux que les gens jouent d’abord au 2015. Mais la feuille de route, c’est de faire en sorte que l’intelligence artificielle fonctionne correctement – ce qui n’est pas toujours le cas – et que nous soyons en veille des nouveautés qui germent dans le football. Par exemple, la dernière théorie qu’aura développée Pep Guardiola au petit déjeuner puis appliqué à son équipe, on doit l’avoir rapidement dans le jeu. Et au niveau du moteur de match, on veut que cela ressemble à un vrai match de football. Je ne parle pas de graphismes, mais plutôt de mouvements, de jeu collectif et de réactions « humaines » des joueurs. Et puis aussi des détails comme la hauteur de gazon et son influence sur les courses des joueurs… C’est le type de détails que l’on va travailler dans les trois à cinq ans à venir.

Vous essayez de suivre la réalité, mais sur certains points, vous êtes en avance : votre système de scouting ferait le bonheur de nombreux clubs. Y a-t-il des personnalités du football vous ayant appelé pour demander conseil sur un joueur ?

Ray Houghton, l’ancien joueur de Liverpool et de l’équipe nationale d’Irlande, a travaillé un peu avec nous, sur les programmes d’entraînement et le moteur de jeu. On l’a rencontré lorsqu’il était assistant à Crystal Palace. Mais notre premier contact, c’est un appel de sa part, il avait obtenu mon numéro d’une connaissance commune. Il m’a dit : « Écoute, je galère pour trouver un arrière latéral gauche de bon niveau, mais pas trop cher. » C’était en 1998 ou 1999, je lui ai fait une liste de bons latéraux gauches d’Europe de l’Est, deux mois plus tard Crystal Palace avait fait signer l’un de ces joueurs. C’est la première fois que nous avons aiguillé un professionnel et nous n’avions pas encore l’équivalent de la base de données actuelle. Aujourd’hui, les clubs peuvent passer par ProZone, qui donne accès à notre base de données.

SoFoot.com s’est intéressé à vos « erreurs de casting » *, ces champions virtuels n’ayant pas réussi leur carrière dans la vraie vie. Qu’est-ce que cela représente dans l’histoire commune de L’Entraîneur puis Football Manager ?

On a une base de données de 500 000 joueurs à travers le monde pour 1500 scouts. Parfois, ces derniers font une erreur d’évaluation ou alors le joueur en question montrait de belles promesses, mais ne les a pas confirmées, n’a pas exploité tout son potentiel. Mais même un manager professionnel peut se tromper sur le niveau réel d’un joueur. Notre taux de réussite reste quand même très élevé avec moins de 5% d’erreurs dans notre base de données…
Dans la rue, c’est plus facile d’aborder Cherno Samba que Roy Keane

Sans ces 5% d’erreurs, les FM n’auraient-ils pas eu moins de saveur ?

Je n’y ai jamais vraiment pensé avant, mais j’ai déjà vu des spectacles humoristiques sur le sujet de ces stars de FM qui n’ont pas percé dans la vraie vie. Je suis conscient qu’il existe un penchant de certaines personnes pour ces joueurs. Mais dans ma position, celui du concepteur du jeu, je ne peux pas vraiment apprécier le fait qu’ils aient été des « erreurs » . Je ne pense pas non plus que le jeu aurait perdu de son charme en leur absence… Cela me fait penser aux bêtisiers que l’on nous montre souvent à la fin des films au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les acteurs qui s’amusent de leurs erreurs. Je pense aussi qu’il est plus facile de se sentir proche d’une personne n’étant pas une super star. Zlatan, Terry ou Henry, ces gens sont intouchables. Cherno Samba est accessible…

Et donc un Cherno Samba n’est pas si différent du mec qui joue à FM en caleçon devant son PC ?

Complètement. Certains de ces joueurs ont des histoires tristes. Tonton Zola Moukoko a souffert d’un décès dans sa famille, ce qui a perturbé sa progression. Certains de ces joueurs n’ont pas réussi à cause de drames personnels. Mais ces joueurs sont aujourd’hui plus accessibles physiquement : dans la rue, c’est plus facile d’aborder Cherno Samba que Roy Keane. Et puis ces joueurs qui n’ont pas réussi leur carrière de footballeurs peuvent aussi sembler proches pour des personnes qui ont également connu des problèmes professionnels…

On a aussi le cas To Madeira. Lui n’a jamais existé…

To Madeira est la plus grande erreur que nous ayons jamais commise. To Madeira n’était pas seulement un piètre joueur, il n’existait pas. C’est un assistant de recherches qui l’a ajouté à la base de données et on n’a pas vérifié suffisamment bien. Après, beaucoup de gens ont pris du plaisir grâce à cette erreur, en faisant signer le joueur pour quasiment rien dans leur partie et le voir marquer 30-40 buts par saison…

Qu’est-il arrivé à l’assistant ? Un coup de sèche-cheveux façon Ferguson ?

Aujourd’hui encore, je n’ai pas l’identité du fautif. Le chef du département concerné a pris la poudre d’escampettes avant que je ne puisse l’interroger (rires). J’étais en colère, j’ai fait passer le message au Head Researcher qui a fait passer le message plus bas : « Que cela n’arrive plus » . Quand on fait une erreur, l’important est de s’arranger pour qu’elle ne se reproduise pas. On a appris beaucoup de cette mésaventure et notamment à déceler les incohérences. Je ne dis pas qu’il n’y aura plus de To Madeira dans le futur, mais on a fait ce qu’il faut pour.

De tous ces joueurs stars de FM, lequel vous a donné le plus de bonheur ?

En fait, c’est un joueur qui n’était pas si mauvais dans la réalité, mais qui n’a pas atteint les sommets, Andri Sigborsson, l’Islandais. C’est entre lui et Alexander Farnerud. Sigborsson a contribué à faire évoluer notre système de notation des joueurs. Quand on était certains à 100% du potentiel d’un joueur, on indiquait dans notre système -1 ou -2 comme note de potentiel. -1 faisait de ces joueurs de très bons éléments, -2 en faisait des joueurs de classe mondiale. Les joueurs que j’ai cités étaient notés -2. Aujourd’hui, on a ajouté encore plus de diversité puisque nous allons jusqu’à -10. -10, c’est Zlatan, Ronaldo, Messi… C’est pour les joueurs de classe mondiale et notre système fait que les « surprises » sont moins probables qu’auparavant. Des joueurs comme Sigborsson et Farnerud, j’ai vu des vidéos d’eux, ils sont bons, mais ne se sont pas développés aussi bien que ce que nos scouts imaginaient en les voyant à l’adolescence.

Si un magicien vous propose de faire disparaître ces erreurs, vous lui dites ok ou « casse-toi » ?

Je lui dis « casse-toi » parce qu’on doit apprendre de nos erreurs, et on ne peut pas changer le passé, seulement apprendre de lui. Je suis content de la manière dont le jeu a évolué depuis 20 ans. Je ne voudrais pas supprimer le plaisir des fans qui ont aimé certains joueurs qui n’étaient pas des stars dans la réalité. C’est comme un footballeur dans un petit club : ok, ce n’est pas le meilleur joueur du monde, mais les supporters de ce club peuvent vraiment l’aimer. Personnellement, je supporte Watford. Nous avons un joueur qui s’appelle Lloyd Coyley, il est au club depuis qu’il a 9 ou 10 ans. Il est défenseur, n’est pas le meilleur au monde, mais les fans seraient plus affectés de le voir partir que notre attaquant titulaire. Pourquoi ? Parce que Coyley a une affinité avec eux. Le fait que des gens aient des affinités avec certains footballeurs à cause de notre jeu, cela me plaît. J’aimerais que tout soit parfait dans mon jeu, mais je comprends que d’autres personnes ne le souhaitent pas. Laissons-les se faire plaisir !

* À lire : la série de portraits des pépites de Football Manager – José de la Cuesta, mou du genou – Ahmed Yahiaoui, mais non – Labinot Harbuzi, joue-la pas vraiment comme Zlatan

Propos recueillis par Nicolas Jucha

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