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Merci Guingamp

Par Aymeric Le Gall
5 minutes
Merci Guingamp

On attendait Sainté ou Lille, mais c'est finalement Guingamp, raillé à l'été, qui est allé chercher la qualif et écrire la plus belle page de son histoire européenne. Avec la dalle indispensable à la Coupe d'Europe. Même la petite. Hommage.

On pourrait tirer l’image d’Épinal comme à l’habitude : Guingamp, ce petit village de 8000 habitants semblable à celui d’Astérix, le David contre Goliath, les 25 millions d’euros de budget, soit l’avant-dernier de L1 et patin-couffin. On pourrait. Mais ce serait oublier que l’En Avant challengeait dans un groupe où le PAOK émargeait dans les mêmes proportions budgétaires (autour de 30 millions d’euros) que les Bretons, alors que le Dinamo Minsk ne pesait que quelque 11 millions d’euros. La qualification n’a donc, en soi, d’un point de vue purement quantitatif, pas réellement valeur de surprise, surtout à la 2e place, derrière une Fio qu’on imaginait de toute façon au-dessus du lot. Mais si Guingamp reste toujours évidemment attaché, en France, à cette image de petit parmi les grands, la victoire de jeudi soir face au PAOK Salonique et la qualification historique du club breton en 16es de finale de Ligue Europa ont changé la donne.

Oui, jeudi soir, dans le froid grec de Thessalonique, à quelque 2931 km de ses bases, l’En Avant de Guingamp de Jocelyn Gourvennec a remporté beaucoup plus qu’une qualif’ européenne (la seule pour l’Hexagone dans cette EL). Jeudi, les Rouge et Noir ont gagné le respect. Jusqu’ici, quand on évoquait les paysans du Roudourou, on parlait de belle histoire, de coup d’un soir. Pis, ils étaient nombreux, très nombreux – trop nombreux – à tirer à boulets rouges sur l’En Avant après l’annonce de sa qualif en Ligue Europa, au soir de la victoire mémorable face à Rennes en finale de Coupe de France à Saint-Denis. Les tweetos de la sphère foot, avec leur réserve légendaire, y sont allés à cœur joie. « Guingamp en Ligue Europa, c’est une belle connerie » , pestait un footeux, rouge de colère. « Je pense qu’il serait plus raisonnable de laisser votre place à un club plus huppé, l’indice UEFA de la France risque de baisser » , en rajoutait un autre. Des messages comme cela, la toile en a sorti des milliers, montrant bien la tonalité générale d’une France qui se réveillait presque honteuse de voir des paysans la représenter sur la scène européenne.

L’indice UEFA, Francis Gillot et la dévotion

Pourtant ce vendredi matin, s’il pouvait parler, l’indice UEFA de la France remercierait probablement les Guingampais d’avoir limité la casse au classement européen après les éliminations successives de Saint-Étienne et de Lille. Au passage, les Rouge et Noir en ont profité pour prouver à tous que rien n’est jamais écrit dans le football et que les affaires d’effectifs en sous-nombre et de budgets limités ne vaudront jamais une dalle sans faille. Car si pour un bon nombre d’observateurs, cette qualif’ est un exploit inimaginable, le son de cloche est légèrement différent du côté de ceux qui suivent ce club jour après jour et depuis tant d’années. Un constat qui nous est confirmé en interne : l’objectif, c’était bien la qualif. Comment ça ? Un club français a pris la Ligue Europa au sérieux ? C’est une blague ? Même pas.

En effet, dans l’Hexagone, à part de rares exceptions (Lyon la saison passée, et Bordeaux un an avant), on ne peut pas dire que les clubs français estiment particulièrement cette Coupe d’Europe qu’ils n’arrivent, au passage, jamais à remporter. On ne peut s’empêcher de se remémorer les paroles d’un Francis Gillot qui expliquait sans détour, lors de la saison 2013-2014, ne pas avoir « l’effectif pour jouer sur les deux tableaux » . Alors évidemment, la Coupe d’Europe est un bouffe-énergie phénoménal. Les Guingampais, qui lutteront jusqu’au bout pour éviter la relégation en L2, ne diront pas le contraire. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ? Si, à coup sûr. Parce que c’est ça le foot : jouer crânement sa chance, se dépenser sur un sombre terrain de l’Europe de l’Est en se disant que c’est le dernier match de sa vie. Les supporters réclament cet investissement aveugle. Et à Guingamp, ils ont été servis. Il faut dire aussi que ce public du 22 fervent et exemplairement dévoué le mérite aussi.

Le coup de pied au cul tant attendu

Le mental, le don de soi et la solidarité y sont pour beaucoup et laissent enfin de côté une rengaine défaitiste a priori ( « on n’a pas les moyens de jouer l’Europe à fond » ). Rien que pour ça, on dit merci Guingamp. La performance bretonne de jeudi soir va devenir le maître étalon des futures performances des clubs français sur la scène de la petite Europe. L’exemple à suivre. Et honte à celui qui ne mettra pas toutes ses tripes pour briller dans cette compétition. Et si Guingamp, sans le savoir, avait filé le coup de pied au cul du foot français que tout le monde attendait ? C’est une théorie qui mériterait d’être approfondie. La perf’ guingampaise restera quoi qu’on en dise comme l’une des plus belles pages de l’histoire d’un club qui, il y a encore cinq ans, évoluait dans le championnat national. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette douloureuse relégation dans l’antichambre du foot pro que le président Noël Le Graët a tenté un pari fou. Sur les conseils de Francis Smerecki, Gargamel donne les clés de la boutique à un certain Jocelyn Gourvennec, qui se faisait jusque-là la main en tant que coach de la Roche VF, en division d’honneur.

Et aujourd’hui, plus personne ne remet en cause ce choix. En l’espace de quatre saisons, La Gourv’ et sa bande ont schtroumpfé deux montées en trois ans à leur supporters (de National en L2, puis de L2 en L1), auxquelles il faut ajouter une magnifique victoire en finale de Coupe de France face au voisin et rival rennais (la deuxième après celle de 2009). Désormais, il faudra donc ajouter un 16e de finale de Coupe d’Europe. Pour que le tableau soit complet, il faudrait évidemment que les joueurs parviennent à sauver leur peau en Ligue 1 au terme de cette saison. Si, sur leur tableau de marche, la prochaine réception de l’ogre PSG, dimanche, à Roudourou, n’était sans doute pas cochée comme pourvoyeuse de points, les Bretons ont prouvé que la barre pouvait être placée toujours plus haut. Soutenu par un département dévoué à sa cause, par un ancien président et ancien maire du patelin aujourd’hui à la tête de la Fédération du pays, donc par un bras plutôt long pour un petit, l’En Avant n’est pas proche de reculer. Ou alors pour revenir plus fort encore. Les Guingampais n’ont définitivement pas le vertige. À quoi bon, dans des Côtes-d’Armor qui cherchent encore les montagnes autour d’elles…

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Par Aymeric Le Gall

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