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Maxime Giron : « Les tifosi de Palerme ne s’attendaient pas à un profil comme le mien »

Par Victor Le Boisselier, à Palerme
Maxime Giron : « Les tifosi de Palerme ne s’attendaient pas à un profil comme le mien »

Dimanche soir, Palerme s’embrasait pour le retour de son club en Serie B, trois ans après une relégation en Serie D. Une bonne occasion de trinquer avec Maxime Giron, qui a eu la bonne idée de rejoindre le club l’été dernier. Après avoir connu onze clubs en dix ans, des déménagements tous les six mois et une relégation il y a un an, le latéral gauche français de 27 ans a fait son trou en Sicile dans cette ville « de brelot » qu’est Palerme.

On t’a vu sur Instagram dans le vestiaire clope au bec et bouteille de prosecco à la main après la finale contre Padova. Tu as encore ABBA dans la tête ? Ouais, ouais… Ça fait deux jours que c’est la bringue sévère. On s’est retrouvé toute l’équipe hier soir (lundi). Et dimanche après le match aussi, ça a fêté sévère avec les proches, la famille et les amis… On est environ une dizaine chez moi en ce moment. Déjà à la fin du match, il y a eu une invasion de supporters sur le terrain. Tout ce qui se passe ici, c’est de la folie !

Après de longs mois de restrictions Covid et parfois une certaine indifférence, le Barbera était finalement rempli à 35 000 personnes ces derniers matchs… On ne s’attendait pas à cet engouement pour les play-offs ! (Pour déterminer la quatrième équipe promue en Serie B, un championnat à élimination directe de maximum 4 matchs aller-retour est organisé entre les équipes des trois poules de Serie C, NDLR.) Durant la saison, il n’y avait pas non plus beaucoup, beaucoup de gens qui venaient au stade. Puis le premier match de play-off, le stade était plein. La première fois, c’est les frissons. Je n’avais jamais vécu ça. Ici, ils sont vraiment mordus, mordus, mordus du club. C’est impressionnant, l’engouement. Rien que pour te dire, avant le match retour contre Padova, les supporters sont venus nous soutenir : plus de 1000 personnes devant l’hôtel pendant que nous, on est au balcon. C’est des émotions de malade !

Au début de saison, les tifosi ont fait le déplacement près de Naples, ce qui implique qu’ils ont dû prendre le bateau ou l’avion juste pour nous souhaiter une bonne saison.

Le club a une place à part ici à Palerme. Comment ça se caractérise au quotidien ?J’ai vu des sacrés trucs ici… Juste avant la finale déjà, quand on partait faire notre préparation à la montagne, les supporters sont venus autour du terrain nous encourager. Au début de saison, ils ont fait le déplacement près de Naples, ce qui implique qu’ils ont dû prendre le bateau ou l’avion juste pour nous souhaiter une bonne saison. C’est plein de petites choses qui nous ont permis d’avoir en tête ce que nous devions accomplir. On s’est aussi rendus à l’église de Santa Rosalia (patronne de la ville, dont les reliques se trouvent sur le mont Pellegrino qui surplombe la ville, NDLR). Moi, je ne suis pas croyant, mais voir une église comme ça dans une grotte, le paysage, ça fait quelque chose…

Au-delà de ça, vous avez senti que toute la ville se préparait, que les gens se levaient aux aurores pour faire la queue devant les points de vente ? Il y a eu un chiffre qui nous est parvenu comme quoi 240 billets étaient vendus à la minute (1), donc on savait que ça allait être la folie.

C’est quoi ton rapport avec les supporters ?Je suis plutôt silencieux comme joueur, je ne suis pas un lèche-botte, juste sincère. Quand je suis arrivé ici, les gens ont pensé : « Il vient d’une équipe descendue en Serie D(Bisceglie, NDLR)et il vient dans un club comme Palerme qui joue la montée ? » Parce qu’ici, tu joues la montée, pas les play-offs. Donc beaucoup de tifosi ne s’attendaient pas à un profil comme le mien. Après le premier match, ça s’était bien passé, ils m’ont un peu fait un triomphe, ça m’a gêné, je ne pensais pas le mériter. Je me sentirais plus légitime si on me faisait ces éloges aujourd’hui.

En début de saison, un groupe de Français était à Palerme pour un voyage organisé. Ils criaient mon nom juste parce que je suis français. C’était mon premier match de championnat, alors ça avait déjà fait un peu de bruit, je n’étais personne à ce moment-là.

On a aussi aperçu aux abords du stade cette saison des mecs torse nu dont le dos était tatoué pour l’occasion du numéro 3 Giron. Il y a même eu un article sur des supporters français complètement fous en te voyant au stade… Oui, il y a pas mal de Français qui viennent en vacances et qui m’écrivent pour voir un match. En début de saison, un groupe de Français était à Palerme pour un voyage organisé. Ils m’ont écrit sur Instagram et je leur ai pris des places. Ils criaient mon nom juste parce que je suis français. C’était mon premier match de championnat, alors ça avait déjà fait un peu de bruit, je n’étais personne à ce moment-là. Puis quand je vois ces gars-là, torse nu avec le numéro 3 tatoué dans le dos, ça me fait pas rire, ça me fait plutôt chaud au cœur.

Sur le plan sportif, tu n’arrives pas forcément dans la peau d’un titulaire, puis tu finis avec 35 matchs, un but et quatre passes décisives. Ce sont des performances que tu pensais possibles en début de saison ?Si on m’avait demandé de payer cher pour arriver à ces stats, je l’aurais fait. Après une année difficile, je ne m’attendais pas à ce contrat, à faire autant de matchs. Monter en Serie B, faire quatre passes dé, un but… C’est un rêve. C’est dur à expliquer aujourd’hui, surtout vu d’où je viens.

C’est-à-dire, d’où tu viens ?L’année dernière, j’étais relégué en Serie D avec Bisceglie. Cette année, je monte en Serie B, c’est un truc de brelot ! Bon ça, c’est une expression de mon frère. (Rires.) Je pense qu’au vu de mon parcours, je savoure beaucoup plus. Il y a eu des moments vraiment difficiles. Forcément, il y a cette descente en Serie D, mais c’est un moment partagé avec tout un groupe et un club. À côté, il y a aussi des moments où j’étais sans équipe, où je m’entraînais seul. (Entre juin 2019 et janvier 2020, NDLR.)

Comment tu t’es retrouvé dans cette situation ? En fait, j’ai fait six mois à Potenza où j’avais un contrat, je fais tous les matchs de la phase aller, on est bien placés, mais le président ne veut pas me garder, alors je pars en prêt à Bisceglie où j’avais déjà passé une année et où j’étais bien. Après cette année-là, je suis retourné à Potenza où j’ai fait la prépa physique. Étant donné que le président ne comptait pas sur moi, j’ai cassé mon contrat et je me suis retrouvé sans club. Je pensais que j’allais retrouver quelque chose tout de suite derrière. Les premiers mois, tu t’entraînes dur puis, le dernier mois, je pensais que c’était fini. Finalement, un agent m’appelle pour faire un essai à Modena. J’ai signé là-bas, mais en tant que doublure et je n’ai pas joué. Entre les six mois sans club et les six mois à Modena, j’ai joué dix minutes en un an. Puis il y a eu mon héros, mon sauveur, le directeur sportif de Bisceglie, Livio Scuotto, qui m’a fait revenir au club. Après la montée, il m’a d’ailleurs fait un post pour me féliciter. C’est français ça « un post » ?

Ah oui, tu en oublies carrément ton français…Bah ouais ! Je suis parti en Italie à 17 ans, direct après ma formation. Donc l’Italie, c’est ma deuxième maison. Ici, j’aime les gens, j’aime la pizza, je mangerais des pâtes matin midi soir, j’aime tout ce qu’il y a autour. Depuis que je suis ici, je bois le café tous les matins, ce que je ne faisais pas avant.

Quand je suis allé à Parme à 17 ans, j’ai pensé « C’est bon je suis pro », alors que ça faisait trois ans que j’étais charpentier, que j’avais oublié cet objectif. En fait, ma carrière, c’est des montagnes russes.

Justement, depuis ton départ des équipes jeunes de Clermont à 17 ans, tu as connu onze clubs, avec des périodes où tu changeais de club tous les six mois. Comment tu as traversé ces changements ?Déjà, quand je suis arrivé en Italie, je ne parlais pas la langue. Je me disais : « Mais qu’est-ce que je suis venu faire ici… » En France, j’étais charpentier. Donc j’avais une vie « normale » . Je bossais la journée et, le soir, je m’entraînais avec les U19 nationaux de Clermont. Mon père faisait une heure de route pour m’emmener. Après un match contre Marseille, un agent m’a proposé de faire des essais à Parme, qui a finalement refusé de payer les indemnités de formation à Clermont. Je rebondis donc en Serie D (à Montechiari, NDLR). Mais quand je suis allé à Parme, j’ai pensé : « C’est bon, je suis pro », alors que ça faisait trois ans que j’étais charpentier, que j’avais oublié cet objectif. En fait, ma carrière, c’est des montagnes russes. Jeune déjà, je faisais le CREPS à Vichy, je pensais que c’était écrit que j’allais être footballeur. Puis beaucoup ont signé pro, et moi, je faisais partie de ceux qui n’avaient pas de contrat. Il fallait que je prépare un avenir hors du monde du football. Je ne vais pas te cacher que c’était dur. Je suis passé de ça à charpentier.

Pourquoi charpentier ?Je viens de la montagne, je suis assez hyperactif, c’est-à-dire que je ne pouvais pas rester dans un bureau. Et puis mes parents m’ont conseillé aussi. Il y a pas mal de travail là-dedans là où j’habitais, avec les chalets, tout ça.

Tu as encore un an de contrat, maintenant les valises sont posées pour de bon ?Déjà, une année pleine pour moi, c’est du jamais-vu, alors deux… On verra. Moi, j’aimerais bien rester, mais il y a la queue pour venir. Tu as tout ici ! Le paysage, et puis tu sais que le blason, dans ce club, c’est un truc de brelot. On connaît tous les joueurs qui sont passés par ici. C’est une équipe qui est habituée à la Serie A, qui a connu des joueurs comme Dybala, Cavani… Aujourd’hui, il y a un budget. Il va sûrement y avoir le City Group qui va arriver, mais on ne sait pas encore si c’est officiel. On sait juste que ce qui va venir est positif, donc j’aimerais bien renouveler. Mais là, je n’y ai pas pensé une seconde. Je profite du moment présent. Et je fais des grosses chouilles.

Dans cet article :
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Par Victor Le Boisselier, à Palerme

Photos : Tullio Puglia/Palermo F.C.

(1) Chiffre communiqué par la plateforme de vente de billets en ligne Viva Ticket

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