Tu as donc fréquenté la Jonelière en tant que joueur, quand tu étais jeune ?
Oui, tout à fait. À 16 ans, j’ai eu la chance d’être repéré par le FC Nantes et, à 17 ans, j’ai signé un contrat avec eux pour intégrer le centre de formation. Et puis, au bout d’un an, les dirigeants sont revenus vers mes parents et moi pour nous dire qu’ils avaient fait une erreur à mon sujet, que j’étais en gros une erreur de casting et que je ne pourrais pas rester au centre l’année suivante. À ce moment-là, mes parents m’ont donc dit qu’il fallait que je me reconcentre pleinement sur l’école. Je suis donc allé faire STAPS à Brest et, à 22 ans, après avoir eu mon CAPEPS, je suis devenu enseignant d’EPS et j’ai été muté à Pierrefitte-sur-Seine, dans le 93.
Et comment, en tant qu’enseignant, tu as basculé vers le recrutement de jeunes joueurs ?
Quand j’étais enseignant à Pierrefitte, j’ai continué à jouer au foot à l’AAS Sarcelles et je me suis rendu compte qu’à chaque match de jeunes, il y avait plein de mecs avec des calepins autour du terrain. Là où nous, en Bretagne, à l’époque, on voyait un recruteur tous les mois, là-bas, il y en avait peut-être dix par match. Ça m’a plutôt intrigué et, comme je n’avais pas une grande carrière de footballeur devant moi, j’ai décidé d’arrêter pour proposer mes services de détecteur à tous les clubs pros en France en leur envoyant mon CV, c’est comme ça que le FC Nantes s’est montré intéressé. Et voilà comment six ans après avoir été éjecté du FC Nantes, le club faisait appel à moi pour devenir leur scout en région parisienne.
Ça ne t’a dérangé de revenir travailler avec eux ?
Non, pas du tout. D’autant plus que j’ai toujours été très lucide sur mon niveau de l’époque. Le FC Nantes m’avait recruté en me voyant jouer à un tournoi de jeunes et c’est vrai que sur ces 48h-là, j’étais sur une autre planète, donc en fait, ils m’ont juste surévalué. C’est une chose qui peut arriver à tous les recruteurs. Ce n’est qu’une fois arrivé au centre qu’ils se sont rendu compte que je n’avais pas du tout le niveau requis. Je suis parti du FCN avec aucune amertume, je n’avais absolument pas de revanche à prendre. J’étais déçu, certes, comme un gamin de 17 ans peut l’être, mais la vie a continué. Quand ils m’ont appelé pour devenir recruteur, j’étais juste fier qu’ils me fassent confiance. Et je me suis mis au turbin pour trouver un maximum de jeunes.
Ils t’ont directement proposé un emploi ?
Non, au début, j’étais bénévole. Et je le suis resté toute la première année, je travaillais toujours en tant que prof d’EPS et je partais en observation les mercredis et les week-ends. Très rapidement, j’ai eu la chance de faire venir de bons jeunes qui m’ont mis en avant au sein du FC Nantes. Comme ça se passait très bien pour eux, ça m’a donné du crédit. Et au fur et à mesure, le club m’a demandé de prendre un peu moins d’heures en tant qu’enseignant, ils m’ont donné les moyens de me consacrer encore plus à mon rôle de recruteur, jusqu’au moment où, au bout de cinq ans, je leur ai dit que j’arrêtais pour me consacrer à une carrière d’agent de joueur. Je me suis donc associé avec un agent, mais quatre mois après, Laurent Guyot, qui était alors directeur du centre de formation, m’a demandé de revenir au club à plein temps. Je n’ai pas hésité et c’est à partir de là que je me suis mis en disponibilité de l’éducation nationale pour signer un plein temps avec le FC Nantes.
À l’époque, tu restais en Île-de-France ?
Oui, je suis resté un an dans la région parisienne à temps plein et puis, au bout d’un an, en 2008, je suis devenu responsable du recrutement des jeunes à la place de Vincent Bracigliano qui était mon responsable depuis plusieurs années.
Quand je dois dire à un jeune que c’est fini, je lui explique que la vie ne s’arrête pas là, qu’il y a plein d’autres façons de rebondir
Aujourd’hui, comment vis-tu le fait de dire à un jeune que c’est fini, toi qui as connu cette situation ?
J’ai l’avantage d’avoir connu ça, justement. J’ai moi-même été une erreur de casting, donc je suis bien placé pour savoir ce que ressentent les jeunes dans ces moments-là. De par mon parcours, je connais un peu toutes les facettes du métier et, quand je suis amené à dire à un jeune que c’est fini, je lui explique, ainsi qu’à ses parents, que la vie ne s’arrête pas là, qu’il y a plein d’autres façons de rebondir même dans le monde du football, j’en suis d’ailleurs la preuve vivante. Parfois quand j’explique aux gens mon parcours, ça peut permettre d’adoucir la chute.
Comment t’est venue l’idée d’écrire le livre Je veux devenir footballeur professionnel ?
Bah déjà au quotidien, je reçois une tonne de CV, de mails, de vidéos envoyés par des grands-pères, des tontons, des papas, des grands frères qui me demandent comment leur gamin peuvent intégrer le centre de formation. Souvent, je prends le temps d’y répondre, mais parfois je n’ai pas le temps. À force de me répéter et de dire tout le temps la même chose, je me suis dit qu’il serait pas mal de renvoyer ces gens-là vers des informations concrètes. Il y a donc l’idée d’aiguiller ces jeunes qui veulent intégrer un centre de formation, mais également d’aider les jeunes qui sont déjà dans des structures sportives, que ce soit des pôles espoirs ou des centres de formation. Je veux leur faire comprendre qu’il n’y a pas que le foot dans la vie, que l’école est toujours vitale. Après, je ne suis pas un donneur de leçon, l’idée ce n’est absolument pas ça, je veux juste donner les clefs aux jeunes et à leurs parents. En gros, ce que j’écris, c’est ce que je ferais si mon garçon était dans cette situation-là.
C’est vraiment quelque chose de novateur, il n’y a nulle part où l’on peut trouver de telles informations ?
C’est vrai que quand j’ai eu l’idée de mettre tout ça sur papier, je suis allé jeter un œil sur internet pour voir s’il existait déjà des choses sur le sujet, mais je n’ai rien trouvé. En fait, je me suis rendu compte qu’il y avait un vide à ce sujet. Ma démarche reste totalement gratuite, puisque le livre est librement téléchargeable sur notre site, je ne fais donc absolument pas ça pour l’aspect financier. Pour l’instant, on en est à plus de 25 000 téléchargements. C’est une démarche transparente qui a pour but d’aider les gens qui sont dans ces situations, c’est tout.
Avec ce livre, tu rappelles aux jeunes que le fait de devenir footballeur professionnel reste quelque chose de très difficile avec un taux de réussite très faible, même en centre de formation.
C’est important de remettre les gens dans la réalité. Dans mon esprit, ce livre s’adresse surtout aux familles, les retours massifs que j’ai, c’est de la part de parents, de formateurs. Quand on s’engage dans cette voie-là, qu’est le football d’élite, c’est tout de même mieux de savoir qu’il y a 85% de chances que ce soit plus l’école que le foot qui fera vivre son enfant. Dire le contraire serait mentir délibérément aux gens. Dans le bouquin, je dis que les jeunes doivent partir au combat avec une épée football, mais qu’il leur faut absolument un bouclier étude. C’est la simple vérité. Car il faut aussi prendre en considération que même ceux qui vont réussir ne vont pas tous avoir une carrière exceptionnelle. En générale, les jeunes ne voient que les très grands joueurs, ceux qui jouent le mardi soir en Ligue des champions et qui vont gagner de quoi couler des jours heureux à la suite de leur retraite. Mais ils ne voient pas la masse des footballeurs pros, qui constituent la majorité, et qui, eux, doivent se reconvertir une fois les crampons raccrochés, car ils n’auront pas gagné de quoi se mettre à l’abri le restant de leur vie. C’est pourquoi le bagage scolaire est très important, car il permet de gérer l’après-foot.
Il faut faire comprendre à l’enfant qu’il est indispensable d’être aussi exigeant à l’école que sur le terrain
Tu insistes également beaucoup sur le rôle des parents dans ces situations-là.
Oui, bien sûr. Les parents sont les garants de l’exigence scolaire. Bien entendu, tous les centres de formation mettent en avant l’importance de l’école, mais il faut qu’en parallèle, les parents soient derrière pour convaincre leur enfant que l’école reste ce qu’il y a de plus important. Et il faut faire comprendre à l’enfant qu’il est indispensable d’être aussi exigeant à l’école que sur le terrain.
Est-ce que tu as fait lire le livre aux jeunes du centre de formation de Nantes ?
Oui, bien sûr. Mais je l’ai surtout fait lire à ceux qui ne sont plus là, justement. Sur le site, il y a un témoignage de Maxime Baty qui est éducateur chez nous et qui a également été pensionnaire du centre quand il était plus jeune, il a joué une finale de Gambardella, il a signé stagiaire, il était vraiment aux portes du groupe pro, mais pourtant, ça n’a pas marché, et aujourd’hui, il fait autre chose. En fait, c’est plus ce genre de parcours-là qui m’intéresse.
Tu n’as jamais pensé à le commercialiser, ce livre ?
Au départ, quand c’est sorti, ça a tout de suite très bien marché et j’ai été sollicité pour sortir une version papier, mais je n’ai pas voulu, car l’idée est vraiment de transmettre un contenu gratuit qui est là pour aider les gens. Je veux rester dans une démarche transparente et sincère. Le commercialiser, ça irait à l’encontre de ce que l’on s’était dit avec Laurent Mommeja, la personne avec qui je me suis lancé dans ce projet, qui est de transmettre un contenu gratuit et accessible à tous. Je ne suis pas payé au nombre de vues ou au nombre de clics, je suis payé au nombre de retours que j’ai.
Son site : Je veux devenir footballeur professionnel
Botafogo, pour la gloire de l’OL ?