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Mais qui es-tu, Karanka ?

Par Thibaud Leplat, à Madrid
Mais qui es-tu, Karanka ?

Karanka est l’adjoint le plus célèbre du monde. Débarqué au Real dans les valises de José Mourinho, le Normal One ne dit pourtant jamais rien d’intéressant. Il est là et c’est déjà formidable.

Aitor Karanka est un homme extraordinaire mais personne ne s’en souviendra jamais. L’adjoint du Mou est l’écuyer fidèle et résigné du héros occupé à écrire sa légende. Dans 50 ans personne ne se rappellera que dans les années 2010, assis à la gauche de Mourinho, il y avait ce Basque né en 1973 à Vitoria. Personne ne se souviendra que c’est lui qui transmettait les consignes du patron pendant le match, qui rapprochait les bouteilles d’eau de la ligne de touche les jours de grandes chaleurs ou qui dirigeait parfois même (un peu) les entrainements à Valdebebas. L’histoire oubliera cet homme car elle est trop cruelle. Pourtant, depuis l’arrivée du Special One, jamais un adjoint n’avait eu autant droit à la parole. Avec une fréquence d’une à deux interventions par mois en moyenne depuis la saison dernière, Karanka parle beaucoup plus que Jean-Louis Gasset, Tito Vilanova, Gérald Baticle, Clause Makélélé ou Carles Rexach réunis. Sa dernière conférence de presse a même duré 5 minutes 48. Et c’est beaucoup 5 minutes 48 quand on a rien à dire.

Ses aphorismes n’ont rien d’un Special One, c’est vrai. Sur l’altercation de Mourinho avec l’arbitre du clasico : « Je ne peux pas commenter quelque chose que je n’ai pas vu » . Sur les états d’âme de son patron : « Nous savons tous comment est le mister, parfois il va bien, parfois non » . Mais Karanka aime son chef et le dit. « Après huit mois de travail en commun c’est clair que nous sommes en harmonie. Maintenant que je connais la personne, je suis encore plus content que lorsque j’ai commencé » loue-t-il. Karanka n’est pas de ceux qui ont besoin d’être persuadés pour obéir. Il est de ceux qui sont déjà d’accord. Le bras gauche du Mou est heureux de sa place parce qu’il n’a rien à prouver à personne. Pourtant, il pourrait nous en mettre plein la vue, le Basque. Gamin, il avait deux rêves : être titulaire à San Mamès avec son Athletic et jouer la Coupe d’Europe avec le Real. A 25 ans il les avait déjà réalisés. En 5 saisons au Real (de 1997 à 2002), il a raflé 3 Ligues des Champions, 1 Liga, 2 Supercoupe d’Espagne et 1 Intercontinentale. Mais il ne la ramène pas, lui.

Mais à quoi sert Karanka ?

Quand José Mourinho signe son contrat, il impose ses fidèles. Silvino, entraineur des gardiens, est le pendant affectif de Mourinho. À Porto, Chelsea et l’Inter, le grand costaud accompagne toujours le petit grisonnant à l’entrainement. Le Mou n’aime pas conduire, alors il trouve toujours le gîte proche de la maison de son ami. Nés tous les deux à Setubal, il leur arrive même de partir en vacances avec leurs familles respectives. À la droite de Mourinho, il y a ensuite Rui Faria, physique d’imberbe et lunettes de bon élève. Comme le Mou, il n’a jamais fait carrière à l’intérieur du terrain. Il est son pendant intellectuel. Fin théoricien et fidèle exégète des méthodes d’entrainement de Mourinho, il accompagne son maître depuis 2001. Quand il arrive à Chelsea, Mourinho prévient Abramovich : « il y a une personne, une seule personne, réellement indispensable et qu’il faut faire venir ici. C’est Rui » . 10 ans que ces deux-là bossent ensemble. Et puis il y a le troisième : Morais, l’œil de Moscou. Le sosie de Maicon est envoyé sur tous les terrains d’Espagne et d’ailleurs. Il espionne, écrit, prévient, avise et rapporte. Mourinho l’a choisi pour remplacer Villas Boas en 2008. Qui alors pour distribuer les chasubles ? Vous avez deviné.

Karanka n’est ni un génie de la préparation physique, ni un ancien gardien, ni un observateur avisé. Comme Steve Clarke à Chelsea, ou Beppe Baresi à l’Inter, Karanka est la caution locale de l’entraineur portugais. C’est aussi un second choix. Mourinho voulait Fernando Hierro, légende du club royal. Mais l’actuel directeur sportif de Malaga refuse. Trop intelligent pour se laisser piloter. Trop ambitieux pour accepter de porter les bouteilles d’eau. Miguel Pardeza propose Aitor Karanka, alors entraineur des -16 espagnols, « par prudence et pour son expérience » . Le Mou accepte et fait d’un ancien défenseur central, et ex-voisin de Galactique, une icône médiatique. Karanka n’a aucun don d’orateur ni de polémiste. C’est d’autant plus jouissif pour son patron. Quand Karanka parle, c’est le Mou qu’on écoute et qu’on regrette. En deux saisons, Karanka a comparu près d’une trentaine de fois devant la presse. Il n’a jamais rien dit, ni résolu. Sa seule fonction a été de sur-signifier physiquement l’absence du grand timonier portugais. « Envoyer Karanka » est devenu une expression en espagnol. Beaucoup de Madrilènes rêvent d’envoyer Karanka quand il s’agit d’aller descendre les poubelles, voir son banquier, inviter sa belle-mère à déjeuner ou justifier un retard un peu trop alcoolisé. Karanka tient sa postérité. Enfin.

Par Thibaud Leplat, à Madrid

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