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Gloukh, l’Oscar du meilleur espoir
À 20 ans, Oscar Gloukh est déjà dans le viseur des plus grands d’Europe. Le milieu offensif de Salzbourg, qui a perdu son meilleur ami dans les combats dans la bande de Gaza, suscite beaucoup d’attentes en Israël, qui espère dans son sillage revenir sur la carte du football international. Et faire parler du pays pour autre chose que pour la guerre.
Le bout du tunnel se profile. Israël n’a plus connu un tournoi majeur depuis la Coupe du monde 1970, mais le pays commence à entrevoir autre chose. Placé dans la Ligue C au moment du lancement de la Ligue des nations en 2018, Israël a connu deux promotions en trois éditions. Ils ne feront probablement pas long feu en Ligue A compte tenu de l’adversité de leur groupe (Italie, France, Belgique), mais les Bleu et Blanc tiennent là l’occasion de continuer leur progression. En ligne de mire, les éliminatoires de la Coupe du monde 2026, mais surtout l’Euro 2028, plus accessible pour espérer revenir autour de la table. Cela laissera le temps à la nouvelle génération, finaliste de l’Euro U19 en 2022, demi-finaliste de l’Euro Espoirs et troisième du Mondial U20 en 2023, de monter en grade. Oscar Gloukh incarne mieux que quiconque ce renouveau, dont la France a déjà fait les frais.
Soviet Suprem
C’était en juin 2022, à Dunajská Streda, dans le sud de la Slovaquie. Le milieu offensif déboule sur le côté et centre au sol vers Ahmad Salman. Isaak Touré, en train de se replacer, est contraint au CSC. Le piège se referme sur les Bleuets, obligés de courir derrière le score dans cette demi-finale. La bande d’Andy Diouf et Alan Virginius, pourtant irrésistible jusque-là, ne reviendra pas (1-2). Oscar Gloukh ressort son plus bel habit trois jours plus tard, en finale de l’Euro, contre l’Angleterre, en enchaînant un contrôle orienté, un dribble dévastateur et une frappe imparable du pied droit. À l’époque, Gloukh n’a encore que 18 ans, mais affiche déjà trois buts en dix matchs avec le Maccabi Tel-Aviv. Lancé comme une fusée, le crack ne restera que six mois de plus au pays, le temps d’éclabousser définitivement le championnat de sa classe (quatre buts et huit passes décisives en 17 matchs) et de devenir international chez les A. Le Red Bull Salzbourg met la main sur l’enfant de Rehovot dès le mois de janvier 2023, contre sept millions d’euros. Au nez et à la barbe de plusieurs cadors du continent, dont le FC Barcelone.
« Leur offre est arrivée un peu tard, nous étions déjà d’accord avec Salzbourg. Je pense que nous avons pris la bonne décision en allant à Salzbourg plutôt qu’à Barcelone, cela a plus de sens pour mon développement en tant que joueur », a-t-il ouvertement expliqué, droit dans ses pompes. Certainement le fruit de ce que lui a inculqué son père Maxim, ancien footeux et féru d’arts martiaux. Le fiston, qui a lui-même fait du karaté jusqu’à ses 14 ans, a eu droit à une éducation basée sur la discipline et le principe de ne jamais rien lâcher. « La méthode soviétique », résumait son agent Shahar Greenberg, ajoutant que « pendant des mois, son père a insisté pour qu’Oscar tire uniquement avec son pied gauche », son pied « faible ». Résultat : le milieu offensif botte aussi bien les fesses des défenseurs du pied gauche que du droit.
Oscar Gloukh only scores bangers. pic.twitter.com/OEjecgazqJ
— FC Red Bull Salzburg EN (@FCRBS_en) March 18, 2024
« La moitié de mon cœur a été prise »
Dès sa première saison pleine en Autriche, le magicien de 1,70 m réussit à rapetisser à peu près tout le monde avec neuf buts et une bonne quinzaine de passes décisives. Il a notamment marqué lors de la victoire face à Benfica et sur la pelouse de l’Inter en Ligue des champions. Un rêve devenu réalité, mais vite assombri par le contexte régional. « Je ne peux pas célébrer de tout mon cœur car environ 220 prisonniers âgés, femmes, enfants et bébés sont retenus par le Hamas et personne ne sait ce qu’ils traversent, écrit-il alors sur Instagram. Des milliers de gens qui sont venus s’amuser et danser ont été massacrés de sang-froid. Je veux dédier ce but à tous les soldats qui protègent notre pays en ce moment. » Pris dans le feu des combats, comme la plupart des athlètes israéliens, Gloukh a tenté d’utiliser sa notoriété au profit de la libération des otages. Il a logiquement marqué le premier anniversaire de l’attaque menée par le Hamas lundi en partageant un visuel représentant une bougie et un sablier, à côté desquels on pouvait lire « Ne jamais oublier » et « Ramenez-les à la maison MAINTENANT ».
Le joueur aux 14 sélections est d’autant plus impliqué que le conflit a emporté son ami Afik Tery, qui tapait lui aussi dans le ballon, au sein du club de Sektzia Ness Ziona. Engagé dans les forces israéliennes, Tery est mort dans une explosion, comme deux autres soldats, au cours d’une opération menée à Khan Younès, au sud de la bande de Gaza. « Mon pote, mon meilleur ami, la personne qui était avec moi à chaque moment important de ma vie. Je n’arrive toujours pas à comprendre que je ne te verrai plus, que je n’entendrai plus ton rire et je ne verrai plus ton sourire quand je reviendrai en Israël, cite le message poignant qu’il avait publié début mars. Je t’aime plus que je pourrais jamais aimer quelqu’un dans cette vie. J’ai l’impression que la moitié de mon cœur a été prise. Maintenant, je dois avancer, mais pour toi je serai fort parce que c’est ce que tu voudrais. » Sa promesse est largement tenue sur le terrain. Depuis le mois d’août, dans une équipe de Salzbourg bancale, humiliée par le Sparta Prague (3-0), Brest (0-4) et Sturm Graz (5-0) en l’espace de trois semaines, Gloukh représente l’une des rares raisons de positiver avec son triplé contre le FC Blau-Weiss Linz et son doublé face à l’Austria Vienne. Le garçon ne s’est pourtant pas vraiment reposé puisqu’il a pris part aux Jeux olympiques de Paris cet été (trois matchs, un but). Mais il faut avancer, quoi qu’il en Gloukh.
Par Quentin Ballue