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Les années italiennes de Reynald Pedros

Par Valentin Pauluzzi
6 minutes
Les années italiennes de Reynald Pedros

Napoli-Parma ou deux équipes historiques de la Botte qui s'affrontent. Ce sont aussi les deux équipes italiennes de Reynad Pedros où il a vécu galère sur galère.

Une carrière se joue à rien, et Reynald Pedros le sait. Il s’est confié dans une autobiographie parue en 2012 et dont le titre dit tout : Le Complexe du Canari. Ces joueurs issus du moule de l’école nantaise et incapables de reproduire les mêmes performances une fois qu’ils prennent leur envol. L’Italie, Pedros la découvre en février 1997 en signant à Parme, alors entraîné par Ancelotti : « Un coach avec qui j’ai d’excellents rapports, quelqu’un de très honnête. Il aime faire évoluer l’équipe en 4-4-2 et m’a pris pour me faire jouer sur l’aile gauche. Mais je me blesse de suite et je n’arrive à jouer que les quatre derniers matchs de la saison. » Nous sommes à l’été 1997, à un an du Mondial qui se déroule en France et c’est là que la carrière de Pedros arrive à un carrefour important. Jacquet est clair, seuls les titulaires en club seront retenus : « J’ai demandé à Ancelotti comment se présentait la situation, il m’a répondu : « Le turnover va s’installer très vite, tu joueras un ou deux matchs sur trois. Je sais que tu as l’échéance du Mondial, c’est toi qui décides, mais tu peux rester ici. » » Pedros joue et marque même un but lors de la victoire 4-0 contre Lodz en préliminaires de la Champions League, puis devant l’arrivée de Blomquist et Fiore, il décide de privilégier le temps de jeu et opte pour Naples après avoir longtemps hésité. Vogue la galère.

Le folklore napolitain

Il n’y reste que de septembre à novembre, le temps de découvrir un bordel sans nom : « L’entraînement se déroule sur un terrain sécurisé, derrière une porte blindée, dans un quartier dont la violence quotidienne apparente frise la folie. Joueurs et dirigeants me mettent immédiatement au parfum : il faut veiller à ne pas garer sa voiture n’importe où, rester dans son hôtel et ne pas sortir seul en ville. » Ça, c’est une chose, mais Pedros est avant tout venu pour jouer : « L’entraîneur Bortolo Mutti m’ignore complètement et me fait clairement comprendre qu’il ne compte pas sur moi. Je sais alors que je ne serai pas titulaire indiscutable comme les dirigeants l’ont laissé entendre. » L’ancien Nantais croise un certain Prunier : « Nous devenons vite inséparables, liés par l’incommensurable galère dans laquelle nous nous retrouvons. Je me souviens à table, avec lui et le Belge Crasson, de nos fous rires nerveux dus à notre situation piteuse et ubuesque. Lorsque Prunier me demande de lui donner les clés de la voiture que le club m’a prêtée, c’est tout naturellement que j’accepte. Deux jours plus tard, il m’apprend qu’elle a été volée. » L’OL viendra le sortir de ce bourbier qu’il qualifie « d’environnement corrompu malsain et pourri de l’intérieur » . Naples finit la saison bon dernier avec 14 petits points.

La deuxième chance à Parma

Son expérience à l’OL fut finalement peu concluante : «  »Si tu retournes en France, Reynald, c’est un constat d’échec », me dit Jacquet en novembre 1997. » Pedros est du stage à Tignes pendant les fêtes, mais ne figure même pas dans la liste des 30. Retour à Parme donc, avec qui il a encore trois ans de contrat : « Mon agent s’occupe de joindre le directeur sportif du club Fabrizio Larini pour savoir de quoi mon avenir sera fait : « Tu fais partie intégrante du groupe pro. La porte est ouverte : si tu es bon, tu joueras. » Je décide donc de rester dans un environnement qui me plaît et qui me sied. J’entame la saison sous les ordres d’Alberto Malesani. Je retrouve très vite le goût du jeu, puisque je participe à tous les matchs amicaux estivaux. » Malgré tout, Pedros ne joue pas la moindre minute lors des deux matchs de coupe contre le Genoa et demande tranquillement des explications : « Je fais appel à Lilian Thuram pour traduire, afin qu’il n’y ait pas d’incompréhension. Très vite, je sens l’entraîneur aussi étonné que moi : « Mais Reynald, que t’a dit le club exactement ? Tu ne fais pas partie des plans du directeur sportif. » » Y a anguille sous roche.

Saison blanche à l’écart du groupe pro

Joint par nos soins, voici la version de Fabrizio Larini : « Il était arrivé à la préparation avec une condition physique indigne d’un professionnel, et puis Malesani jouait en 3-5-2, Pedros ne lui servait pas. » Voilà pour l’autre son de cloche. Comme on dit en italien : « La vérité se trouve au milieu » . L’Orléanais, lui, participe aux entraînements, mais n’est jamais convoqué : « Lorsqu’il faut exclure quelqu’un d’un exercice pour atteindre un nombre pair de joueurs, c’est toujours moi. » Mais en janvier, la situation empire : « À mon retour d’un essai non concluant au Sheffield de Waddle, Larini vient me voir dans le vestiaire pour me parler, je lui dit de voir ça avec mon agent. S’ensuit une altercation violente devant l’effectif. Boghossian vient mettre son grain de sel : « Tu es fou de lui parler comme ça. » « Je ne t’ai rien demandé, ce n’est pas ton problème », lui répond-je. Alain Boghossian n’est en outre pas le genre de personnage que j’apprécie, et l’épisode de Knysna en 2010 a confirmé ce que je pensais de lui et de sa mentalité. » Bim, ça c’est fait. En attendant, Pedros est écarté du groupe pro et finit la saison avec les U19. Une saison entièrement blanche alors qu’il n’a que 27 ans : « C’est là que ma perception de l’amitié footballistique en prend un coup, je n’ai pas reçu un coup de fil de solidarité de la part de mes coéquipiers… »

« Essaie la créatine… »

Prêté à Montpellier à l’été 1999 pour une expérience qui se révélera être un nouvel échec, Pedros ne remettra plus les pieds en Italie. Il termine le récit de son aventure transalpine par un chapitre entier dédié aux pratiques médicales : « J’ai vécu le fameux manège des perfusions et des piqûres, un rituel qui permet de récupérer plus rapidement des efforts. Ces cures de vitamines et de sels minéraux sont alors inscrites dans la culture transalpine du football de haut niveau et surtout tout à fait licites. La confiance en la médecine est totale et le doute d’un quelconque dopage n’effleure personne. » Il continue : « Lors de la saison 1998-99, j’ingère également de la créatine, produit non prohibé au niveau international et seulement interdit en France après la Coupe du monde 98. Les clubs italiens expérimentent beaucoup cette substance favorisant la prise de masse musculaire. À titre personnel, cela se traduit d’ailleurs par cinq à six kilos de muscles supplémentaires. Lorsque je décide d’arrêter d’ingérer ce mélange, ma masse musculaire fond alors comme neige au soleil, et je me blesse gravement au cours du dernier entraînement de la saison. Difficile de ne pas faire le rapprochement et de ne pas s’interroger sur d’éventuels liens de cause à effet, tant la médicalisation systématique du foot italien des années 90 a abouti à l’instauration d’une troublante pharmacopée. » 10 matchs, 1 but et quelques pilules de créatine : c’étaient les aventures de Reynald Pedros en Italie.

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Par Valentin Pauluzzi

Propos de Pedros : Le Complexe du Canari, Éditions Idoines

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