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Le supporter de Trump est-il le pire des footix ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Le supporter de Trump est-il le pire des footix ?

L’envahissement du Capitole par quelques centaines de « supporters » de Donald Trump désireux d’empêcher la proclamation définitive de la victoire de Joe Biden a laissé le monde médusé, notamment dans la splendide agora des réseaux sociaux. Nous avons tous, bons Européens, regardé cet aréopage de Rednecks, suprémacistes blancs et de complotistes à cornes profaner l’un des piliers de la démocratie de la plus grande puissance mondiale. Comme autrefois les footix nous volèrent le foot que nous aimions et piétinèrent ses valeurs ?

Les politologues se perdent en conjectures. Les analystes et les twittos ont multiplié les parallèles historiques : Marche sur Rome, 6 février 1934… Tous les grands penseurs de plateaux télévisés et spécialistes du fascisme ont été convoqués : Zeev Sternhell et sa « droite révolutionnaire » et bien sûr le plus pertinent, Curzio Malaparte avec son prophétique « Technique du coup d’État ». Toutefois, il n’est pas forcement nécessaire de déballer sa bibliothèque de parfait étudiant de Sciences Po pour trouver des prédécesseurs, même forcément imparfaits.

Il existe un prototype social qui fournit en effet quelques caractéristiques communes avec le trumpiste de base. Il est bien de chez nous, et nous l’avions appelé le footix. Bien sûr, beaucoup hurleront à la comparaison tronquée, à l’exercice de style ou encore à la mauvaise foi bancale. Néanmoins, la corrélation entre les deux phénomènes donne parfois le tournis. À cette distinction près : si le footix fournissait finalement le portrait-robot de l’électeur type par exemple de Jacques Chirac, il n’a jamais fait courir le risque d’une contre-révolution aux conséquences imprévisibles.

Mauvais goût et inculture

Premier jumelage, le footix aime le foot tout comme le trumpiste s’intéresse à la politique. Nul besoin d’en passer par une histoire connue et ressassée ou des corps intermédiaires (partis ou groupes ultras), le rapport à l’objet de la passion est direct, intuitif et combustible. Le footix s’y connaît en foot puisqu’il le dit, et désormais il peut le prouver avec les paris sportifs en ligne. Toute l’appréhension du monde des supporters de la mèche blonde se justifie et se contente de vidéos complotistes sur YouTube (à côté, Steve Bannon est un lettré). Le footix assemble des objets dépareillées pour se construire une culture (l’écharpe de l’équipe de France, le maillot des Verts 1976 et le DVD Les Yeux dans les Bleus). Le mauvais goût et l’inculture ne lui font pas peur.

Les trumpistes qui ont envahi le Capitole ont démontré, nonobstant les idées nauséabondes grappillées de-ci de-là, un penchant identique pour le patchwork : drapeau sudiste sur un tee-shirt néo-nazi avec un couvre-chef vaguement néopaïen. Surtout, ils sont forcément la meilleure et la plus légitime incarnation de ce qu’ils proclament défendre : l’Amérique des pères fondateurs ou le football français. Les gauchistes, ultras, intellos, féministes et autres minorités ne deviennent, finalement, que des prétentieux et des imposteurs.

La VAR pour recompter les voix en Géorgie ?

Le footix et le trumpiste partagent aussi l’amour des chiffres et des stats. La VAR et le recomptage des voix. On ne vole pas un but ni une élection, quand bien même tout le monde sait quelle équipe mérite de l’emporter. Car le footix, tout comme le trumpiste, ne supporte pas de perdre. Ses couleurs doivent toujours l’emporter. La défaite ne fait pas partie de son vocabulaire intime du ballon rond, pas plus que l’idée d’une alternance démocrate puisse appartenir au champ des possibles.

Pourtant, il faut savoir repérer les limites de ce petit jeu, aussi plaisant ou effrayant soit-il. La où le footix incarnait une masse informe qui submerge le stade de France puis les réseaux sociaux, le trumpiste agit en minorité putschiste. Il a son Conducator. Il veut une Amérique à son image, le footix veut croire qu’il est le foot. Il n’ira pas à la bagarre contre les gardiens du temple en Adidas trois bandes, il sait qu’il va y laisser ses dents. Il n’a pas non plus de sauveur ni de guide suprême, Aimé Jacquet ou Zidane sont encore trop loin de lui. D’ailleurs, Jacquet n’a jamais dit aux footix qu’il les aimait ni qu’ils étaient « très spéciaux », contrairement à Trump après les évènements du Capitole…

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Par Nicolas Kssis-Martov

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