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Le paradoxe Firmino

Génial et indispensable au système de Klopp à Liverpool, Roberto Firmino est pourtant souvent critiqué pour ses faibles statistiques. Des attaques injustes tant l'attaquant brésilien bosse pour les autres, mais qui arrivent à un moment où le technicien allemand des Reds dessine déjà ses plans pour l'été prochain. Au cœur, une question revient : faut-il sacrifier Firmino pour un attaquant plus prolifique ?
Jürgen Klopp déteste le silence. L’homme est plus Metallica que Maurice Ravel et ne s’en est jamais caché. Lorsqu’il bosse dans son bureau de Melwood, le technicien allemand de Liverpool se laisse pourtant davantage bercer par du Genesis ou du Kiss. La raison est simple : sous ses lunettes, Klopp refuse de perdre le rythme, en permanence. Son football est comme ça, son approche est comme ça, sa vie personnelle est comme ça. Une autre alternative était-elle possible ? À l’écouter, non : « Quand j’ai quitté l’école, ma tête m’a dit : « J’espère que tu peux faire quelque chose dans le football car, sinon, je ne suis pas hyper confiante pour ton avenir. » » Le terrain puis le banc sont alors devenus des échappatoires, mais aussi des lieux d’expression. Écouter Jürgen Klopp parler est une chose, le voir agir en est une autre. L’Allemand connaît désormais parfaitement les contours d’un métier pour lequel il se dépouille depuis seize piges : s’il veut laisser une empreinte plus personnelle qu’émotionnelle à Liverpool, il lui faut laisser une trace. Une trace qui se distingue en deux catégories : l’identité et les breloques.
Voilà pourquoi Klopp a été amené en Angleterre. Gagner et s’il peut le faire avec style, c’est encore mieux. Ce qu’on sait depuis quelques années maintenant, c’est que l’ancien entraîneur du Borussia Dortmund est incapable de s’imposer quelque part sans son style. Reste qu’aujourd’hui, le voilà de nouveau placé face aux limites d’un effectif qu’il tient entre les doigts depuis octobre 2015 et avec lequel il n’a rien remporté. Il a déjà promis que l’été prochain serait agité, mais la fin de saison des Reds doit aussi l’être impérativement si le club veut retrouver l’Europe au plus vite. L’inconstance est aussi devenue une partie de l’identité de son Liverpool et c’est le problème principal. Le chantier de la saison prochaine est donc déjà lancé. Et au milieu, un premier casse-tête : le cas Roberto Firmino. Voilà pourquoi.
Les chiffres et les actes
Les faits, d’abord, et la parole à la défense d’un accusé qui ne devrait pas se retrouver dans un tribunal. Deux copies côte à côte : le Liverpool-Arsenal (3-1) du 4 mars dernier et le Liverpool-Burnley (2-1) du 12 mars. La première avec Firmino, la seconde sans, l’attaquant brésilien ayant reçu un coup lors de la victoire éclatante contre les Gunners. Un témoin s’est déjà positionné dans cette affaire cette semaine : Ian Wright. « Rien que sur la réception de Burnley, on a pu voir à quel point l’absence de Roberto Firmino pouvait être handicapante. Une semaine plus tôt, on avait vu ses qualités de mouvement, sa facilité dans la surface et même sa capacité à marquer. C’est un numéro neuf et un numéro dix en un seul joueur. Il est responsable de tant de problèmes dans une défense. »
Plus que jamais depuis le début de la saison, il y a un Liverpool avec et un Liverpool sans Roberto Firmino. Sans lui, Sadio Mané et Philippe Coutinho ont moins d’espaces, semblent plus étriqués, braqués, incapables de lâcher les différences dont ils sont capables lorsque les trois braqueurs sont réunis. Alors, que reproche-t-on aujourd’hui à l’accusé Firmino ? Ses stats, pour commencer, soit dix petits buts toutes compétitions confondues cette saison, ce qui reste maigre pour un buteur, même lorsqu’on est un faux neuf, un rôle inconnu avant l’arrivée de l’international brésilien dans le cœur d’un Anfield habitué aux attaquants plus classiques. Aujourd’hui, c’est ce que lui reprochent avant tout les supporters des Reds, au-delà de la folie qu’il amène au jeu de l’équipe.
Problème : à l’heure qu’il est, Firmino est indispensable au système Klopp, comme un garant de la santé des siens, surtout face aux gros calibres comme Manchester City avec qui Liverpool a rendez-vous dimanche. S’il y a besoin d’une preuve irréfutable, il suffit de se repasser la partition de l’attaquant brésilien à l’Etihad Stadium (4-1) la saison dernière. L’autre question touche à la tournure que souhaite donner Klopp à son projet anglais dès l’été prochain. Au cours de sa carrière, l’Allemand s’est souvent appuyé sur de grands buteurs (Lewandowski, Aubameyang et même un peu Sturridge). Que fera-t-il lors du mercato estival ? Est-il prêt à sacrifier Firmino, comme une partie de la presse anglaise le laisse entendre depuis quelques semaines, pour mettre le paquet sur un top buteur européen ? Jürgen Klopp semble hésiter et ne s’en cache pas vraiment malgré le fait qu’il possède la meilleure attaque de Premier League (60 buts). Au fond, ce serait difficile à accepter pour un pion essentiel qui est en passe de devenir l’un des fers de lance de sa sélection nationale avec Tite et une fracture totale du style mis en place depuis plusieurs mois. La réussite ne viendra pas par là, mais plutôt par une consolidation de l’équilibre défensive des Reds. En attendant, il y a une fin de saison à assurer et une participation européenne à aller chercher. Sinon, ce pourrait être Firmino lui-même qui filerait jouer son rythme ailleurs. Juger sur les actes ne doit pas être uniquement juger sur les chiffres.
Par Maxime Brigand