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ACTU MERCATO

Le jour où Éric Sikora a failli rallier Liverpool

Par Arnaud Clément
Le jour où Éric Sikora a failli rallier Liverpool

À l'été 1998, Éric Sikora, le médaillé Grand or du travail du RC Lens arrivé au club en 1980, manque d'un rien de signer à Liverpool, dans la foulée du titre de champion. L'affaire capote, et le flou sur les raisons de ce revirement s'épaissit. Querelle d'agents ? Raisons familiales ? Menaces de chiens placés en quarantaine ? Éclairage.

À l’été 1998, le Nord Pas-de-Calais frôle la crise cardiaque. Bien trop d’émotions à supporter en si peu de temps ou d’I will survive à encaisser à travers le téléviseur Gründig ou le poste de la R21. Il y a d’abord ce titre de champion de France, le seul et unique, glané par le Racing club de Lens après un combat à la Pyhrrus contre le FC Metz de Joël Muller et des PP flingueurs : malgré l’égalité de points au classement, les Lensois sont sacrés grâce à une meilleure différence de buts. Gervais Martel est alors tout sauf dans un « mood mammadovien » , et toute la région lui emboîte le pas, enivrée par cette sensation nouvelle de planer au-dessus du ballon rond hexagonal avec cette équipe aux contours si singuliers. Son entraîneur-druide Daniel Leclercq, son buteur slave Anton Drobjnak, son attaquant Jean-sans-peur Tony Vairelles, son magicien-lutin Stéphane Ziani, son arrière-garde Warmuz-Wallemme-Déhu robuste comme un mineur polonais…

Dans le même temps, tandis que Chilavert manque d’un rien d’étouffer tout le stade Bollaert, avant que Laurent Blanc ne lui cloue le bec, les supporters du RCL se sentent pousser des ailes en suivant, comme tous ceux des Bleus, les exploits de la bande à Mémé Jacquet jusqu’à l’apothéose du 12 juillet. « Ah quel pied, ah putain ! » est alors un credo pas seulement revendiqué par Thierry Roland. Pourtant, dans cet océan de bien-être, un homme a la tête ailleurs : Éric Sikora, le latéral droit lensois, pur produit maison pétri de détermination. Le Giacinto Facchetti du RCL, arrivé en minimes en 1980 et jamais reparti depuis. Malgré tout son amour pour les corons et ce supplément d’âme offert par Bollaert aux siens les soirs de match, le capitaine est à un tournant de sa carrière. La trentaine passée, il vient de toucher sans doute au « must » avec sa formation en allant chercher ce titre avec la plus belle bande de potes qui soit. La fête aurait même été totale si le PSG de Raï et Simone ne lui avait pas barré la route en demi-finale et finale des deux coupes.

Werth’s original

Une question se pose alors : continuer ici ou ailleurs ? Si cornélien soit-il, le choix de Sikora, fort alors d’un titre de meilleur latéral droit de D1, s’oriente petit à petit pour l’aventure loin des yeux, mais près du cœur, et pourquoi pas à l’étranger, comme le révèle David Delporte, journaliste à La Voix du Nord et auteur du livre Sikora une vie en sang et or : « Il était bien à Lens, mais il avait vécu de beaux moments, et dans sa tête, c’était peut-être l’occasion ou jamais de découvrir d’autres choses. Au début, sa femme n’était pas hyper motivée à l’idée de partir, mais pour sa carrière, elle a donné son accord. » Reste un hic à gérer : cet agent qui ne se démène guère pour lui, comme l’intéressé l’expliquait en 2013 à 20minutes.fr : « J’étais avec un agent (Jeannot Werth, ndlr) depuis des années et aucun club ne m’appelait. J’ai donc pris un autre agent. »

Jeannot Werth est pourtant un nom qui pèse dans le game du placement de produit footballistique : il gère alors un portefeuille de joueurs de renom parmi lesquels le capitaine de France 98, Didier Deschamps, mais aussi cinq Lensois (Déhu, Magnier, Sikora, Wallemme, Warmuz). Une sorte de Jorge Mendes avant l’heure, pouvant faire ou défaire les carrières. Qu’importe si son contrat d’exclusivité avec Werth court jusqu’en 1999, Éric Sikora ne veut plus en entendre parler et se tourne vers Alain Tirloit, ancien défenseur des années 1980 passé tantôt par le LOSC, tantôt par le Racing. « Il m’a dit « Tu fais ce que tu veux, mais je ne veux pas que Jeannot touche un centime sur mon dos » » , confirme Alain Tirloit, qui a alors des touches avec Stuttgart et l’OM, une rencontre ayant même lieu avec Rolland Courbis. Avant ce coup de fil qui allait changer la donne.

« On était d’accord sur tout »

Outre-Manche, après une mission à la DTN, Gérard Houllier vient en effet de prendre les rênes de l’institution Liverpool FC, qui commence à prendre la poussière malgré ses Ince, McManaman ou Owen et son palmarès long comme les ailes du Liver bird. Alain Tirloit l’a eu comme coach à ses débuts, lors de son passage à Nœux-les-Mines en D2, et lui téléphone : « Je voulais le féliciter et on a discuté. Il m’a dit alors qu’il cherchait des joueurs. » Avec une clause de départ légèrement supérieure à un million de francs, c’est peu dire que Sikora est un bon coup à réaliser pour les Anglais : le joueur reste très accessible, malgré un bagage certain et encore quelques années à jouer devant lui. Les pourparlers s’engagent et tout roule pour Éric Sikora : « On a rencontré les dirigeants de Liverpool à Paris et on était d’accord sur tout. Il ne restait plus qu’à aller là-bas pour passer la visite médicale. »

Mais la signature ne sera jamais apposée en bas d’un quelconque contrat, la faute aux bisbilles entre les deux agents en concurrence, l’officiel ayant pourtant réalisé le transfert de l’officieux – qui deviendra tout de même le seul et l’unique peu après – de Lens à Mulhouse en 1984. Après que Jeannot Werth s’est manifesté auprès des dirigeants de Liverpool pour reprendre la main, contrat le liant à Sikora faxé en guise de preuve, le partage de la commission suscite de grosses négociations, les deux hommes rejetant la faute sur l’appât du gain supposé de l’autre. « Alain en voulait toujours plus et après lui avoir proposé de faire 50-50 lors d’une première rencontre, lui, son avocat et moi-même avons convenu de faire 70-30 de partage de la commission en sa faveur lors d’une réunion à Orly » , balance Werth. Tirloit répond : « Fred Déhu devait aussi aller à Liverpool cette année-là, et il était aussi son agent. Il a menacé les dirigeants que s’il n’avait pas la commission de Sikora, Liverpool ne signerait jamais Déhu… Vous savez, dans ce milieu, il y a des pressions incroyables. » Les débats traînent et finalement, las de ces atermoiements et sans doute convaincu que son bonheur n’était pas ailleurs, en conformité avec les vœux familiaux, Éric Sikora prolonge peu de temps après avec le RC Lens.

Ses chiens placés en quarantaine ?

Pourtant, une rumeur folle persiste dès lors qu’il est question de la non-signature de l’actuel ambassadeur de la ville de Lens pour l’Euro 2016. À la manière d’un Johnny Depp se mettant à dos la justice australienne pour avoir enfreint la règle du placement en quarantaine de ses chiens pour des questions d’ordre sanitaire il y a quelques semaines, Éric Sikora a-t-il refusé Liverpool parce que ses toutous auraient subi les mêmes mesures de précaution ? Jusqu’au 31 décembre 2011, pour entrer dans le Royaume en provenance de l’UE, chiens et chats venus de l’extérieur de l’île devaient en effet, selon une mesure décidée au XIXe siècle, passer six mois en quarantaine à compter de la date d’un test sanguin avant de retrouver leur maître. Suffisant pour décourager un footballeur de faire une croix sur une promotion professionnelle et l’association de son nom à un maillot mythique, à une substantielle revalorisation et à une immersion dans l’ambiance surnaturelle d’Anfield ? C’est possible.

Tandis que le journaliste David Delporte penche plutôt pour un mythe et que Jeannot Werth estime la piste plausible même s’il ne se dit « pas assez intime avec l’homme pour être sûr de la chose » , Alain Tirloit est lui beaucoup plus affirmatif. Contacté une première fois à la hâte, il avait pourtant qualifié ceci « de conneries » . Avant de revenir plus en détail sur l’histoire : « Ce n’est pas la raison principale qui a fait capoter le transfert, qui relève plutôt des longueurs et des désaccords dans les négociations pour le boucler et aux envies de sa famille. Mais c’est une raison valable, oui. Ils avaient deux yorkshires à ce moment-là. Ils pouvaient les emmener, mais ils n’allaient pas les revoir pendant un moment. » Contacté à plusieurs reprises, Éric Sikora n’a pas voulu répondre à nos questions sur le sujet.

Épisode 1 : Reynald Pedros vers le FC Barcelone Épisode 2 : Florian Maurice vers le Real Madrid Épisode 3 : David Jemmali vers l’Inter Milan

Par Arnaud Clément

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