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Le Graët, le déni dans la peau ?

Par Nicolas Kssis-Martov
Le Graët, le déni dans la peau ?

Noël Le Graët a voulu réagir à la polémique autour des propos racistes lors du Classico dont se plaint Neymar. Il a procédé en tenancier de boutique qui défend son commerce. Sans prendre en compte les débats qui agitent actuellement la société sur ce sujet. Le foot ne représente certes pas le pire en la matière, mais cela ne signifie pas qu’il faille pour autant se contenter de quelques banalités pour éviter les questions qui fâchent.

« Sur un match, il peut y avoir des écarts. Mais on est à moins de 1% de difficulté aujourd’hui. Quand un black marque un but, tout le stade est debout. Le phénomène raciste dans le sport, et dans le football en particulier, n’existe pas ou peu. » Tranquillement assis sur ses certitudes, Noël Le Graët imaginait peut-être enterrer le débat après le PSG-OM qui avait donné une image un peu pathétique de « son » foot. Il n’a fait que relancer la machine à polémiques et surtout la déception qui entoure sa fin de règne. Les réactions, aussi bien sur les réseaux sociaux que de la part de personnalités sportives ou au-delà, ont démontré qu’il existait un fossé problématique entre la vision que semble posséder le président de la FFF de la situation et le vécu, voire les retours, du terrain, cette grande aire de jeu de l’Hexagone.

Le racisme n’est que dans le verbe ?

Mais de quoi parle-t-on ? À disséquer ce que raconte l’ancien boss de l’EAG, le racisme se résume d’abord à des insultes, et le fait d’aimer un joueur « black » prouverait qu’on n’est pas concerné par de telles accusations. Conclusion, « pas ou peu » de cette vilaine chose chez nous, y compris plus généralement dans le sport. La rhétorique est connue. Si des noirs peuvent taquiner le cuir pour la France ou dans les clubs, comment ose-t-on imaginer que le ballon rond soit possiblement « contaminé » par les discriminations ou mauvais comportements qui sévissent au-delà du stade ? La preuve par le but applaudi. Kanté et Mbappé illustrations de l’immunité du rectangle vert. Les cris de singe et insultes entre pros, bien sûr sur le coup de la colère, deviennent des cas isolés, déplorables, toutefois insignifiants au vrai sens du terme. 1% selon Le Graët. Peanuts.

Seulement, est-il encore envisageable de simplement regarder béatement les effectifs des pensionnaires de la L1 ou L2 pour dormir tranquille après le Canal Football Club ? Tout d’abord parce qu’au sein de la nation, la réflexion sur la question du racisme ne se limite plus à compter les dérapages oraux, les noms d’oiseaux ou vocabulaires littéraires si chers à Nicolas Sarkozy. Affirmer que le racisme existe peu dans le sport revient aussi à négliger que la France ne se résume qu’à ses grandes métropoles et leur périphérie. Les affaires qui éclatent parfois, en Alsace ou ailleurs, offrent un tableau nettement moins reluisant de l’acceptation de cette fameuse « diversité » vantée dans les discours officiels. Il ne peut en être autrement, dans un pays ou l’extrême droite a plateau ouvert sur les chaînes d’informations, ou « l’ensauvagement » et le « séparatisme » s’imposent dans l’agenda gouvernemental.

Une FFF forteresse ?

Pour Noël Le Graët, l’enjeu du racisme se serait pourtant arrêté dans les années 1960 (est-ce pour cela d’ailleurs qu’il était d’accord pour stopper un match en cas d’insultes racistes, mais certainement pas si elles étaient homophobes ?). Il s’agirait donc, basiquement, de ne plus entendre de « sale nègre » dans les tribunes ou sur les terrains. Des noirs et des arabes en bleu, c’est le signe que tout va bien. Forcément. Or, désormais, les premiers concernés ne posent plus totalement le combat anti-raciste en ces termes. Au respect de la personne se rajoutent des interrogations sur les identités, le genre, l’intersectionnalité et aussi, point crucial, le plafond de verre qui demeure au-dessus de la tête de certains ou certaines. Pour transposer dans le champ qui nous intéresse en l’occurrence, si être d’origine africaine, antillaise ou maghrébine ne constitue pas un frein pour chausser les crampons, en revanche qu’en est-il pour enfiler le costard cravate et grimper dans l’organigramme de la fédération, des districts au bureau fédéral ? Sans parler de la composition des staffs dans les clubs pros…

Il est évidemment plus simple de condamner une saillie qui dépassent la ligne rouge que de se mettre autour d’une table en se demandant si on n’oublie pas systématiquement d’inviter quelqu’un. Le racisme est bien plus pernicieux quand il est structurel. Naturellement, le foot n’est pas le refuge des admirateurs français du KKK. Mais est-il pour autant épargné par ce qui s’insinue de plus en plus dans nos rapports sociaux et notre vie politique ? De l’affaire des quotas au cas Benzema, des Marseillaise obligatoires à la taille de nos attaquants, il a plutôt prouvé tristement le contraire.

Par Nicolas Kssis-Martov

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