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Le chemin de croix du FC Séville

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Le chemin de croix du FC Séville

L'équipe de l'année, c'est évidemment le FC Séville : toujours en course pour le titre en Liga, vainqueur de la coupe UEFA pour la deuxième fois d'affilée, potentiel vainqueur de la coupe du Roi, un jeu flamboyant, Frédéric Kanoute, Daniel Alves et le Danois Poulsen, l'homme qui met des calottes aux Suédois... Mais pour en arriver là, l'autre club de Séville aura traversé bien des tempêtes.

Si aujourd’hui le FC Séville fait office de modèle sportif et économique dans la vieille Europe du football, ce ne fut toutefois pas toujours le cas. Dans les années 90, le club de Nervion cherche à sortir de l’anonymat et enrôle des joueurs capables de faire la différence pour accrocher les places européennes. Sans le sou, les dirigeants font contre mauvaise fortune bon coeur et posent les bases d’une politique de recrutement digne d’un club de bas de classement, soit acheter des inconnus pour les revendre des millions aux grands clubs.

Ivan et Davor

C’est ainsi qu’en 1990, le club débusque sa perle rare à Saint-Gallen (Suisse), un certain Ivan Zamorano. Malgré ses bonnes performances, le Chilien est trop esseulé sur le front de l’attaque. Les dirigeants sévillans décident alors de faire confiance à un jeune Croate inconnu au bataillon évoluant au Dinamo Zagreb, qui répond au doux nom de Davor Suker. La doublette promet mais le FC Séville décide de vendre l’hélicoptère sud-américain au Real Madrid en 1992. L’argent récolté est immédiatement investi dans le plus gros coup marketing de l’histoire du club : l’arrivée de Maradona. L’entraîneur Carlos Bilardo est aux anges, il peut compter sur El Pibe de oro et sur Diego Simeone, qui vit là sa première expérience européenne de haut niveau, après avoir connu les affres de la Série B à Pise. Dès lors, Séville se prend à rêver de beau jeu et d’une renaissance de l’astre argentin sur les bords du Guadalquivir. Pas pour longtemps cependant… Maradona n’est plus ce qu’il était : pathétique et gonflé comme une baudruche, il finit par éclater, après avoir traité son entraîneur de « fils de pute » . Malgré une saison hollywoodienne, le club finit 7ème de la Liga, bien loin toutefois des attentes du début de saison. Les Rojiblancos continuent pourtant de grandir, 6e en 93, puis 5e en 94 pour finalement dégringoler vers le bas de classement à partir de 95.

Alcolo vs Megalo

Doucement mais sûrement le club plonge dans l’enfer de la Segunda. Lassées par un projet sportif peu ambitieux, les deux stars de l’équipe Suker et Petkovic s’envolent à leur tour pour le Real Madrid. C’est la fin d’un cycle foireux et le début de la galère. Camacho, qui a pris la tête de l’équipe, se fait renvoyer après une série de défaites catastrophiques. Pour le remplacer, les dirigeants font appel à tout sauf à des guerriers : Prosinecki et Bebeto. Avec les deux artistes, le club plonge en deuxième division. Il y restera deux interminables années, pour remonter en 2000, et redescendre l’année suivante malgré la présence de Tsartas et Zalayeta, prêté par la Juve. Ce yoyo sportif provoque une crise institutionnelle sans précédent au sein du club. Côté coulisses, le président Ales et son homologue du Betis se tirent la bourre et régalent la presse à grand renfort d’insultes et de coups bas. Lopera va même jusqu’à insinuer que le président rojiblanco taquine gaiement la bouteille et trompe sa femme. Ales répond en demandant au fisc espagnol d’enquêter sur la fortune du mégalo gominé. Faute de résultats sportifs intéressants, la rivalité locale fait office de défouloir et débouche fatalement sur la démission du président Ales. C’est le Nosferatu andalou Del Nido qui prend la relève. Au cours de son intronisation, le nouveau président chauve promet du travail, beaucoup de travail même : « Nous ne pouvons pas descendre plus bas. Nous n’avons pas d’argent, pas de grands joueurs, mais en revanche nous avons beaucoup d’espoir et une énorme paire de couilles. A partir d’aujourd’hui, les maîtres mots seront sacrifice et abnégation. Nous sommes en temps de guerre et il faut se serrer la ceinture pour sortir de notre cauchemar » . Del Nido passe rapidement pour un fou en professant que le club deviendra l’un des grands d’Espagne. Une énorme blague a priori puisqu’à cette époque Séville doit faire face à une dette astronomique de 250 millions de francs et se voit de fait obligé de vendre son stade, le Sanchez Pizjuan, pour renflouer ses caisses poussiéreuses. Le nouveau président évitera même de peu un déménagement en grandes pompes funèbres vers le stade de la Cartuja, situé sur les vestiges de l’exposition universelle de Séville, un quartier désert, sans vie, pour un club qui risque alors de perdre définitivement son âme – s’il ne l’a pas déjà vendue au diable. Pour couronner le tout, Alés l’ivrogne balance quelques dossiers qui ont de quoi inquiéter sérieusement les supporters quant à la situation de leur club : « Quand j’étais président, il n’y avait même plus d’argent pour payer des ballons. C’est moi qui sortais de l’argent de ma poche pour que les joueurs s’entraînent. Monsieur Del Nido raconte beaucoup de mensonges… » Entre un alcoolique coureur de jupons et un mythomane buveur de sang, les supporters andalous ne savent plus à quel saint se vouer. Del Nido, lui, se tamponne royalement des bruits de couloirs, et impose des restrictions budgétaires drastiques. L’argent c’est lui et personne d’autre, le reste est confié aux mains bienveillantes de la nouvelle équipe technique.

Tout le monde sue, tout le monde souffre

Après avoir longtemps parié sur des mercenaires et des stars sur le déclin, le club décide d’opérer un grand virage et de faire confiance aux jeunes de la Cantera. Seul moyen de ne pas gaspiller un rond tout en flattant l’ego des socios… Pour mener à bien la remontée vers la Liga de las Estrellas, l’opération commando est confiée à l’inexpérimenté Joaquin Caparros. C’est la première bonne décision du club depuis 80 ans. Pourtant le projet a du mal à démarrer, le club n’arrive même plus à trouver d’adversaires pour ses matchs de préparation ; les objectifs sont de surcroît loin d’être emballants : « Il faut finir dans les 10 premiers de la deuxième division » selon le coach. Finalement, le travail paie et le club finit champion de deuxième division, et cerise sur la gâteau, souffle le titre à son ennemi héréditaire du Betis Séville. Pour ne pas reproduire les mêmes conneries du passé, le club donne alors carte blanche au responsable du recrutement Monchi, accessoirement ex-gardien du club, qui a la lourde tâche de trouver des joueurs de talent capables de jouer les garde-fous avec les jeunes pousses du club. C’est la deuxième meilleure décision du club depuis 80 ans. Pour le retour en Liga, Caparros conserve son style hardcore basé sur un pressing constant et étouffant. Tout le monde joue, tout le monde sue, tout le monde souffre… « Le joueur est au service du club et non le contraire » affirme le caporal en chef en début de saison. Avec un telle politique, Séville finit souvent ses matchs à dix mais s’installe confortablement en première division. L’heure est alors venue de bâtir une équipe compétitive, une vraie.

Tout est à vendre

Monchi se lance à la conquête de l’Amérique du Sud, et notamment du Brésil. Le profil de recrue recherchée doit répondre aux critères suivants : jeune, physique, polyvalent, besogneux, technique, et capable de s’acclimater rapidement au championnat espagnol. La condition sine qua non restant évidemment qu’il soit peu cher, voire gratuit… Monchi le magicien sort alors de son chapeau Daniel Alves, un inconnu qui débarque en Andalousie pour 200 000 euros. Batista la « bête » arrivera lui pour un million d’euros. Séville a de l’argent mais continue à s’appuyer sur des jeunes issus de la formation (Sergio Ramos, Reyes) et des stars en devenir parfaitement encadrées par Caparros, ce qui inspirera sûrement la politique future des Zidanes et Pavones du Real Madrid. Mais ce qui fonctionne à Séville ne réussit pas obligatoirement chez les Merengues, qui décident de dépouiller jalousement les Andalous en enrôlant Batista pour 25 millions d’euros. L’idole du Sanchez Pizjuan Reyes part de son côté garnir les rangs des Gunners d’Arsenal pour la même somme, avant de rejoindre finalement Capello et ses crises d’hystérie. En quelques années, le FC Séville se transforme en véritable succursale de la Maison Blanche. On se dit que le système a tout de même quelques limites. Monchi, lui, préfère relativiser : « Nous sommes un club vendeur, tout est à vendre ici du moment que les clubs intéressés y mettent le prix. C’est difficile mais c’est comme ça, le président m’a dit un jour que s’il pouvait vendre tous les gens qui travaillent au club il le ferait, y compris lui-même. Si tu me donnes une belle somme pour mon bureau, il est à toi. Mon rôle s’apparente à celui d’un vulgaire commercial, plus je fais de marge mieux c’est. » Malgré les départs successifs de Ramos et Caparros, la petite entreprise ne connaît pas vraiment la crise.

Bande de potes

Loin de basculer dans une démagogie pernicieuse, Séville ne gaspille pas son argent et préfère continuer à miser sur des inconnus en quête de gloire ou des revanchards. Monchi ‘el mago’ réussit à attirer Luis Fabiano, Maresca, Adriano, Renato, Escudé, Kanouté, Palop, Hinkel, Poulsen, ou plus récemment Kerzakhov et Chevanton dans sa paroisse. Pour encadrer le tout, Del Nido choisit Juande Ramos, l’ancien entraîneur du Betis. Un coach qui reprend le 4-4-2 bétonné de Caparros pour faire du FC Séville une véritable machine de guerre, le style et l’élégance en plus. Sur le terrain, les Rojiblancos s’amusent à épuiser l’adversaire en mettant au goût du jour la théorie de la tectonique des plaques. Sur les côtés, difficile de dire qui attaque et qui défend, les paires Daniel Alves-Jesus Navas et Adriano-Puerta faisant preuve d’une polyvalence incroyable. Même chose en attaque, en défense ou au milieu de terrain, où tous les postes sont doublés voire triplés. L’alchimie dans le pays des bergers andalous est parfaite. « Je pense qu’on a peut-être le meilleur effectif de la Liga, commente Escudé. On ne connaît pas de passages à vide, les remplaçants sont aussi bons que les titulaires, tout le monde se défonce pour avoir une place. Entre nous, la compétition est saine, il n’y a pas d’embrouilles. On est une bande de potes qui tirons tous dans le même sens. » Même son de cloche chez Kanouté : « Notre force, c’est qu’on a envie de prouver aux gens ce qu’on est capables de faire. On donne tout sur le terrain. Si l’équipe qui était la plus motivée gagnait le championnat, nos adversaires seraient très loin derrière » .
Vainqueur de la Coupe de l’Uefa par deux fois, de la Supercoupe d’Europe, finaliste de la Coupe du Roi et encore en lice pour le titre national, Séville compte bien continuer à garnir un palmarès demeuré désespérément vide pendant plus de 60 ans. Finalement, la publicité pour la campagne d’abonnement de début de saison ne mentait pas : « Cela ne fait que commencer… »

Propos de Kanouté, Escudé et Monchi recueillis par Jps

Par Javier Prieto Santos

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