La formation à la parisienne
Il y a déjà N'gog à Liverpool, il va peut-être y avoir Yannick Boli au Real. Une fois de plus, c'est l'occasion pour certains de railler le centre de formation du PSG. Pourtant, quand on se penche sur le fonctionnement du football amateur en Ile de France, on s'aperçoit que les terrains sont minés pour les recruteurs.
Au plus fort de sa démagogie, Michel Moulin avait prononcé la phrase que tout supporter du PSG rêvait d’entendre: « à qualité égale, je préfère que le joueur vienne de Paris et sa région que d’ailleurs. Dans mon projet, les clubs de banlieue ne seront pas oubliés. Ce n’est pas normal que les joueurs de la région parisienne partent loin de Paris ». Ecarté depuis du Paris Saint Germain, le patron de Paru Vendu n’a pas renoncé à son projet. Il veut faire monter l’UJA Alfortville de la CFA à la Ligue 1 sous 5 ans. Et toujours avec le même projet: les jeunes du bassin parisien. Selon lui, il serait temps d’exploiter enfin ce grand vivier de talents.
Facile à dire. En Ile-de-France, les ambitions de footballeurs en herbe défient la logique de ceux de province. Là où le plus talentueux des Bordelais se dirigera vers les équipes de jeunes des Girondins, les jeunes des banlieues ne voient pas le PSG comme le premier choix.
« Le PSG, c’est pourtant le club de mes rêves. Mais je ne pouvais pas signer là-bas. C’est déjà dur de percer. Là, en plus, il y a l’environnement, les copains, la pression. Pour une carrière pro, c’est mieux de partir » , Loïc Lumbilla est un symbole. Au lieu de partir au centre de formation du PSG, il a préféré jouer dans le championnat des 15ans nationaux, un championnat où l’on rencontre les équipes jeunes des pros, Clairefontaine et consorts… Trois ans après, l’Inter Milan lui faisait signer un contrat.
Le Paris FC a une équipe en moins de 15. C’est probablement le club le plus prisé par les jeunes de banlieues. Il pourrait même avoir le surnom de « Clairefontaine du pauvre » tant le concept est le même que chez Monsieur Dusseau: prendre des jeunes doués de 14 à 17 ans et les mener jusqu’à la structure professionnelle; le plaisir de la formation mais aussi l’envie de créer un groupe.
Si l’on se replonge cinq ans en arrière, l’équipe du Paris FC était composée de Loïc Lumbilla et Tijani Bellaïd, pensionnaire de l’Inter, Mohamadou Sissoko, de l’Udinese et Djamel Abdoun, fraîche recrue du FC Nantes.
Pour Loïc Lumbilla, cela venait avant tout des dirigeants: « Quand on recevait des offres, ils étaient les premiers heureux pour notre réussite et nous en faisaient part immédiatement. La plupart des autres clubs auraient préférés les cacher ou penser d’abord à gagner le plus d’argent possible » .
De toute façon, ils ne peuvent pas lutter. Patrick Rampillon, historique directeur du centre de formation rennais, ne loupe pas une miette de ce championnat. Mais s’il ne peut approcher les jeunes de Lille, car ceux-ci sont sous contrat, ceux du Paris FC sont libres. Pour le PSG, il n’y a pas de chasse gardée. Dans n’importe quelle autre région de France, le plus haut recruteur travaille pour le club phare du coin. Ici, le Championnat étant situé aux portes de Paris, tous les clubs pros sont capable d’envoyer un recruteur et ne s’en privent pas. Le club de la capitale a vraiment du mal face à cette concurrence.
Il traîne comme un boulet une image désastreuse auprès des jeunes.
« Dans le vestiaire entre nous, on parle des différents contacts que l’on a. Paris en contacte certains mais personne ne veut y aller. Là-bas il te donne un contrat aspirant mais rien de plus, l’espoir de percer est faible. Il vaut mieux signer dans un plus petit club, mais qui au moins, fait la démarche de venir vers toi » témoigne Nicolas Vangu Kembo, qui a ainsi préféré signer à Beauvais.
« Quand on grandit à Paris, on aime le PSG. Mais on n’ignore pas que c’est un club à problème. Le club fait rêver, mais plus pour plus tard dans la carrière. Il vaut mieux démarrer ailleurs » pour Mohamadou Sissoko. Il devait signer au PSG mais il a préféré patienter un an au Paris FC. Résultat: il a signé à l’Udinese.
En fait, ils voudront bien venir, quand ils seront hors de portée des finances du club de Villeneuve.
Reste à savoir si ces joueurs, en prenant la place des N’Gog et Arnaud, auraient permis au Paris Saint Germain de faire une saison moins morose.
« Je ne sais pas si cela aurait été mieux avec nous. Cela aurait forcément amené un plus », affirme Sissoko
Parce que si on suit ce raisonnement, les jeunes qui signent au PSG, ce sont ceux qui n’ont pas pu signer dans les autres clubs « ou ceux qui ont peur de voyager. Même si Paris n’est pas le premier choix, il faut relativiser, ce n’est pas la mort non plus » toujours Sissoko.
On pourrait croire le PSG pris dans un cercle vicieux.
Les jeunes du centre du PSG ne sont pas les meilleurs donc Paris sort peu de joueurs de son centre car ils n’ont pas le niveau. Les talents de la région préfèrent alors migrer vers un club qui fait confiance aux jeunes.
Pourtant à écouter Rampillon, il n’en est rien: « A une certaine période, Paris avait du mal à attirer des jeunes. C’est peut-être, ce qui nous a permis de faire signer Faty ou Briand. Nous n’étions qu’à deux heures de route de chez eux. Mais depuis, le PSG a comblé leur retard. Ils ont développé un très bon réseau et sont présent sur tous les fronts. Si aujourd’hui, les jeunes choisissent encore Rennes, c’est que l’on a prouvé notre valeur sur plusieurs années, pas parce qu’il ne faut pas aller au PSG » .
Le jour où les exemples de Chantôme et Sakho parleront plus à un jeune que ceux de Silvestre ou Wiltord, le PSG aura gagné le pari de la formation.
Romain Canuti
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