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« J’ai joué à Grozny, en Tchétchénie, c’est un peu impressionnant »

Propos recueillis par Eric Carpentier
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>J&rsquo;ai joué à Grozny, en Tchétchénie, c&rsquo;est un peu impressionnant »

Gianni Bruno va bien merci pour lui. Avant la reprise du championnat russe, l'attaquant de vingt-quatre ans revient sur son parcours. Où il est question des discours de Dupraz, d'agents véreux, de Twitter et même de Safet Sušić. Celui qui est un Italien en Russie a beaucoup de choses à dire, alors on écoute.

Tu reprends demain avec le Krylia Sovetov Samara. Comment as-tu atterri là-bas ?Je suis toujours sous contrat avec Évian. Au mois de janvier 2016, on jouait en Ligue 2, je ne voulais pas forcément partir, mais le président a appelé mon agent pour lui dire qu’un club russe était intéressé. Il y avait des mecs qui m’appelaient pour que je signe, qui se présentaient comme des dirigeants du club alors que c’était des agents…. J’ai dit à mon agent « tu t’occupes de tout, il faut que ce soit clair, que ce soit le club qui me veuille et pas des agents qui m’y poussent. » Finalement c’était vraiment le club qui cherchait un attaquant. De l’autre côté, on m’a un peu forcé la main à partir, parce qu’Évian avait des problèmes, il fallait qu’ils se libèrent de mon salaire.

Tu as vécu une expérience compliquée à Évian, avec des prêts et une descente. Pourquoi ?Je retourne à Lille après une bonne saison à Bastia. M. Girard me dit qu’il ne compte pas forcément sur moi, que je suis libre de faire ce que je veux. J’ai trois offres : Lorient, Reims et Évian. La première chose que j’ai dite à mon agent, c’est « écoutez, je veux pas aller à Évian. J’aime pas le stade, j’ai pas envie de jouer le maintien, je viens de faire une bonne saison à Bastia, je voudrais jouer un peu plus haut. » Au final, M. Dupraz appelle mon agent. Cinq minutes après, mon agent m’appelle et me dit « Gianni, tu veux bien avoir M. Dupraz au téléphone ? Il veut te parler, ça a l’air vraiment intéressant. » Je dis à mon agent (demandez-lui hein, c’est véridique !) : « Je ne veux pas lui parler, j’ai pas envie. C’est clair et net, je ne veux pas aller là-bas. » Il m’a dit : « Gianni s’il te plaît, juste prends-le cinq minutes au téléphone. » Ok. Ok, il peut m’appeler. Et voilà, on va pas dire qu’il m’a retourné le cerveau mais il m’a dit des choses qui m’ont touchées, il m’a un peu lancé des fleurs, il m’a annoncé un beau projet de jeu, des bons joueurs pour bien jouer au foot, il m’a dit qu’il me connaissait par cœur, qu’il avait envie de me mettre en valeur… Son discours était exceptionnel. Vous connaissez Pascal Dupraz, il parle super bien, sa manière de parler touche le cœur d’un joueur, quoi ! Quand je pense à son discours d’avant-match avec Toulouse, imaginez-vous Pascal Dupraz en train de venir vous parler pour vous convaincre. Il est très fort. Donc j’ai appelé mon agent, je lui ai dit « Ça s’est super bien passé, c’est vrai que ça me donne envie d’y aller. » Et puis on est parti !

En fait Claude Makelélé est arrivé, il ne voulait pas de profil comme moi, il voulait plus un grand gabarit, et ils ont pris Brandão

Sauf qu’en fait, rien ne tourne rond pour toi à Évian.On commence le championnat, on perd le premier match 3-0, contre Caen. À la dernière minute, je rate une occasion énorme. On enchaîne à Rennes, on perd 6-2, je fais une passe décisive et, à 1-1, je rate une occasion. Et voilà… Comme quoi, le foot, ça se joue à peu. Parce que si je marque au premier match, si je marque au deuxième match, sur mes deux premières actions avec Évian, je suis sûr que ça change tout dans ma saison. Malheureusement on a enchaîné sur six défaites. Et c’est très dur, très, très dur. La confiance est partie d’un coup, les joueurs étaient pas bien. Le coach a commencé a changé son équipe, on changeait beaucoup de système… Pour un attaquant, c’est compliqué. J’avais perdu la confiance, j’étais pris en grippe par le public qui me sifflait à chaque match parce que, quand j’étais sorti à Marseille, je suis sorti en marchant alors qu’on perdait 3-0, et malheureusement J+1 était là. J’avais dit « À quoi ça sert, à chaque fois c’est moi qui sors à la 60e » et tchic et tchac… Et après j’ai pas été bon, c’est compliqué pour un attaquant quand on n’est pas en confiance, quand on n’est pas dans un bon environnement, quand sa femme se sent pas bien dans la ville. Je suis un affectif, j’étais bien à Bastia, ça s’est super bien passé dans la ville, ça s’est super bien passé sur le terrain. À Évian, c’était l’inverse.

Pourquoi as-tu quitté Bastia alors que tu sortais d’une belle année là-bas ?Ah oui, je me suis éclaté ! J’ai passé une saison extraordinaire, avec un groupe au top, avec Frédéric Hantz, Frédéric Née et, euh, comment il s’appelle déjà, il était adjoint de Rémi Garde à Aston Villa ? Réginald Ray ! J’ai pu marquer 8 buts en Ligue 1, faire 2 passes décisives, jouer avec Khazri, avec des bons joueurs ! Après je suis revenu à Lille, malheureusement. En fait Claude Makelélé est arrivé, il ne voulait pas de profil comme moi, il voulait plus un grand gabarit, et ils ont pris Brandão. Du coup je suis retourné à Lille. Ils venaient de faire une bonne saison, ils avaient Salomon Kalou, Nolan Roux, Divock Origi… Après 2 semaines d’entraînement, je vais voir M. Girard. Il me dit qu’il avait son équipe, qu’il venait de faire un bon championnat, donc je commençais 4e, 5e attaquant, derrière tout le monde. M. Girard est une très bonne personne, très franche. Peut-être que j’aurais dû être patient, mais j’avais envie de jouer. Peut-être que ça a perturbé ma carrière, mais j’avais envie que ça se passe vite.

Pourtant, à Lille, tout avait bien commencé pour toi…Je suis arrivé à 15 ans à Lille, avec la génération 91, de Salibur, Hazard. J’ai joué quelques années avec des surclassés comme Digne, Souquet… Moi, j’ai gravi les échelons petit à petit, toujours dans ma catégorie, surclassé de temps en temps. J’ai toujours travaillé à fond, et puis il faut un petit brin de chance pour que la flamme s’allume. Moi, mon brin de réussite a été que Claude Fichaux, l’adjoint de Rudi Garcia, venait souvent voir la CFA. À la fin de mon contrat, le club venait d’être champion, ils allaient jouer l’Europe, donc ils voulaient plus trop garder les jeunes. Ils m’avaient dit qu’ils ne comptaient plus sur moi, j’étais parti faire des essais au Havre, à Guingamp. Mais au retour, Rudi Garcia m’a appelé pour me dire que Claude Fichaux lui avait dit du bien de moi, qu’il voulait que j’intègre le groupe pro. J’ai accepté directement, j’ai signé un an. Après j’ai travaillé comme un fou pendant six mois, et vers décembre (janvier, ndlr), un match de Coupe de France à Compiègne je crois, je rentre pour la première fois et je qualifie l’équipe.

Yohan Mollo aussi m’a beaucoup aidé, il m’a appris un peu la langue, fait visiter la ville…

S’en suivent des débuts en prometteurs, avec une première entrée au Vélodrome, un but contre Lyon en Coupe de la Ligue… Difficile de résister à la pression quand tu es un jeune belge qui vient après Kevin Mirallas ou Eden Hazard ?C’est vrai que les gens disaient « un nouveau belge qui sort ! » Il fallait que ça se passe bien. Ça va vite, il faut écouter les bonnes personnes, il faut faire attention à ce qu’on fait, à ce qu’on dit, il faut faire attention aux gens autour de soi, il faut surtout garder la tête sur les épaules, continuer à travailler, jamais croire qu’on est arrivé. Après, on savait que j’étais pas Eden Hazard, que j’étais pas doué comme lui. Moi, ma qualité, c’était de marquer des buts. J’ai pas joué tant que ça, mais j’ai quand même joué quelques matchs, j’ai marqué en championnat, en coupe, en Ligue des champions, ça reste des souvenirs magnifiques. J’étais dans un groupe avec Hazard, De Melo, Nolan Roux, Moussa Sow, Gervinho, après il y a eu Dimitri Payet, Joe Cole, il y avait Obraniak… Franchement, je suis heureux d’avoir pu être à Lille à cette période, tous les ans on prenait des super joueurs. Je suis content d’avoir réussi à percer avec des joueurs comme ça, parce qu’il faut quand même y aller !

Tu aurais pu te refaire la cerise en Ligue 2, pourquoi as-tu préféré partir pour la Russie ?Évian, sincèrement, c’était bizarre. On jouait, mais on sentait qu’il y avait des trucs louches. Sušić est arrivé, les entraînements étaient à l’ancienne, on faisait des diagonales quasiment tous les jours… Même les veilles de match, on faisait des 11 contre 11 pendant une heure, le coach arrêtait jamais l’entraînement. On ne progressait pas, en fait. Il y avait des jeunes avec beaucoup de potentiel, mais on jouait comme si on était au quartier. On rentrait sur le terrain à l’entraînement, il nous disait « allez-y faites deux équipes et voilà, jouez. » Ou on faisait des trucs pas réfléchis, pas censés, c’était assez bizarre. Alors qu’en arrivant à Samara, j’ai été impressionné par le professionnalisme du staff. C’est le staff de Franky Vercauteren, qui a été champion avec Anderlecht et Genk. Ils ont apporté des méthodes à l’européenne, c’est très équilibré, bien organisé. Ce que j’ai remarqué aussi, c’est qu’on travaille beaucoup plus qu’en France, plus dur, plus intense. Ça m’a fait du bien, j’aime bien bosser. En France, deux jours avant le match, on a l’habitude d’y aller plus tranquille, de se conserver pour le match. Ici, on bosse, on bosse, c’est intense et ça fait du bien. Les entraînements sont recherchés, structurés. Le coach est un ancien grand joueur, il a joué deux coupes du monde, il m’apprend beaucoup. Yohan Mollo aussi m’a beaucoup aidé, il m’a appris un peu la langue, fait visiter la ville…

Sur le coup ça m’a fait un peu chier d’avoir des réactions, des commentaires non-respectueux. J’aime bien l’équipe de France, j’y ai été formé, ma femme est Française… Après, faut pas se cacher, pour une équipe comme la France, c’était un parcours facile

Vous êtes pas mal d’étrangers, comment vous faites pour communiquer à l’entraînement ? Tu as vécu des expériences étranges en Russie ?Le coach parle Anglais, et on a un traducteur qui est là 24 heures sur 24 et qui parle 12 langues. Moi je parle Italien avec lui parce qu’il le parle mieux que le Français. Et puis les supporters sont très sympa, ils adorent le foot. On fait beaucoup de trajets, on va jouer dans des endroits un peu insolites. J’ai été jouer à Grozny, en Tchétchénie, c’est un peu impressionnant mais j’ai jamais eu peur, au contraire, on se sent super en sécurité. Du coup je suis reparti pour un an, je prends du plaisir à l’entraînement, je me sens mieux dans la tête. Je vais essayer de faire une bonne saison complète, ça fait deux ans que je fais six mois là, six mois là…

Tu comptes rester en Russie ?Il me reste deux ans de contrat avec Évian. Samara, ils prennent mon salaire d’Évian, mais c’est du net. Il n’y a pas d’impôts, tout ce que je touche est net, dans ma poche, c’est fini de mettre de côté pour les impôts. J’ai renégocié mon contrat avec eux, même si je suis prêté, j’ai pas mon salaire d’Évian. Il y a un salaire fixe avec beaucoup de primes, c’est intéressant. Les trois mois que j’ai fait l’année dernière, j’ai touché plus qu’en six, sept mois en France. Faut pas se le cacher, financièrement c’est intéressant et c’est aussi une des raisons qui m’a fait rester en Russie. Mais surtout, aller à l’étranger, loin, ça fait un bien fou. Ça m’a fait du bien de plus entendre parler Français, de plus écouter la télé, de plus lire les journaux. Partir, n’être concentré que sur le foot, ne pas écouter tout ce qui se passe autour. On a l’impression de recommencer un nouveau chapitre, que l’étiquette dans le dos est enlevée. Directement, physiquement, je me suis senti bien, mais bien !

Le Mondial se joue en Russie en 2018. Tu penses à la sélection ?Ça peut être un objectif. C’est un avantage d’être sur place, on sait jamais. Après je peux encore jouer pour l’Italie, j’ai la double nationalité. Je suis plus Italie, parce que c’est mon pays, mes parents sont nés là-bas, moi j’y allais tous les ans, la plupart de ma famille est en Italie. À la base je suis Italien, et je me suis fait Belge exprès pour pouvoir jouer en sélection nationale, à 15 ans. Après j’y suis resté jusqu’en Espoirs, mais à la base je suis Italien, mon cœur, mes racines, mon sang sont italiens. D’ailleurs, ici, on me considère comme Italien, parce que mon passeport belge n’était plus valable, du coup j’ai donné mon passeport italien. On sait jamais, que ce soit l’Italie ou la Belgique ce serait exceptionnel, à moi de faire des bonnes performances, d’essayer de choper un club du top 5 en Russie.

Pendant l’Euro, tu as déclenché une petite polémique en déclarant sur Twitter : « Facile d’arriver en demi-finale de l’Euro quand on joue contre la Roumanie, l’Albanie, la Suisse, l’Irlande et l’Islande… » Avec un peu de recul, ça t’inspire quoi ? Ça me fait rigoler. Sur le coup ça m’a fait un peu chier d’avoir des réactions, des commentaires non-respectueux. J’aime bien l’équipe de France, j’y ai été formé, ma femme est Française… Après, faut pas se cacher, pour une équipe comme la France, c’était un parcours facile. Ils n’ont pas dû forcer leur talent. Ils ont mérité d’aller en finale, hein ! Ils ont fait des bons matchs, avec un bon état d’esprit, une solidarité, ils ont reconquis leur public. Malheureusement, on ne retient pas les seconds, que les vainqueurs. Le Portugal, ils sont passés par la petite porte, pas une victoire en poule, ils passent contre la Croatie sans que ce soit forcément mérité… Après, c’est le foot, t’es pas obligé d’avoir les meilleurs joueurs, de faire le meilleur parcours pour aller au bout.

Pour finir, c’est le retour de Kipsta dans le monde pro. Tu avais bossé avec eux à ta période lilloise, ça consistait en quoi ?C’est Mickaël Landreau qui m’a proposé. J’avais pas de sponsor, donc je l’ai fait. Ce qui est bien chez Kipsta, c’est qu’on peut partager, donner son avis sur la chaussure. On fait partie du jeu pour améliorer la chaussure. On allait sur le terrain, on testait, pour voir la matière… C’est pas mal fait, c’est bien réfléchi. Mais maintenant je ne suis plus sponsorisé. En Russie, c’est compliqué.

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Propos recueillis par Eric Carpentier

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