Italie – Espagne : V comme Vendetta
Ce soir, l'Espagne affronte l'Italie en quart de finale de l'Euro. Vingt-deux joueurs, un arbitre, un ballon. Un simple match de foot ? Pas tout à fait : Espagne-Italie, soit deux footballs antinomiques, un peu d'histoire. Et un putain de 22 juin.
La Roja joue bien, c’est vrai. Du beau football, des joueurs de talent, et un sélectionneur somme toute assez amusant. C’est vrai quoi, Aragones est drôle avec ses déclarations toujours plus provocantes les unes que les autres. Du coup, Luis a encore fait des siennes, saupoudrant délicatement l’avant-match de quelques commentaires acerbes bien sentis. Alors voilà, Gattuso n’est pas un bon footballeur et Aragones n’est pas prêtre. Bon. Les joueurs ibériques regardent ça d’un peu plus haut, eux doivent se concentrer pour faire leur match.
De toute façon, ils laissent les anciens faire le sale boulot. Il en fallait un, il s’est proposé. Comme une évidence, Luis Enrique est sorti de sa tanière. Pour appeler à la vendetta dans Marca. Chouette.
Flashback : 1994. La FIFA attribue l’organisation du mondial aux États-Unis. À partir de cette coupe du monde, il sera interdit aux gardiens de but de toucher la balle à la main après des passes en retrait. Le football n’est plus seulement un sport, il devient un spectacle sur lequel on peut se faire un bon pactole.
Cet été-là, l’Espagne affronte l’Italie au Foxboro Stadium de Boston pour une place en demi-finale. Au vu du piètre premier tour joué par les Italiens, la Roja est confiante et entend bien faire le show devant les 61 000 spectateurs présents. Nous sommes alors le 9 juillet. D. Baggio ouvre pourtant le score pour la Nazionale à la 11 ème minute. Qu’importe, la Seleccion pousse et José Luis Caminero égalise peu avant l’heure de jeu. Roberto Baggio marquera le but de la victoire trois minutes avant le coup de sifflet final. Du réalisme, du vrai. Et une belle équipe d’Italie.
Dans ses rangs, un homme un brin agressif. Il s’appelle Tassotti. Mauro Tassotti. Presque hyperactif, un peu trop peut-être. Mauro Tassotti donc, et son coude. Un joueur espagnol, Luis Enrique, et son visage. Sur le terrain, les deux bonshommes se croisent d’un peu trop près. Pour le dire sans fioriture, Enrique se prend un sacré coup de coude dans la ganache. Un demi-litre de sang perdu, Enrique en pleurs dans les chaumières du monde entier (le football est désormais largement diffusé) et huit matchs de suspension pour Tassotti, qui ne sera plus jamais sélectionné. Vengeance, qu’on vous dit. Mais il y a pire.
Le poids de l’histoire sera vraiment très lourd à porter pour les épaules des petits Espagnols. « Les faits sont têtus » disait Lénine. Mais là, ils font preuve d’une persévérance et d’une obstination rare. L’Espagne n’a pas battu l’Italie depuis les JO d’Anvers en 1920. Surtout, le match se jouera un 22 juin. Une putain de date pour le football espagnol : Mexico 86, 22 juin, quart de finale : Espagne 0-2 Belgique. Rebelote le 22 juin 96 en quart de finale contre l’Angleterre. Enfin, 22 juin 2002. L’Espagne se fait sortir contre la Corée du Sud.
Officiellement, les Espagnols se foutent des statistiques. C’est vrai quoi, on ne va pas jouer un match sur des chiffres. Et Claudio Gentile de conclure : « Le football n’est pas bavard. Seuls le terrain et les résultats ont le droit de s’exprimer » .
Ce soir, ils seront bien onze contre onze. Un arbitre, un ballon. Une autre histoire.
Lucas Duvernet-Coppola et Paul Bemer
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