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Marcos Vázquez : « La philosophie stoïcienne est une source d’inspiration pour Luis Enrique »

Propos recueillis par Julien Faure
12 minutes

Coach mental reconnu, notamment dans le monde hispanique, mais aussi coach de vie d’une certaine façon, Marcos Vázquez a travaillé avec divers sportifs dont Luis Enrique ou Carlos Alcaraz plus récemment. Adepte de la philosophie stoïcienne, il réédite son livre Invincible en français et a accepté de tenter de décortiquer la manière de penser et de fonctionner de l’entraîneur parisien.

Marcos Vázquez : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La philosophie stoïcienne est une source d’inspiration pour Luis Enrique<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pouvez-vous vous présenter dans les grandes lignes ?

Je suis ingénieur de formation. À l’origine, le domaine de la santé était essentiellement un hobby pour moi. Je lisais beaucoup sur le sujet, j’ai été malade dans ma jeunesse, et je m’y suis toujours intéressé. À l’université, j’ai découvert la philosophie, notamment le stoïcisme. Je m’y intéressais énormément, je lisais, j’écrivais. À force d’en parler avec mes amis, de les aider, ils m’ont poussé à créer un blog, vers 2008 ou 2009. Au début, j’étais réticent à cause de mon travail et en 2011, je me suis lancé, j’ai publié sur mon temps libre et en peu de temps, ce dont je parlais avec mes amis a vite été écouté par des millions de personnes. Quand j’ai vu que ça avait un certain impact, j’ai arrêté de travailler et je me suis dédié à 100% à ça. J’avais des retours de gens qui me disaient avoir guéri, perdu du poids, changé de qualité de vie, de mentalité, je voyais que des sportifs de haut niveau me suivaient… Que des gens suivaient mes conseils physiques comme mentaux. J’ai fait un podcast, un des premiers en espagnol sur ces sujets, en 2014, il y a eu les réseaux, je me suis mis à publier des livres qui ont bien marché comme Invincible, qui se vend encore très bien. Et jusqu’à aujourd’hui, ce que j’essaye de faire, c’est que les gens se sentent bien et améliorent leur vie en général. Souvent, c’est une question de santé, mais je dis souvent qu’un changement externe requiert un changement interne, de mentalité, de façon de penser.

Comment définiriez-vous le stoïcisme ?

Je dirais que le stoïcisme est une philosophie qui existe depuis des milliers d’années, qui a été popularisée par Marc Aurèle, Sénèque, Épictète, avec une grande diversité de pratiquants. Le plus important dans le stoïcisme, c’est qu’il vise à agir avec vertu. Il y en a quatre : la sagesse, le courage, la justice, la discipline, que j’appelle l’invincibilité, la persévérance. Si nous les appliquons au quotidien, nous aurons plus de succès, dans le sport ou autre. La discipline consiste à ne pas baisser les bras quand il y a des problèmes, à ne pas baisser les bras quand vous perdez 2-0 ou quand vous êtes dixième au classement. L’une des idées fondamentales, c’est que ce ne sont pas les choses qui nous arrivent qui nous font du mal, mais notre opinion à leur sujet. Le stoïcisme a beaucoup à voir avec la négociation de nos pensées, à savoir qu’il y a des choses que nous pouvons contrôler et d’autres que nous ne pouvons pas contrôler, et que nous devons mettre l’accent sur ce que nous pouvons contrôler.

Je crois que Luis Enrique a autant de succès parce qu’il est très curieux, il lit beaucoup, et je pense qu’il arrive à prendre le meilleur de chaque chose pour ensuite ajouter ses idées et construire sa propre philosophie.

Pourquoi ne faire traduire le livre qu’aujourd’hui en français ?

C’est un livre qui continue de bien marcher en Espagne, il a été en haut des ventes pendant quelque temps, notamment pendant le Covid. Des gens connus en parlaient à la télé. Ensuite, Luis Enrique en a parlé lors d’un Twitch lorsqu’il était sélectionneur, il a évoqué comment ce livre l’aidait lui et aidait ses joueurs. Grâce à tout ça, le livre a bien fonctionné et a suscité de l’intérêt dans d’autres pays et il est maintenant disponible en 10 langues et dans 11 pays. J’avais beaucoup de demandes de lecteurs français, mais je n’avais peut-être pas encore trouvé l’éditeur adéquat et désormais, j’ai ARPA qui est un éditeur sérieux.

Vous pensez qu’il y a un lien entre les succès de Luis Enrique avec le PSG et l’entrain pour votre livre en France ?

Quand les gens voient un entraîneur à succès, ils se demandent comment il a développé ses idées, pas simplement sportives mais aussi mentales. Ceux qui suivent Luis Enrique sont conscients de ce qu’il dit à ses joueurs, de son travail sur l’aspect mental, et je pense que les gens donnent de la valeur à ces choses-là et donc s’intéressent à sa façon de penser. Ils vont trouver beaucoup de sources et notamment le stoïcisme, mais pas que. Je crois que Luis Enrique a autant de succès parce qu’il est très curieux, il lit beaucoup, et je pense qu’il arrive à prendre le meilleur de chaque chose pour ensuite ajouter ses idées et construire sa propre philosophie. Je suis honoré si j’ai pu l’inspirer avec Invincible ou certaines de mes idées, mais je pense que Luis Enrique a une vision beaucoup plus large parce qu’il s’inspire de nombreuses sources. Mais, sans hésitation, la philosophie stoïcienne l’a influencé, et c’est l’une de ses sources d’inspiration, footballistique mais pas seulement.

 

Ce sont des idées que l’on a beaucoup entendues dans la bouche des joueurs du PSG. Vous pensez que Luis Enrique a utilisé le stoïcisme auprès de ses joueurs ?

Oui, j’en suis convaincu. Il a dit publiquement que ces idées stoïques l’ont beaucoup aidé. La façon dont Luis Enrique pense, dont il parle, transmet clairement des idées stoïques, mais pas seulement, j’insiste. Luis Enrique a la capacité de lire beaucoup de choses, puis de s’inspirer du stoïcisme, d’autres philosophies, d’autres entraîneurs qu’il observe, pour créer sa propre philosophie, qui est la philosophie de Luis Enrique. Vous l’avez vu dans certaines conférences de presse, dans la façon dont il parle de la différence entre ce qu’il contrôle et ce qu’il ne contrôle pas, de la façon de considérer les échecs comme des leçons pour s’améliorer à l’avenir, de persévérer, même si vous êtes mené de deux buts, en pensant que vous pouvez vous améliorer et gagner.

Dans le foot de haut niveau, en Espagne, mais certainement aussi en France, la figure du psy du sport est peu valorisée.

Comment est-ce qu’on travaille avec un individu qui doit ensuite s’insérer dans un collectif ?

Dans des sports individuels comme le tennis, ce sont les sportifs qui choisissent les personnes qui les entourent et qui composent leur staff. Tout le contraire du foot où le joueur est salarié au même titre que n’importe quel membre du staff, sportif ou médical. Dans le foot de haut niveau, en Espagne, mais certainement aussi en France, la figure du psy du sport est peu valorisée. C’est un soutien pour le staff, il peut donner des conseils, mais ne va pas directement travailler avec un joueur, sauf s’il remarque quelque chose. Or, les joueurs sont demandeurs d’un accompagnement personnalisé, quelque chose de plus proactif qui les aide dans l’aspect mental. Un des problèmes de cette façon de faire, c’est qu’elle segmente tout. D’un côté le coach, de l’autre le nutritionniste, le médecin du sport, etc. De nombreux joueurs, en plus de tous ces spécialistes, souhaitent avoir quelqu’un qui leur apporte une vision globale, qui peut tout combiner, peut-être en dehors de la structure du club. Pour répondre à la question, je dirais que c’est cas par cas, mais les joueurs qui cherchent à aller plus loin ne se contentent pas de ce que leur propose leur club, ils cherchent des ressources extérieures où ils peuvent travailler sur des lacunes identifiées.

Au milieu de l’individu et du collectif, on trouve l’entraîneur, qui a un rôle bien particulier. Est-ce qu’on accompagne différemment un coach ?

C’est différent, car quand tu es joueur d’un sport individuel, tu dépends beaucoup du staff qui t’entoure alors qu’en foot par exemple, les dynamiques de groupe sont différentes, avec des relations interpersonnelles, qui sont parfois très importantes pour votre santé mentale. En plus de ces relations, il y a des choses qui ne se produisent pas dans un sport individuel. Par exemple, vous pouvez ressentir de la jalousie envers quelqu’un qui joue mieux que vous, ou de la colère en pensant que votre entraîneur privilégie un autre membre de l’équipe par rapport à vous. En d’autres termes, lorsque vous êtes tennisman, c’est vous qui allez jouer, c’est certain. Par conséquent, ces aspects liés à l’interaction sociale, aux relations, aux émotions qui découlent de la jalousie, du ressentiment, etc. sont différents et sont travaillés différemment, bien sûr.

On parle souvent du lien entre prépa physique et prépa mentale. Quelle place occupe chacune dans la performance selon vous ?

La grande différence, c’est que le niveau physique est assez stable. Le mental peut changer du tout au tout. Tu peux être au sommet et dans la même rencontre t’effondrer. Le mental dépend de la capacité à contrôler ses pensées à un moment donné. Dans les moments les plus importants, l’aspect mental est beaucoup plus déterminant. C’est lui qui permet à l’aspect physique de se traduire par une bonne performance ou un but.

 

Si on prend l’exemple du PSG qui, après une saison dernière extrêmement longue, voit aujourd’hui de nombreux joueurs se blesser et une forme de psychose arriver, on se demande parfois si les blessures ne viennent pas parce que les joueurs y pensent trop. Quel est votre avis là-dessus ?

C’est un très bon exemple. Le domaine le plus étudié est celui que vous avez mentionné, à savoir la fatigue. On dit que personne n’abandonne au kilomètre 41 d’un marathon, même si c’est là que l’on est le plus fatigué, car notre cerveau nous soutient. On abandonne au kilomètre 35, où on se sent loin. La fatigue est donc beaucoup plus liée à votre esprit qu’à d’autres facteurs que nous associons à la performance. Dans le sport, le domaine où le pouvoir de l’esprit a été le plus étudié est celui de la fatigue, de la capacité, selon l’importance que vous accordez à quelque chose, à continuer à performer bien au-delà de ce qui serait justifiable par vos capacités physiques. Si vous avez un objectif clair, votre corps a la capacité de générer beaucoup plus d’énergie, et le cerveau joue un rôle très important à cet égard. Et on pourrait dire la même chose sur la crainte de la blessure, même si j’insiste, il y a moins d’études sur tout ce qui concerne les blessures. On a des preuves scientifiques qui nous indiquent que l’état d’esprit influence énormément des choses comme la fatigue et, par conséquent, les performances, mais aussi la douleur ou le fait que les gênes se transforment ou non en blessures, ou qu’elles n’influencent pas autant les performances.

Dans le livre, vous parlez de visualisation négative. Quelle importance a-t-elle ?

Tu peux t’imaginer en finale de Ligue des champions, dans le pire des scénarios, et ensuite te demander ce qu’il va t’arriver : « Que peut-il arriver de pire ? Vais-je mourir ? Vont-ils tuer ma famille ? » Et pour un footballeur, la réponse est non. Il va rester millionnaire, avec une belle vie. Au pire, il sera critiqué dans les médias. Et il faut se demander si c’est vraiment si terrible, si l’avis des gens vaut vraiment la peine de dramatiser une chose ou l’autre. Une fois que l’on a fait toute cette visualisation, on peut se concentrer sur le positif. Le but est d’affronter ses peurs et de se rendre compte qu’elles ne sont pas si graves. Ça réduit l’anxiété.

Comme on dit, je pense que l’élève a largement dépassé le maître. Je n’ai plus grand-chose à lui apprendre. Il a parfaitement théorisé les idées stoïciennes qu’il a pu apprendre et vole désormais de ses propres ailes.

Pour en revenir à Luis Enrique. Vous venez tous les deux de Gijón. Votre rencontre est due au hasard ou à vos origines communes ?

Je l’ai connu à Gijón, parce qu’il a joué là-bas, mais je ne le connaissais pas personnellement. Puis il a commencé à parler de mon livre, avant que l’on ne se connaisse. Je savais qu’il avait lu mes livres, qu’il me suivait sur mes réseaux, et on s’est connu ensuite. Je ne peux en dire trop, mais j’ai pu le conseiller sur certaines choses, nous avons des contacts communs, et quelqu’un nous a mis en relation. D’abord par téléphone, puis en personne à Gijón, puis à d’autres reprises. Il est déjà venu à l’un de mes événements.

Vous travaillez toujours ensemble, vous partagez des choses sur le football ?

Nous n’avons quasiment jamais parlé de foot. Nous sommes encore en contact, mais je ne le suis pas au quotidien, je ne le conseille plus en tant que tel, ni sur le plan physique ni sur le plan mental. Comme on dit, je pense que l’élève a largement dépassé le maître. Je suis très heureux d’avoir pu apporter ma contribution, d’être l’une des nombreuses personnes, parmi tant d’autres, qui ont pu influencer la philosophie actuelle de Luis Enrique. C’est quelqu’un qui met très vite en pratique ce qu’il apprend. Je n’ai plus grand-chose à lui apprendre. Il a parfaitement théorisé les idées stoïciennes qu’il a pu apprendre et vole désormais de ses propres ailes. J’insiste, je pense que Luis Enrique est déjà bien au-delà de ce que je peux lui transmettre.

Concernant le PSG, Luis Enrique dispose d’un effectif très jeune, avec des joueurs qui n’ont pas connu beaucoup de clubs, qui n’ont pas encore développé d’habitudes définitives. Ça leur permet d’être plus ouverts aux préceptes du coach ou est-ce que c’est aussi générationnel, avec des jeunes globalement plus à l’écoute ?

Je dirais qu’ils sont plus ouverts, plus en contact avec ces philosophies qui n’existaient pas du tout il y a 15 ans, qu’ils prennent davantage soin d’eux-mêmes, qu’ils ne sont plus comme avant, qu’ils ne font plus la fête, ne boivent plus d’alcool, ce qui était très courant chez les jeunes joueurs. Il est également vrai qu’ils sont beaucoup plus exposés à la pression, aux commentaires qu’auparavant. Ils doivent donc travailler cette capacité à faire abstraction de toutes ces critiques qui existaient avant, mais qui n’étaient diffusées qu’à la télévision ou dans les journaux. Il faut travailler son mental pour éviter que cela ne vous affecte, car il est très facile de s’effondrer à cause de toutes ces critiques. Le côté positif, c’est qu’ils ont accès à des informations qui n’existaient pas auparavant, mais d’un autre côté, ils sont aussi plus exposés dès leur plus jeune âge, avant même de devenir professionnels, à ce type de critiques qui, si elles ne sont pas bien gérées mentalement, peuvent leur faire beaucoup de mal.

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