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Il était une fois dans Bron

Par Mathieu Faure
Il était une fois dans Bron

C’est officiel, Karim Benzema ne fera pas l’Euro 2016 en France. Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, et Noël Le Graët, le patron de la FFF, ont décidé de ne pas sélectionner l’attaquant du Real Madrid pour une question « d’exemplarité ». Les décideurs du football français ont préféré s’offrir un Euro sans leur arme offensive numéro 1, mais avec un climat autour des Bleus apaisés.

« Le président et le sélectionneur tiennent à rappeler que la performance sportive est un critère important, mais pas exclusif pour décider de la sélection au sein de l’équipe de France. La capacité des joueurs à œuvrer dans le sens de l’unité, au sein et autour du groupe, l’exemplarité et la préservation du groupe sont également prises en compte par l’ensemble des sélectionneurs de la Fédération. Il en résulte que Noël Le Graët et Didier Deschamps ont décidé que Karim Benzema ne pourra pas participer à l’Euro 2016. » Ce mercredi, le communiqué laconique de la FFF a fait mouche. Karim Benzema regardera l’Euro sur son canapé. Loin des Bleus. Loin de la France. Et ce, même si l’ancien Lyonnais traverse la meilleure phase sportive de sa carrière en club (25 buts en 27 matchs et une demi-finale de Ligue des champions, au moins, au compteur). Mais voilà, l’affaire de la sex-tape, ainsi que les récentes révélations de nos confrères de Libération sur sa convocation en tant que témoin dans le cadre d’une information judiciaire pour « blanchiment en bande organisée » et « blanchiment de trafic de stupéfiants » ont eu raison de la liste des 23. Juridiquement, Karim Benzema est présumé innocent dans les deux affaires, et rien ne dit qu’il sera condamné. Publiquement, il a déjà été jugé. Notamment par certains hommes politiques comme Manuel Valls, le Premier ministre, qui avait déclaré sur les ondes d’Europe 1 qu’un « grand sportif doit être exemplaire. S’il ne l’est pas, il n’a pas sa place en équipe de France » . Au sein de la Fédération française de football, on a d’abord botté en touche. Pour gagner du temps. Laisser le soufflé retomber histoire d’observer dans quel sens soufflait le vent. Après tout, faire l’Euro sans son principal artificier, c’est tout sauf une bonne idée. Mais la machine médiatique ne s’est jamais calmée. Sur les réseaux sociaux, « Rim-K » compte de nombreux soutiens, mais les gazouillis affichent une tendance, pas la direction.

Sponsors et image

La direction, c’est celle de l’opinion publique qui comprend l’avis des 8 à 12 millions téléspectateurs qui regardent les Bleus sur TF1, principal diffuseur de l’équipe nationale. L’idée que la France compte près de 70 millions de sélectionneurs n’a jamais eu autant de sens. Expliquer au grand public un choix moral n’a rien à voir avec la logique d’un choix sportif. Véritable vecteur de rassemblement, l’équipe de France doit aussi rendre des comptes à de nombreux sponsors. Et dans cette histoire, les argentiers du football français n’ont pas spécialement apprécié que le meilleur joueur français traîne dans des affaires douteuses. Au moment de prendre la décision, cela a forcément dû compter. Tout comme les différents sondages – qui ne représentent rien, au fond – qui ne faisaient pas du Madrilène le bienvenu en équipe de France pour ceux et celles qui la regardent. Ce n’est pas une surprise, l’enfant de Bron, dans la banlieue lyonnaise, n’a jamais suscité une grande sympathie auprès du grand public. Il est tout ce que la plèbe déteste dans le football : il est jeune, issue de la banlieue, originaire du mauvais côté de la Méditerranée, riche, ne chante pas l’hymne national, entier et fidèle à ses premiers amis, même ceux qui sont régulièrement transférés au ballon. Ça fait beaucoup (trop) de choses pour un pays qui se déchire de plus en plus ouvertement dans les urnes et qui a fait de son équipe de France une sorte de représentativité. Il y a forcément un peu de tout ça dans la décision des hautes instances du football français.

L’Euro 2016 doit rassembler autour des Bleus. Donner une image lisse. Agréable. Sans vague. Visiblement, Benzema ne l’aurait pas permis. Tout du moins, la présence du Benz dans les 23 aurait pollué l’entourage médiatique de l’équipe de France. Surtout en l’absence de Mathieu Valbuena, la « victime » . Se priver de Benzema, c’est aussi une manière de se priver plus facilement de Valbuena, pour des critères sportifs cette fois. Les suiveurs des Bleus auraient eu du mal à comprendre une liste des 23 avec Benzema et sans Valbuena. Sportivement, c’était pourtant une évidence. Mais le football est devenu l’opium du peuple. Il doit comprendre pour soutenir. Aimer. Sans les deux protagonistes – Benzema étant moralement fautif vis-à-vis de son coéquipier malgré les différentes opérations de comm’ mises en place dernièrement – les Bleus sont tranquilles. On peut se concentrer sur le terrain. Et uniquement le terrain. Alors oui, dans d’autres sports collectifs, certains leaders se sont égarés avant de poursuivre l’aventure nationale. On pense à Karabatic ou Ngapteh. Mais les deux garçons n’ont jamais mis un coéquipier dans le dur. Et encore moins au sein d’un rassemblement des Bleus. Deux détails qui changent la donne, malgré tout.

Un risque assumé car assumable ?

Pragmatique, Deschamps s’est aussi appuyé sur la relève pour guider son choix. Avec Griezmann, Martial, Coman, Payet, Giroud, Gignac, voire Ben Arfa, Dembele ou Fekir, les Bleus sont riches. Contre les Pays-Bas et la Russie, Deschamps et Le Graët ont parfaitement observé l’élan sympathique qui s’était dégagé de cette jeune équipe de France. Un regain d’affection qui s’est effectué sans Benzema. Alors, forcément, comme les Bleus ont marqué sept buts, contre deux adversaires en vacances dans des matchs sans enjeux, on s’est dit que l’affaire était réglée. L’équipe de France peut s’en sortir sans celui qui a déjà marqué 27 buts sous le maillot bleu. Le risque est assumé, car il est assumable. Se priver de Benzema quand on a du matos en réserve, c’est facile. Pas certain que le Portugal se passerait de CR7 pour une histoire de pénis. Et pour appuyer l’absence du Madrilène, on peut toujours ressortir l’histoire. Celle de 1996, quand Aimé Jacquet avait sacrifié le trio Cantona-Papin-Ginola sur l’autel de la jeunesse. Derrière, la génération Zidane s’était aventurée jusque dans le dernier carré de l’Euro 1996 avant de trouver le Graal avec Guivarc’h en pointe deux ans plus tard.
D’autant que pour mieux faire passer la pilule, Deschamps a aussi un atout qui peut servir de contre-feu. Il s’appelle Hatem Ben Arfa. Une lame à deux couteaux. D’une, le Niçois est un vrai atout sportif, surtout en ce moment. De deux, il permet de contrecarrer deux idées nauséabondes de cette affaire. La première va permettre, sans doute, à certains Français de pouvoir soulager leur conscience en aimant Hatem Ben Arfa en dépit de ses origines, alors que leur haine de Benzema prenait racine dans les mêmes raisons. Le fameux « Je ne suis pas raciste, j’adore le couscous » . La seconde, Ben Arfa – tricard depuis l’Euro 2012 et son altercation avec Laurent Blanc – représente cette formidable idée que le pardon est possible dans le football. Un repenti qui clame son amour du maillot. Quel beau message.

Quoi qu’il en soit, l’histoire aura forcément des répercussions. Si Karim Benzema termine avec une Ligue des champions dans la besace, par exemple, il faudra détourner le regard quand les Bleus aligneront Olivier Giroud en pointe contre la Roumanie, le 10 juin, lors de l’ouverture de l’Euro. Et, surtout, si les Bleus échouent lors de l’Euro 2016, il faudra composer avec ce choix et ses conséquences. Il n’y a peut-être pas de hasard, mais la dernière fois que Karim Benzema a manqué une phase finale de l’équipe de France de football, c‘était en 2010. À Knysna. Se priver de Benzema n’était pas forcément le choix le plus simple sportivement. Médiatiquement, c’était en tout cas le plus facile.

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