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Grégoire Passault : « Des robots arrivent déjà à marquer contre des humains »

Propos recueillis par Clément Gavard
Grégoire Passault : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Des robots arrivent déjà à marquer contre des humains<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

C'est une nouvelle victoire pour le Rhoban Football Club. Cette équipe française de scientifiques de l'université de Bordeaux a remporté la Coupe du monde de foot des robots humanoïdes de petites tailles pour la quatrième fois d'affilée, dimanche, à la Robocup 2019 qui se déroulait à Sydney du 1er au 8 juillet. Une grande satisfaction pour Grégoire Passault, membre de Rhoban depuis 2013, qui revient sur le parcours de l'équipe, des difficultés rencontrées, des évolutions, des ambitions technologiques et de la place de la France dans la robotique internationale.

Tu es un membre de Rhoban, l’équipe française du LaBRI (Laboratoire bordelais de recherche en informatique de l’université de Bordeaux), qui a gagné son quatrième titre de champion du monde consécutif à la Robocup 2019, l’équivalent de la Coupe du monde des robots, à Sydney. Raconte-nous votre parcours. Notre statut de triple champion du monde ne nous a pas empêchés de connaître pas mal de petits problèmes au démarrage. En fait, lors des poules, on a joué contre une équipe chinoise à laquelle on avait vendu des robots, ceux de l’année dernière, et on a perdu (1-0). Du coup, on s’est retrouvés contre l’Iran en quarts de finale, qui était considéré comme le plus gros adversaire, sachant qu’on avait gagné contre eux en finale l’année dernière (1-0). Et c’était sûrement le match le plus tendu de la compétition pour nous, ça a fait 3-3, puis on a gagné aux tirs au but, c’était très serré. Ensuite, on a joué à un meilleur niveau et on a battu le Japon (5-3) en demies, avant de battre assez largement la Chine en finale (5-1). Mais en général, le niveau était beaucoup plus haut que l’année dernière, il y avait beaucoup d’équipes compétitives. On a pris des buts dans chacun de nos matchs éliminatoires, alors qu’on n’en avait pris aucun l’année dernière, c’est dire.

Quelles sont les règles d’un match de foot de robots à la Robocup ? C’est simple, on se base sur les règles officielles de la FIFA, et la Ligue s’occupe de les adapter en fonction des contraintes. Par exemple, dans notre catégorie, la taille du terrain est de 6×9 mètres pour un match à 4 contre 4 sur deux périodes de dix minutes, avec éventuellement une prolongation de deux fois cinq minutes avant les tirs au but. Mais sinon, on retrouve les règles classiques du foot que tout le monde connaît.

En regardant les images, on pourrait croire que vos robots sont télécommandés, sauf que ce n’est pas le cas. Comment ça marche ?En effet, les robots sont autonomes, ce sont eux qui jouent.

Les robots sont autonomes, ce sont eux qui jouent.

En fait, dans notre ligue, la contrainte, c’est qu’on a affaire à ce qu’on appelle des robots humanoïdes, donc on ne peut pas mettre de capteurs qui n’ont pas d’équivalent chez l’humain, même s’ils ont le droit de se coordonner en wifi pour la stratégie d’équipe. Il faut toujours retrouver un équivalent chez l’humain pour que ce soit accepté. Du coup, ça marche surtout avec des caméras, on retrouve aussi la centrale inertielle, qui est l’équivalent d’une oreille interne, pour les aider à s’orienter, et nous on a installé des capteurs de pression sous les pieds. C’est une originalité, on a été les premiers à les avoir en 2015 et on a réussi à faire beaucoup d’améliorations dessus, ça permet d’aider l’équilibrage du robot et c’est un véritable avantage.

Il paraît que votre « robot star » a un nom féminin. On a juste donné des noms de différents genres à nos robots, il n’y a pas de raison pour que ce soit plus masculin que féminin. Donc, on retrouve en effet Arya et Nova, ainsi qu’Olive, Tom et Rush.

Et donc ils arrivent à jouer en équipe pour gagner des matchs ?

Une fois qu’on a atteint un bon niveau, le moindre grain de sable peut complètement casser le jeu.

Oui, mais comme tout est automatique, une fois qu’on a atteint un bon niveau, le moindre grain de sable peut complètement casser le jeu. Par exemple, si un robot voit une balle alors qu’il n’est pas censé en voir une, il va communiquer son information aux autres pour leur dire de ne pas y aller et ça va tout paralyser sur le terrain. Le jeu en équipe, c’est une très grande force pour nous, mais c’est aussi une faiblesse en cas de problèmes de ce genre.

Le jeu semble très lent, frustrant et fastidieux. Quelles sont les problématiques les plus importantes dans votre domaine ? La robustesse, c’est très important. Dans notre ligue, les robots ne font que tomber, donc il faut qu’ils puissent se relever vite, car ils se rentrent beaucoup dedans. Les duels sont hyper importants et ça oblige le robot à dégainer le plus vite possible son tir, sinon l’autre va récupérer la balle s’il est plus rapide. Je vais prendre un exemple pour illustrer l’importance de la robustesse : on a joué contre les Japonais qui ont un style différent du nôtre. Eux font de la conduite de balle, ils avancent sur le terrain avec le ballon. Et pendant qu’ils continuaient à marcher, nous on s’arrêtait pour tirer, donc ils avaient tendance à souvent tomber. Je pense qu’on était plus efficaces pour des raisons de robustesse. Forcément, il faut aussi que le robot ne casse pas. Vu qu’on a cinq robots, on peut utiliser un remplaçant, donc ça va, mais il suffit qu’on en casse deux et on se retrouve avec moins de joueurs sur le terrain.

Une autre victoire : vous avez réussi à faire votre première touche en match lors de la finale. Et c’était la première touche à la main de l’histoire de la compétition ! Ils ont réintroduit les touches cette année, l’idée était de pénaliser les robots ayant tendance à sortir la balle du terrain. On a suivi le truc à fond et on a fait un mouvement pour que le robot puisse prendre la balle avec les mains, puis la lancer.

Comment travaille votre équipe tout au long de l’année ? On se concentre intensivement sur la préparation les mois précédant la compétition, mais le reste de l’année, on travaille plutôt sur des sujets de fond, comme des grosses améliorations mécaniques. L’équipe a des profils variés : des permanents qui sont des enseignants chercheurs à l’université de Bordeaux, des étudiants en thèse, du campus, etc. C’est très universitaire.

Vous êtes quadruples champions du monde dans la kid size, c’est-à-dire les petits robots. Pouvez-vous voir plus grand ? On a beaucoup plus de marge de manœuvre avec nos robots, même si on a la volonté d’aller vers plus grand.

On retrouve des robots d’1,20m, voire même 1,50m pour certains. Mais c’est très difficile parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de tomber.

À la Robocup, il y a le niveau intermédiaire avec la teen size et la adult size où on retrouve des robots d’1,20m, voire même 1,50m pour certains. Mais c’est très difficile parce que les robots ne peuvent pas se permettre de tomber, sinon ça casse, donc il y a toujours quelqu’un derrière et le jeu est nettement moins dynamique. Puis, concevoir un robot de taille adulte pour jouer au foot, c’est aussi compliqué à financer.

La Robocup existe depuis 1997. À quel point cela a évolué en vingt ans ? Au début, il n’y avait même pas d’humanoïdes, c’était des robots à pattes, des espèces de petits chiens. Ma première participation date de 2013 et les terrains étaient deux fois plus petits, ça évolue par vagues. Avant, on jouait avec une balle de tennis sur de la moquette, donc on pouvait tirer de loin et marquer. Depuis 2015, c’est du gazon artificiel et on joue avec des vrais ballons de foot. Dans notre catégorie, on joue avec les plus petits modèles proposés par la FIFA, mais chez les adultes c’est la taille normale. Les équipes historiques ont eu du mal à marcher sur le gazon au départ, mais on recommence à avoir des équipes compétitives aujourd’hui.

À la fin de chaque tournoi, les codes des équipes sont publiés pour pouvoir s’inspirer de celles qui ont adopté les meilleures stratégies. Ce n’est pas un peu frustrant de partager ses petites recettes ? Il faut se dire que ce n’est pas qu’une histoire de compétition, il y a une super ambiance et c’est une communauté, on se connaît tous. Au contraire, je pense qu’on est contents que les équipes réutilisent des briques logicielles à nous, car le but est aussi de tirer le niveau vers le haut. On a une équipe russe et chinoise qui nous a acheté des robots, d’autres utilisent notre logiciel de monitoring, les capteurs de pression sous les pieds, etc. Si on peut résoudre des problèmes, c’est intéressant.

Quand on se rend sur le site officiel de la Robocup, il y a la mention de cette ambition folle : voir une équipe de robots battre une équipe d’humains championne du monde d’ici 2050. Est-ce vraiment envisageable ?

Tous les ans, il y a déjà des matchs de robots contre des humains dans la ligue des robots à roues et ils arrivent à marquer des buts. Donc si on se projette dans trente ans, rien n’est impossible.

(Il réfléchit.) En fait, on ne sait pas, c’est difficile de donner une réponse claire, mais oui je pense que c’est envisageable. Tous les ans, il y a déjà des matchs de robots contre des humains dans la ligue des robots à roues et ils arrivent à marquer des buts. Donc si on se projette dans trente ans, ce n’est pas impossible. Mais il y a un gros boulot sur la motricité. Quand on pense à Atlas, le célèbre robot de Boston Dynamics, c’est un robot humanoïde très performant qui n’est pas très loin de pouvoir courir sur un terrain de foot aujourd’hui, mais il vaut deux millions de dollars, c’est un budget monstrueux. En attendant, on est loin d’avoir des robots capables de tirer aussi fort et de courir aussi vite que les humains.

Quelle est la place de la France dans la robotique à l’heure actuelle ? On a tendance à penser à l’Asie comme première puissance. C’est vrai qu’il y a beaucoup de pays asiatiques, mais l’Allemagne est aussi ultra forte, tout comme le Japon et l’Iran. D’un point de vue de la Robocup, on commence à être pas mal. Quand j’ai commencé, on était la seule équipe française, cette année on avait six équipes en ligue major et huit en ligue junior. La partie junior a explosé en France, on compte 300 équipes de Robocup cette année contre aucune il y a quatre ans. C’est une évolution monstrueuse et j’espère que ça va perdurer, car c’est une énorme opportunité pédagogique.

La prochaine édition de la Robocup se tiendra à Bordeaux en 2020. Dans quelle mesure est-ce une chance pour la France ? C’est une super opportunité et ça va déjà permettre aux équipes de participer sans le problème de coût du déplacement. On a beaucoup lutté au début avec ça et on est heureux d’avoir eu de nombreux supports, notamment l’université de Bordeaux. De plus, Paris va accueillir l’ICRA (une conférence robotique internationale majeure) quelques semaines avant la Robocup, c’est génial pour la visibilité de la France. À Bordeaux, on espère avoir des visiteurs pour séduire le grand public. On veut d’ailleurs améliorer la partie communication, en mettant des gens qui expliquent le fonctionnement de chaque ligue. On a envie d’améliorer tout ça avec des commentateurs en français expliquant les règles, les difficultés de la ligue pour que ce soit accessible à tout le monde.

Pour finir, est-ce que vous êtes des mordus de foot dans l’équipe Rhoban ou pas du tout ?

Globalement, on n’est pas trop des footeux. On est plutôt des informaticiens, des geeks…

Globalement, on n’est pas trop des footeux. On est plutôt des informaticiens, des geeks… Bon, ce n’est pas le cas pour tout le monde hein, on retrouve quand même quelques fans de foot dans le groupe, mais pour l’instant on reste assez éloignés du foot des humains, on n’a pas besoin d’un coach pour nous donner des conseils. (Rires.) Peut-être que dans le futur, si on a un niveau hyper compétitif, on commencera à s’intéresser aux stratégies des humains. Mais on ne s’est pas tournés spécifiquement vers ce domaine parce que c’était du foot, c’est plutôt les difficultés scientifiques et techniques qui sont intéressantes.

Propos recueillis par Clément Gavard

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