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Godemèche : « Quand je vois où j’en suis aujourd’hui, je ne regrette rien »

Propos recueillis par Anthony Davière
6 minutes
Godemèche : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand je vois où j&rsquo;en suis aujourd&rsquo;hui, je ne regrette rien<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé au CFR Cluj en janvier dernier avec l'idée de franchir un cap, Nicolas Godemèche a visiblement eu le nez creux. Au chômage il y a un an après la fin de son aventure avec Naval (Portugal), il se rend à Old Trafford, ce mercredi, pour tenter de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des champions. L'occasion d'aborder sa découverte de la C1, mais aussi, et surtout, le quotidien « folklorique» d'un joueur de foot en Roumanie.

Nicolas, il y a quasiment un an, tu rejoignais le CFR Cluj. À l’époque, ça ne t’inquiétait pas de partir en Roumanie ?Je savais pourquoi j’y allais. J’attendais une proposition de ce style depuis mon départ de Naval, à l’été 2011. Pouvoir disputer un titre de champion et surtout la Coupe d’Europe, c’était indispensable. Et puis je connaissais déjà quelques joueurs passés par le Portugal, donc je m’étais renseigné sur la vie là-bas. C’est très loin de ce qu’on peut croire en France. Par exemple niveau sécurité, on n’entend jamais parler de braquages ou de vols à l’arrachée comme c’est le cas chez nous.

Tu t’es adapté facilement à ce nouvel environnement ?Quand je suis arrivé à l’intersaison, le CFR occupait la deuxième place. L’objectif était de décrocher le titre de champion pour disputer ensuite la Ligue des champions. Ce qu’on a fait. Donc déjà, d’un point de vue sportif, c’était satisfaisant. Et puis on s’entend tous bien dans le groupe. On a beaucoup de Brésiliens, de Portugais, des Italiens, des Roumains. C’est assez cosmopolite, très chambreur.

L’ambiance dans les stades, c’est comment ?Quand on se déplace au Dinamo Bucarest ou au Steaua, on joue dans le stade qui a accueilli la dernière finale de l’Europa League (Arena Nationala). Plus de 40 000 personnes, enceinte magnifique, l’ambiance est énorme. Dans les autres stades, on n’a jamais de soucis. Juste, les derbys avec la U Cluj sont bouillants…

« Dans le tunnel qui mène aux vestiaires, leur gardien pose une droite à notre capitaine »

Tu entends quoi par « bouillant » ? La saison dernière, on se déplace sur le terrain de la Universitatea. Au bout de 25 minutes, on mène 1-0 grâce à un penalty de Cadu. Il saute les panneaux publicitaires et frappe son torse du poing devant les supporters adverses. Le gardien court, enjambe les barrières et vient le pousser, histoire d’expliquer qu’on ne fait pas ça chez eux. L’arbitre exclut les deux joueurs. Dans le tunnel, le gardien lui pose une droite. Évidemment, on fonce tous dans le tas… Le match est arrêté.

Ça s’est terminé comment, cette histoire ? Selon le règlement, l’équipe visiteuse remporte le match 3-0 sur tapis vert puisque les conditions de sécurité ne sont pas réunies. La Fédération roumaine, puis le Tribunal arbitral du sport, ont décidé de faire rejouer la rencontre comme si de rien n’était. Sauf qu’on disputait le titre avec le Steaua et qu’avec les différents recours, ce derby a été placé lors de l’avant-dernière journée. On recevait Bucarest à la dernière journée…

En gros, vous pouviez remporter ou perdre le titre lors de ce match ? Exactement. On est mené 2-0 à la 50e minute et on l’emporte 3-2 sur un penalty de Cadu, à la 88e. On est champions, on s’évite un énorme dernier match contre le Steaua. Et surtout, on le fait sur la pelouse de l’ennemi. Comme si le PSG remportait le titre au Vélodrome. Un grand souvenir.

« En fin de saison, avant nos matchs de championnat, le président su Steaua promettait 100 000 euros à nos adversaires en cas de victoire »

À part ce derby, t’as vécu des choses particulières depuis ton arrivée ? On parle souvent de corruption dans ces pays de l’Est…Au départ, c’est clair que j’ai dû m’adapter à la mentalité locale. Les présidents de clubs sont omniprésents, ils donnent des interviews chaque semaine à la télévision. Ils parlent de la valeur d’un match, d’un joueur… Leur rapport avec l’argent est juste différent de ce qu’on l’on voit en France. Après, je n’ai jamais été confronté à la corruption.

Tu ne t’es jamais posé de question pendant une rencontre ? Sur un joueur, une équipe ? Non, pas vraiment. Les seules fois où j’ai eu des doutes, c’était plutôt sur l’arbitre. Mais en fin de saison dernière, on voyait des trucs totalement invraisemblables. Quand on luttait avec le Steaua pour le titre, leur président prenait la parole avant nos matchs pour dire : « Si le Gaz Metan (équipe au hasard) bat le CFR, j’offre 100 000 euros aux joueurs. » Non, mais t’imagines un truc comme ça en France ? C’est leur culture, c’est comme ça. Il a juste fallu apprendre à vivre avec ce folklore.

Et les médias, ils disent quoi de tout ça ?C’est ancré dans le pays ! Pour eux, c’est normal. En Ligue des champions, on perd contre Galatasaray à la maison (1-3). Le lendemain, un journal expliquait avoir vu un homme entrer dans la maison de notre capitaine avec une mallette et ressortir les mains vides. Soit disant, l’argent devait être partagé avec les Portugais de l’équipe. Ils te montent le truc en épingle pour faire croire aux non-initiés que c’est la réalité. Quand tu connais, tu n’y fais plus attention.

T’as déjà été soupçonné de corruption ?Non, je touche du bois pour le moment. Mais il suffit d’une erreur pour qu’on mette en doute ta crédibilité. Je me souviens la saison passée, un journal sportif avait sorti une liste de joueurs soupçonnés de corruption. Pourquoi eux ? Parce qu’ils avaient été coupables d’une erreur technique ou d’un mauvais alignement… Des choses qui peuvent arriver à n’importe qui sur un match !

« Hâte de découvrir l’ambiance d’Old Trafford »

Et malgré toutes ces « coutumes locales » , ta signature à Cluj coïncide avec tes débuts en Ligue des champions.Une superbe découverte. Je ne sais même pas si je réalise… D’habitude, je regarde ça à la télé. Mais quand on le vit, on se rend compte de l’ampleur. Les stades sont pleins, l’organisation est parfaite, c’est vraiment toute une ambiance particulière. Et puis on affronte les meilleurs équipes du monde.

À égalité de points avec Galatasaray (7 points, devancés au goalaverage particulier), vous jouez la qualification pour les huitièmes de finale à Manchester United, pas le terrain le plus accueillant…J’ai hâte d’y être. J’espère disputer ce match et découvrir l’ambiance d’Old Trafford. D’autant plus que mon frère et mon père feront le déplacement. Ce sera très compliqué, c’est évident. Mais on ne sait jamais ce qui peut se passer. On doit faire un meilleur résultat que Galatasaray, en déplacement à Braga. Même si les Portugais devraient faire tourner car ils sont déjà éliminés de toute compétition européenne, ils auront envie de montrer à leur public qu’ils n’étaient pas si loin, c’est une question d’amour propre.

« À projets identiques, je privilégierai la France à l’étranger »

Ce sera peut être aussi l’occasion pour toi de te montrer, vu que tu es en fin de contrat. Totalement. Il n’existe pas de meilleure publicité que celle du terrain, surtout face à un adversaire du calibre de Manchester. Mon contrat se termine en juin. Donc normalement, nous devons nous mettre d’accord avant la fin de l’année courante, c’est le règlement.

Champion de Roumanie, découverte de la Ligue des champions, finalement le chômage, ça a peut-être du bon, non ?(Rires). Sincèrement, je ne le souhaite à personne. J’attendais un challenge qui me permette de jouer l’Europe après mon aventure au Portugal. Je ne me vante pas de cette période… Mais malgré plusieurs mois sans jouer, j’avais des propositions. C’est important pour le mental. J’ai préféré attendre pour franchir un nouveau cap dans ma carrière. Quand je vois où j’en suis aujourd’hui, je ne regrette rien.

T’aimerais plutôt poursuivre l’aventure à Cluj ?Je n’ai pas encore pris ma décision. Je réfléchis à la possibilité de relever un nouveau défi. Pourquoi ne pas rester à l’étranger, ça se passe très bien depuis mon départ de Montpellier (en 2007). Mon choix se fera aussi en fonction de ma famille, il devra convenir à tout le monde. Mais certainement qu’à projets identiques, je privilégierai la France à l’étranger.

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Propos recueillis par Anthony Davière

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