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Faut-il de la discrimination positive sur les bancs français ?

Par Nicolas Jucha
Faut-il de la discrimination positive sur les bancs français ?

À partir de janvier, les clubs professionnels anglais qui voudront recruter un nouvel entraîneur devront recevoir au moins cinq candidats en entretien. Cinq candidats dont un minimum devra être issu d'une minorité. En France, où seuls deux coachs de couleur exercent sur les deux premiers niveaux pros, aucune règle de ce genre ne pointe à l'horizon.

Il y a quatre ans, la revue anglaise When Saturday Comes évoquait l’histoire de Michael Johnson, fraîchement recalé pour le poste de sélectionneur des U20 anglais. Défait, mais satisfait, car l’ancien joueur, 20 ans de carrière, avait eu l’opportunité de passer un entretien d’embauche, chose rare, à cause de sa couleur de peau selon lui. « Rares sont les entraîneurs issus des minorités ethniques à avoir l’opportunité de s’asseoir devant un groupe de personnes, donc lorsque l’on est dans cette situation, on a l’impression de remporter une victoire alors que cela ne veut pas dire grand-chose » , expliquait-il à l’époque.

Un an plus tard, c’est Gordon Taylor, patron de la Professionnal Footballers Association, qui évoquait « une résistance cachée » à l’égard des entraîneurs noirs dans le football anglais. D’ici le 1er janvier 2018, la donne est censée changer, avec l’adoption par les 72 clubs professionnels anglais d’une réglementation équivalente à la Rooney Rule en vigueur aux États-Unis : pour tout recrutement d’un entraîneur ou membre de staff technique, les clubs professionnels anglais devront recevoir un minimum de cinq candidats en entretien, dont un issu d’une minorité. Une mesure adoptée pour briser l’hégémonie blanche sur les bancs anglais alors que seul Chris Hughton, à Brighton, représente les managers noirs en Premier League. Les autorités du football anglais ont déjà décidé de se donner le temps, avant d’éventuellement renforcer le système dans les années à venir si les résultats ne sont pas là.

« La compétence ne dépend pas de la couleur. » Guy Lacombe

De l’autre côté de la Manche en revanche, aucune nouvelle règle de ce type ne pointe à l’horizon malgré un constat équivalent : seuls deux coachs de « couleur » en Ligue 1 – Antoine Kombouaré à Guingamp, Sabri Lamouchi depuis peu à Rennes – et un zéro pointé à l’étage inférieur. Dans les équipes de France, Bernard Diomède, à la tête des U19 masculin, colore très légèrement l’organigramme. « Je n’ai pas d’explication sur la faible proportion d’entraîneurs des « minorités » comme vous dites, alors qu’au niveau des joueurs, les minorités sont presque majoritairement représentées » , tente d’analyser Frédéric Antonetti.

Son confrère Guy Lacombe, fraîchement retraité de la Direction technique nationale, n’est pas plus avancé sur la question, et clame tout comme l’ancien entraîneur que « la compétence ne dépend pas de la couleur » . Toujours est-il que personne n’osera dire que les entraîneurs issus des minorités sont moins doués pour le coaching, ni qu’il y a une discrimination volontaire à l’entrée. « Les présidents regardent seulement les résultats. S’ils sont bons, peu importe la couleur de l’entraîneur. Après, le tout, c’est que chacun ait sa chance » , souligne Antonetti. Que chacun ait sa chance ou l’envie de la prendre si on le laisse poursuivre son raisonnement : « Entraîneur, c’est vraiment un métier particulier, très difficile, où on est au centre de tout. Tout le monde n’a pas envie de le faire, peut-être que c’est plus simple de devenir consultant(Rires.)Certains, aussi, ont peut-être le sentiment d’avoir gagné assez d’argent et veulent se réorienter sur un métier plus tranquille. »

D’Antoine Kombouaré à Christian Bassila

La donne, sur ce point, serait peut-être en train de changer selon Guy Lacombe. « Sur les dernières sessions du DESS que j’ai animées, les minorités étaient représentées, cela va se rééquilibrer. » Surtout que l’ancien entraîneur et formateur ne croit pas autant à la contrainte d’une discrimination positive qu’à l’évolution naturelle. « Vous savez, faire de la discrimination positive, ce n’est pas forcément bon, vous ne rendez pas forcément service à celui qui en bénéficie. Dans un vestiaire de football, l’entraîneur a besoin d’être crédible, et la crédibilité, cela s’acquiert seul à travers son parcours et ses compétences. Antoine Kombouaré, pourquoi est-il légitime à Guingamp ? Parce qu’il fait du bon boulot, voire de l’excellent au vu des moyens à sa disposition. Qu’il soit noir, blanc ou rouge, ce n’est pas cela qui compte. »

Pour appuyer son idée, celui qui a entraîné le PSG et Monaco met en avant l’exemple de Christian Bassila, récemment intronisé directeur adjoint du centre de formation à Lyon. « Ils l’ont installé là, car ils l’ont estimé le plus compétent, pas parce qu’ils voulaient lui faire plaisir. A contrario, prendre un membre d’une minorité sous la contrainte, et s’obliger pour ce faire d’écarter quelqu’un de plus compétent, cela peut être un cadeau empoisonné. »

Zidane, pionnier encore une fois

Motif d’espoir, l’entraîneur français le plus en vogue est issu de cette population sous-représentée. « Dans sa réussite, l’élément crucial, c’est l’intelligence. Pour Zidane, cela n’a jamais été facile au début, que ce soit comme joueur ou coach. Il a su être à l’écoute, apprendre continuellement, et prendre ce qu’il y avait à prendre des gens qu’il a côtoyés. Aujourd’hui, il est crédible, car les joueurs se souviennent du numéro 10 qu’il a été, et aussi parce qu’il a un management exceptionnel. Mais rien ne lui a été donné, tout ce qu’il a, il est allé le chercher. »

Pour Frédéric Antonetti, l’ancien numéro 10 des Bleus ne restera pas un cas isolé, sorti du rang par la grâce de sa notoriété de joueur. « Je pense que mathématiquement, logiquement au moins, il y aura beaucoup plus d’entraîneurs de couleur dans 20 ans, vu qu’il y a beaucoup de joueurs de couleur aujourd’hui. La base pour conditionner la population des entraîneurs, c’est la population des joueurs, car en grande partie ce sont eux qui vont alimenter la profession. »

Dans cet article :
Tchouaméni : un brassard et après ?
Dans cet article :

Par Nicolas Jucha

Propos de Guy Lacombe et Frédéric Antonetti recueillis par NJ
Propos de Michael Johnson extraits du numéro 320 de When Saturday Comes

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