Eto’o – Chronique d’un départ annoncé

« Personnellement, je le considère comme le meilleur attaquant du monde et je suis prêt à le renouveler jusqu’à sa retraite, mais le monde est en crise et il faut donner l’exemple » . Joan Laporta a un problème. Le président du Barça va devoir choisir entre son affection pour le Camerounais et la raison économique. L’homme qui avait jadis parié sur l’arrivée de ce dernier au Barça se retrouve dans une situation inconfortable. Et doit justifier le départ du meilleur attaquant du monde et accessoirement grand héros des deux dernières finales remportées par le club.

En début d’année, Guardiola s’était montré moins sentimental en indiquant à Ronaldinho, Deco et Eto’o la porte de sortie. Finalement, seuls le “Portugais” et le Brésilien sont allés s’enterrer au Milan AC et à Chelsea. Eto’o, lui, avait pour une fois dans sa carrière choisi de faire profil bas, afin de prouver à Pep qu’il était indispensable aux Blaugranas. C’est ce qu’il a fait, sans jamais avoir convaincu le successeur de Rijkaard. Entre les deux hommes, le courant n’est jamais totalement passé. Aujourd’hui le mariage de raison est au bord du divorce.

L’Oncle Sam, à qui il reste un an de contrat, estime qu’il a amplement mérité sa prolongation. Et il a raison. Sur le terrain, il a été tout simplement irréprochable. Auteur de buts décisifs, d’un pressing incessant et bénéfique pour faire tourner la machine catalane, le Camerounais a une nouvelle fois accompli sa prophétie : « Courir comme un noir pour gagner comme un blanc » .

Pour l’heure, le Barça n’est pas disposé à le gratifier d’un nouveau contrat. A 28 ans, Samuel a tout gagné avec le club, il se fait âgé, mais surtout, c’est une véritable bombe à retardement dans le vestiaire. Le club cherche toutes les excuses valables et foireuses pour essayer de s’en séparer. Personne n’a oublié en Catalogne la déchéance des vainqueurs de la Ligue des Champions 2006. Personne ne veut mettre en péril un équilibre fragile en conservant un joueur qui s’est toujours senti mésestimé par rapport aux grandes stars du club.

Pour faire chier ses dirigeants, Eto’o a fait savoir qu’il accomplirait sa dernière année de contrat au club, pour choisir ensuite la destination de son choix librement. Bien évidemment, le Barça souhaite le vendre pendant qu’il en est encore temps. L’agent du joueur, Jose Maria Mesalles, confirme les intentions de son client : « Nous n’allons chercher aucun club. Après, si un fou paie la clause libératoire de 150 millions et offre un meilleur salaire à Eto’o, nous nous assoirons pour discuter. Mais pas avant » . Rouage essentiel du Barça époque Rijkaard et Guardiola, Eto’o pense être dans son droit. Après tout, il avait été le premier à pointer du doigt les sorties nocturnes de Deco et de son “frère” Ronaldinho. Il avait également été le premier à demander plus de professionnalisme à ses coéquipiers. Dire tout haut ce que tout le monde disait tout bas aura finalement coûté très cher au Lion Indomptable.

Les stars du Barça ont toujours quitté le club en mauvais termes. C’est à ça qu’on reconnaît les cracks blaugranas. Maradona, Ronaldo, Figo, Romario, Rivaldo, Schuster, Ronaldinho, Deco. Tous sont partis par la petite porte. Tous sont également partis pour la même raison : l’argent, et des promesses non tenues. Le feuilleton Eto’o n’est qu’un épisode de plus dans cette malheureuse saga. Aujourd’hui, le Barça est le meilleur club du monde. Qu’est-ce que Samuel irait donc foutre en Angleterre ou en Italie ? Pas grand-chose à vrai dire…

De son côté, le club souhaite gagner, une fois n’est pas coutume, un peu d’argent en revendant l’un de ses meilleurs joueurs. Laporta a pourtant déclaré il y a quelques semaines le contraire : « Le Barça sera toujours un club acheteur, mais jamais vendeur » . En réalité, les dirigeants barcelonais souhaiteraient se débarrasser de leur attaquant compulsif pour rentrer un peu de maille. Depuis cinq ans, le club a dépensé en moyenne 60 millions d’euros par saison pour acheter des joueurs. Sur cette même période, la vente desdits joueurs a rapporté 5 millions d’euros en moyenne. Le club souhaite par conséquent se séparer désormais de ses stars au meilleur moment. Ni trop tôt, ni trop tard. Deux ans avant de rejoindre le Milan AC pour 25 millions d’euros, l’ancien feu follet du Parc des Princes avait une valeur marchande de 80 millions d’euros. Les dirigeants le savent très bien. Si Samuel Eto’o reste encore un an, il n’apportera rien de plus au club. Juste un manque à gagner et le regret de ne pas avoir vendu plus tôt.

Pour remplacer Eto’o dans l’axe de l’attaque, les dirigeants catalans ont jeté leur dévolu sur Ibrahimovic. Question talent, le Suédois est peut-être supérieur au Sam. Cependant, il est moins buteur-tueur qu’Eto’o et beaucoup moins concerné par le repli défensif que l’actuel goleador des Culés. L’équilibre de l’équipe de Guardiola repose avant tout sur une ligne de récupération de la balle très haute et sur un pressing constant des attaquants. Or, on voit mal Ibrahimovic abattre le même boulot que Sammy la cartouche. Remplacer Ibrahimovic par Eto’o risque ainsi de déséquilibrer toute l’équipe. Et pas que sur le terrain. Car s’il y a bien un domaine dans lequel “Ibracadabra” se distingue, c’est bien dans le trash-talking. Il peut à lui seul faire exploser un vestiaire par son ego surdimensionné et ses tirades assassines. A côté, la gouaille du Camerounais ferait presque pâle figure. Et pourtant… Txiki Begiristain s’est déjà entretenu lundi dernier avec Moratti, pour mettre à plat les bases d’un échange entre les deux buteurs, plus 20 millions d’euros en petites coupures que le Barça devra cracher aux Nerazzurri. De la folie pure…

Question à 1 milliard de dollars. Laporta aurait-il eu l’idée d’engager le Suédois si Florentino Perez ne s’était pas représenté ? Pas sûr. Depuis que l’architecte des Galacticos est revenu dans la place, Laporta n’est pas serein. Engager Ibrahimovic serait la meilleure réponse à donner au transfert de Kaka. Mais est-ce le meilleur moyen de répliquer au Real Madrid ? Là encore… Pour l’heure, rien n’est fait, mais tout le monde est déjà à bloc. Notamment les deux principaux protagonistes de cette histoire, Ibrahimovic et Eto’o. Le premier a ainsi déclaré qu’il valait le prix exorbitant demandé par son président : « Mettre 25 buts en Italie, c’est plus difficile que de les mettre n’importe où ailleurs. Je suis très cher, mais je les vaux » . Samuel, pas en reste, a rompu son silence pesant pour répondre à l’insolent : « Si le meilleur buteur du champion d’Italie coûte 70 millions, alors combien coûte le meilleur buteur du club qui a réalisé le triplé cette année ? » . Laporta a vraiment un gros problème à résoudre… mais toujours pas de solution.