- Coronavirus
Et si le confinement rendait nos joueurs plus créatifs ?
Si le confinement a mis sur pause le football depuis maintenant plusieurs semaines, il a également restreint sa pratique quotidienne, laissant les ballons de côté au profit des séances de musculation à la maison. Paradoxalement, aucune période ne semble avoir été aussi propice que celle que nous traversons pour développer sa technique et sa créativité. Tant pis pour le voisinage et le mobilier.
Dans son Éloge de l’esquive, Olivier Guez raconte notamment que les premiers joueurs noirs ont commencé à dribbler pour éviter les contacts physiques avec les défenseurs blancs. Une parade devenue la marque de fabrique du football brésilien, entamée par Garrincha, perpétuée tout au long du siècle dernier par Rivelino, Zico, Jairzinho et Romário, marketée par Nike, et enfin élevée au rang d’art par Ronaldinho. Mais à la différence de ses glorieux aïeux, Ronnie aime rappeler qu’il n’a pas commencé à travailler sa technique en esquivant les défenseurs. « J’adorais dribbler. J’ai appris dans mon salon contre les meubles et entre les chaises, ou dans le jardin contre mon chien. » Même son de cloche pour Lucas Moura, qui avouait volontiers qu’enfant, il jouait dans sa cuisine, dribblant table et chaises au gré de ses envies. Une anecdote dont les deux anciens du PSG pourraient définitivement perdre l’exclusivité dans quelques années quand le confinement forcé aura enfanté de nouveaux magiciens, qu’ils viennent de Porto Alegre ou de Château-Thierry.
Jongler confiné
Enseigné jeune, parfois même pris en compte pour départager plusieurs équipes de jeunes ou certains joueurs lors d’une détection dans un club, le jonglage n’exige pas beaucoup de place, faisant de lui l’exercice le plus simple pour tâter le cuir tout en étant confiné. « Jongler c’est inutile, on ne parle pas de football », balance Andrew Argent, freestyler français installé à Prague. « On parle d’apprendre à comprendre comment le ballon rebondit. En revanche, si tu ne sais pas jongler, que tu n’as pas compris la gestuelle nécessaire pour amortir le ballon, et que tu reçois une transversale d’un coéquipier à l’autre bout du terrain, le ballon va rebondir sur ton pied et partir à deux mètres. » Du pied droit, du gauche, de la tête, du genou ou même du talon, la répétition de jongles permet d’accroître la maîtrise du cuir et de ses rebonds. Et encore davantage quand, entouré par le mobilier, l’exercice devient périlleux, mobilisant intuitivité et créativité. Un constat pas totalement partagé par Stevan Jovetić, pas en reste quand il est confiné entre trois défenseurs : « Ce n’est pas une simple question d’entraînement. Tu peux réussir les gestes que tu imagines dans ta tête. Ensuite, ce ne sont que des occasions de les accomplir, peu importe où. » Malgré tout, l’attaquant monténégrin de l’AS Monaco, qui a lui aussi fait de la casse dans son salon étant jeune, concède que jongler dans un périmètre restreint « fait progresser, tout comme jouer avec d’autres balles plus petites comme des balles de tennis ».
Boule de pétanque et paire de chaussettes
Un rouleau de papier toilette, une paire de chaussettes, une bouteille vide ou un sac plastique gonflé, nombre d’objets du quotidien peuvent être utilisés pour développer sa créativité, même une boule de pétanque. « La semaine dernière, j’étais en train de lancer des boules de pétanque dans la cour. La première chose que j’ai faite, c’est d’en amortir une avec mon pied », rembobine Andrew Argent. « Évidemment, je ne vais pas jongler avec, mais on peut essayer de l’accompagner pour ne pas se faire mal. C’est instinctif, c’est de la créativité. Et inconsciemment, on va le reproduire sur le terrain. » Mais le jonglage, que ce soit avec un ballon ou avec un tout autre artefact, n’est pas le seul exercice permettant de développer sa technique et sa créativité. Car outre le manque d’espace engendré par le confinement imposé, être cloîtré entre quatre murs amène à élaborer tout un tas de jeux techniques, que ce soit des slaloms en mouvement, des concours de précision presque irréalisables, des passes avec une armoire ou des répétitions de dribbles dans sa baignoire. Le confinement offre le loisir de s’essayer au coup du crapaud de Cuauhtémoc Blanco, l’elastico de Rivelino, la roulette Mariot ou encore l’otarie de Kerlon. Mieux encore, tous les objets du quotidien, qui étaient hier des contraintes, deviennent d’un seul coup des adjuvants indispensables pour développer sa créativité tout en comblant sa satiété des exercices répétés. « Avant un match, aucun joueur ne se dit : « Je vais faire tel ou tel dribble aujourd’hui » » , explique Andrew Argent, qui a tourné avec Ronaldinho lors d’une pub Nike en 2002. « C’est la créativité et l’instinct qui vont amener ça. Jouer avec d’autres objets ou devoir jouer avec des obstacles autour de soi, ça t’amène à penser, et là encore, quand tu reproduis le geste avec un ballon, c’est beaucoup plus facile. » Comme quoi, le confinement a du bon.
Hissez haut, Satriano !⚽️ work in the ? pic.twitter.com/IdoEkSFvAJ
— Stevan Jovetić (@sjovetic) June 22, 2018
Par Maxime Renaudet
Propos d'Andrew Argent et Stevan Jovetić recueillis par MR


























